vendredi 19 novembre 2021 - par VICTOR Ayoli

Au bistro de la Toile : la journée des chiottes ! Enfin, des toilettes...

- Oh ! Victor, ça fait plaisir de te revoir. Je sais la raison de ton absence qui nous touche tous dans mon rade. On est tous de cœur avec toi.

- Eh ouais les amis. Nicole est partie… Me laissant un vide abyssal tellement nous étions ensemble tout le temps. Trente-huit ans de vie commune, d’amour fusionnel...

C’est comme ça.

Elle n’était pas malheureuse malgré cette horreur d’Alzheimer. J’arrivais à la faire rire et à égayer sa vie.

J’ai eu la chance d’être soutenu sans réserve par son fils, d’être entouré d’une famille unie et active à mes côtés, d’amis solides, dévoués et efficaces, ainsi que des formidables équipes de jeunes femmes du SSIAD, de l’Accueil de jour et de l’association Présence 30 qui nous apportaient, tant à Nicole qu’à moi, non seulement leur compétence mais aussi et surtout leur enthousiasme, leur sourire, leur générosité, car elles font un métier difficile, pas assez valorisé, alors que leur matière première, c’est de l’humain.

Mille mercis à elles.

L’épreuve de Nicole m’a permis de me découvrir des qualités de patience, d’écoute, d’altruisme, de générosité que je ne me soupçonnais pas.

Merci à elle.

Dans les derniers temps, elle m’a offert encore quelque chose de formidable : un sentiment que les hommes ne connaissent pas et ne peuvent pas connaître, celui d’une maman pour son bébé, d’une mère-poule prête à tout pour défendre bec et ongle son poussin.

Quel merveilleux cadeau !

Voilà. Je me remonte. Je suis solide et ne baisse jamais les bras. Tè, mets une tournée générale en la mémoire de ma Lionne. Et raconte-moi quelque chose de plus gai.

- Tè, aujourd’hui, c’est la Journée internationale des chiottes ! Et aussi, en même temps comme dirait l’Autre, la Journée internationale des Hommes. Drôle de rapprochement.

- Peut-être parce que certains hommes ont des goûts de chiotte. Où que d’autres, adeptes de la junk-bouffe yankee sont des mange-merde. Tiens, ça me rappelle une histoire, celle des cochons de merde que nous faisait griller Jésus-le-Cuistot à Goa, du temps où j’étais hippie. Le Jésus dont je vous cause, c’était une fleur çuila  ! Un grand blond, frisé, à la peau blanche, avec quatre poils au menton. Costaud comme le granit de sa Bretagne natale. Une force de la nature. Lui, sa défonce, à part le hasch évidemment, comme tout le monde, c’était la bouffe  ! Il se défonçait non seulement à bouffer, mais à faire la Cuisine  ! Fabuleux ! Son livre de chevet, c’était un livre de cuisine : « La physiologie du goût » de Brillât-Savarin  ! Il partait parfois deux, trois jours méditer dans les dunes avec son bouquin. Puis il nous faisait des petits plats que je vous en dis que ça ! 

Une de ses spécialités, c’était le cochon de merde rôti à la broche.

- Le cochon de merde ?

- Ouais ! Le cochon de merde ! Sur la plage traînaient des dizaines de cochons noirs qui appartenaient aux pêcheurs. Ils participaient, tout comme les gros corbeaux, les vautours et les chiens jaunes pelés, à la voirie ! Ils bouffaient tous les détritus qu’ils trouvaient, mais avec une prédilection marquée pour la merde des habitants. Les cagoinces, sur la plage de Calangute, c’étaient une petite boite rectangulaire, faite avec quatre claies de feuilles de palmiers tressés, posées verticalement au-dessus de deux pierres sur lesquelles le cagueur posait les pieds pour se ramoner la tripe. Dès qu’ils entendaient le froissement végétal de la porte qui s’ouvrait, les cochons noirs arrivaient en courant, heureux de l’aubaine du succulent gueuleton qui s’annonçait. C’était surtout des porcelets, les gros cochons étant généralement gardés dans un enclos fermé, près des maisons. Pendant que - accroupi, les coudes sur les genoux, les mains te tenant le menton dans la position de grande réflexion qui a inspiré Rodin pour son Penseur - tu coulais, toi aussi, un beau bronze, les petits cochons noirs passaient le groin sous les claies et, entre les pierres, dégustaient les fruits de tes efforts ! Directement du producteur au consommateur ! Et, suprême raffinement, ils te nettoyaient l’oignon de quelques délicats coups de leur langue rose délicieusement râpeuse ! Un bonheur !

Ce sont ces petits cochons que Jésus nous préparaient soit à la broche, soit encore en civet. Dé-li-cieux !

Pour boire, nous avions du toddy frais, que les producteurs de Calangute lui livraient directement, de l’arack, du cajou fanny (c’est un tord boyau redoutable fait en distillant des noix de cajou fermentées), du rhum et, pour les grandes occasions, le Jésus se démerdait à trouver quelques bouteilles de son sang : du vin rouge ! Le grand pied !

- Oh puteng les gars, Il retrouve la forme notre Victor.

Allez, à la nôtre !

 

Illustration : merci au regretté Chimulus

 



7 réactions


  • loulou 19 novembre 2021 19:23

     Victor, j’aime bien ce que vous écrivez et, simplement, je vous aime bien.

     j’avais compris en lisant votre prose les difficultés que vous aviez.

    Ce que vous écrivez aujourd’hui, sur ce qui est arrivé, me fait mal.

    Ca ne sert à rien de l’écrire, mais voilà, c’est fait Eh bien, je pense à vous.


  • Marengo 19 novembre 2021 20:13

    Je viens de faire repasser la note de l’article au-dessus de la moyenne. Les articles de Victor sont toujours bon dès qu’il ne s’occupe pas de nucléaire. 

    J’ignorais jusqu’à ce jour que Chimulus fût le fils de Jacques Faizant. Lorsque le dessin politique de J. Faizant sur le Figaro fut vers 2000 relégué de la une vers les pages intérieures, j’avais noté méchamment dans mon calepin, faute encore de blog : « Quelqu’un au Figaro s’est enfin avisé que le Figaro payait Jacques Faizant pour faire rire les lecteurs, sans doute, mais pour les faire rire des Socialistes et non du Figaro ». 


  • Jean-François Dedieu Jean-François Dedieu 20 novembre 2021 09:57

    Le battement trop humain qui en fait taire beaucoup... C’est toi qui nous le remonte, le moral, merci Victor.


  • wagos wagos 20 novembre 2021 10:30

    Bravo et merci pour ce bol d’air frais ... ! 


  • cevennevive cevennevive 20 novembre 2021 15:00

    Bonjour VICTOR,

    On t’aime.

    A propos de « cagadou », je suis une fan de Henry de Monfreid.

    Et lorsqu’il raconte ses périples sur la mer Rouge au début du XXe siècle, il donne tous les détails de la vie à bord de son ou ses voiliers.

    Pour satisfaire les besoins dont tu parles, voici comment s’y prenaient les occupants :

    Ils se penchaient sur l’arrière du bateau, s’accrochant à quelques cordes, le derrière tourné vers la mer (souvent en furie). Pas besoin de papier, les embruns lavaient tout.

    Moi, enfant, j’allais souvent à la « cabane au fond du jardin » avec mon goûter. Et le cochon, qui cohabitait, venait me regarder à travers les planches disjointes.

    La vie était belle. Elle l’est moins aujourd’hui.

    Amitiés.


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