mardi 13 mai 2008 - par Yohan

Bas les pattes !

Depuis 48 heures, je me prends à épier du coin de l’œil l’une des jeunes et jolies serveuses en boulangerie de mon quartier.

L’observant à la dérobée, je fais mine d’hésiter devant les engageantes pâtisseries.

Je calcule soigneusement ma position dans la file d’attente, je filoche, je me défiloche.

Pour être franc, l‘anxiété me ronge, le trouble m’envahit, je cherche à l‘éviter.

Un béguin, une idylle naissante, non, non, vous n’y êtes pas…

En fait, depuis quelques jours, la petite serveuse en question est affublée d’une vilaine goutte au nez récalcitrante.

Depuis que celle-ci s’est malencontreusement abattue sur la tarte aux pommes de mon devancier, à l’insu de son plein gré - l’homme étant sans doute de bonne éducation - je suis comme tourmenté, hanté par cette vision saisissante.

Puisque l’achat de la baguette tradition fait partie de mes attributions, je fais depuis lors une fixation incongrue sur les narines tuméfiées de la demoiselle.

Disons que je les surveille avec une attention toute particulière.

Un changement remarquable pour le coup. Car, l‘instant d‘avant, je surveillais plutôt ses mains. L’œil aiguisé comme un joueur de bonneteau, je me croyais pourtant capable d’éviter la bactérie de trop sur ma « tradi », comme on dit dans la boulange. Rien à faire, l’adversaire est trop fort...

Certes, ces petites bêtes sont partout et il est normal d’en retrouver sur les mains de ma vendeuse, d’autant que, chez nous, elles manipulent monnaie et billets, qui comme chacun sait, véhiculent moult risques qui ne sont que potentiels, nous assure-t-on.

Il est vrai que le précis d’hygiène de la vente alimentaire ne rend pas la chose follement attractive.

Je vous fais grâce du tablier et du bonnet pour les hommes et du filet ou foulard pour les femmes, toujours propres et en bon état, et de préférence blancs ou de couleur claire, que tout ce joli monde se devrait de porter comme par le passé. Billevesées d’un autre âge, diraient nos compatriotes.

Force est de constater que l’observance des consignes d’hygiène les plus élémentaires est pour le moins étrangère à bon nombre de nos chers artisans.

La tranche de jambon à l’os présentée sur le plat de la main, la même qui vient de manipuler une poignée d’euros quelques secondes plus tôt, nous y sommes tous confrontés, un jour où l’autre.

Pourtant, qui d’entre nous se risquerait à inviter une affable charcutière de village à se torcher d’une tranche de jambon au torchon ?

A quoi bon d’ailleurs ! Nous n’avons ni la légitimité ni le coffre d’un J.P. Coffe.

Pour beaucoup d’étrangers que cette situation intrigue, les Français leur apparaissent soit comme des gens courtois, soit comme des gens bien immunisés.

On dit aussi d’une « goutte qu’elle peut faire déborder le vase ». Qu’elle vienne du nez de ma boulangère ou d’ailleurs, qu’importe au fond, le divorce d’avec un artisan aussi essentiel que mon boulanger serait-il en passe d’être consommé ?

Patience et longueur de temps n’étant pas mon fort, je ferais pour sûr un médiocre usage d’une machine à pain.

C’est pourquoi, je parodie à dessein, afin de rappeler à cette noble corporation des artisans des métiers de bouche, qu’au-delà de nos frontières, en Belgique, en Suisse, en Allemagne, en Italie du Nord, l’usage veut que celui qui sert ne rende pas la monnaie.



26 réactions


  • maxim maxim 13 mai 2008 13:40

    à part la goutte au nez ,ces mains innocentes ,où sont elles allé se nicher ,qu’on t’elles manipulé dans le fournil où oeuvrent les mitrons et les pâtissiers ,en maillot de corps ,dans la moiteur ambiante propice à tout débordement ,leurs mains à eux ces travailleurs pleines de farine ou de crème pâtissière étant indisponibles pour des manipulations autres que professionnelles,mais qu’une aimable main féminine saurait remplacer pour certaines manoeuvres plus ou moins avouables.....

    ces germes vehiculés par ces manipulations et fruits d’une hygiène douteuse de certains mitrons manipulés ,ne serait ils pas plus nocifs que ceux qui s’accumulent sur la monnaie elle même au contact de n’importe quelles mains ...

    quand j’irai chercher mon pain ,je serai dorénavant plus attentif !


  • Sandro Ferretti SANDRO 13 mai 2008 13:48

    Bonjour ,Yohan

    Bien vu et bien observé. Pour revenir d’un long week end à Rome (ville pourtant souvent qualifiée de sale par nos hygiénistes à quatre sous), je te confirme que l’exception française est bien réelle. Méme au Café San Eustachio, le plus vieux de Rome, où l’on confectionne et manipule le meilleur caffé du monde à l’abri de baches plastiques pour préserver les secrets de fabrication , il y a un "caissier "qui trone au début de la chaine, pour empocher la monaie, bien à part du reste.

    Mais bon, je te soupçonnne de nous avoir raconté cette histoire pour sublimer un petit coup de démon de midi naissant avec cette accorte de la boulange et ses petits pains que tu transformerais bien en batards.....


    • Yohan Yohan 13 mai 2008 14:28

       bien vu pour les bâtards

      Pour l’Italie (celle du nord que je connais mieux), la caissière en boulangerie ne s’occupe que de sa caisse et les petits pains sont saisis avec une pince par la vendeuse qui ne fait que servir. Dans la distribution, des gants en plastiques sont proposés sur les étals pour permettre de se servir soi-même au rayon légumes frais. Et pourtant, les préjugés sur les italiens continuent de circuler chez nous

       


    • Sandro Ferretti SANDRO 13 mai 2008 15:20

      Bon, allongez vous là sur le divan, patient Yohan :

      Vous révez de croissants plein de beurre et de reproches, c’est cela ?

      Vous vous imaginez parfois les doigts plein de crème patissière ?

      Vous révez de pains au chocolat, de faire Paris-Brest avec l’aspirante (...) boulangère ?

      Parfois, comme un éclair, vous vous imaginez plaquant votre femme pour pétrir quelques miches, au risque de choquer les religieuses et vous retrouver ensuite baba ?

      Cherchez pas, c’est la cinquantaine.

      Ca fait 200 euros pour mon bilan de compétence psychanalitique. Mais j’ai des frais, moi, Monsieur. Le canapé est un Lamberti....


    • Yohan Yohan 13 mai 2008 16:08

       Sandro, tu ferais sans doute un bon psy. C’est vrai que les boulangères ont le côté craquant du dessus de la baguette, surtout quand la miche s’invite au balcon


  • maxim maxim 13 mai 2008 13:52

    pour la goutte au nez ,passe encore ,si ce nez est bien dessiné sur un visage avenant ..

    mais ces mains coquines ,où donc sont elles allé se nicher ? dans la moiteur du fournil où les mitrons et pâtissiers torse nu oeuvrent pour fournir notre pain quotidien ,ces mains farineuses ou pleine de crême indisponibles pour des toucher plus intimes peuvent être secondées ou même remplacées par de gracieuses mains féminines .....

    alors ,bien dérisoires seront alors les considérations concernant le manque d’hygiène de la manipulation de la monnaie ..

    et l’hygiène corporelle des ouvriers du fournil était elle vraiment au dessus de tout soupçon ?

    merci Yohan ,maintenant je ne regarderai plus les mains de ma boulangére de la même façon !


  • rocla (haddock) rocla (haddock) 13 mai 2008 13:53

    Article bien senti , écrit insensiblement  petit à petit , imperceptiblement , en avançant lentement et graduellement dans la file d’ attente , le blair en l’ air ,  vers la caisse sur le comptoir , et qui fait l’ appoint sur une estimation de l’ auteur qui à vue de nez a du flair ...goutte que goutte ...


  • Castor 13 mai 2008 14:48

    Article superbe,

    bien pesé, bien écrit... Bravo et Merci !!!

    Un petit rapprochement plus cru, ça me rappelle ce "scandale" suite à l’analyse faite sur les plateaux repas d’Air France...où l’on avait retrouvé quelques traces de matière fécale...

    Bon appétit !


  • roOl roOl 13 mai 2008 15:04

    Bof, ca fais combien de temps que vous n’avez pas nettoyé correctement votre GSM ?


  • maxim maxim 13 mai 2008 16:46

    dis moi Haddock ...

    toi qui fût boulanger ,que se passe t’il dans les fournils ? quand la vendeuse vient demander si la fournée est cuite parce que les clients s’impatientent ...

    ah si les sacs de farine pouvaient parler ,combien d’étreintes furtives entre ces deux fournées couchés à deux sur ces sacs complices " dépêche toi mon chéri ,y’a des clients dans le magasin ......"

    ah la crème Anglaise étalée sur la peau de la vendeuse ,et qu’on lèche !

    le chocolat fondu qu’on fait couler entre les seins et qu’on va lapper sur le ventre de la belle !


    • rocla (haddock) rocla (haddock) 13 mai 2008 18:08

      Salut Maxim ,

       

      Si les sacs savaient parler ...c ’est pas pour rien qu’ on les nomme sacs en jute , les petites vendeuses , belles plantes en beaux tissus , savaient mettre en valeur les jolies miches rebondies pour que nos baguettes bombent le torse , graisser les moules était un de mes travaux préférés , fourrer l’ entremets me donnait de grands plaisirs également , maintenant on vit un époque kleenex , les sacs sont en papier , j’ ai de très bons souvenirs entre le fournil et la boutique , à la manière de Jean Yanne de coïts furtifs non pas sous les portes cochères , pendant que nos corps s’ activaient le corridor mais .C ’ était avant mai 68 , et les filles étaient autant chatouilleuses que maintenant . Que de tendres souvenirs .

      Je quitterais mes parents pour reavoir cet âge d’ or .


    • rocla (haddock) rocla (haddock) 13 mai 2008 18:18

      Blague à part , se laver correctement les mains en sortant des toilettes doit être un des abc des métiers de bouche et respecter les mesures d’ hygiène propreté est aussi important que de fabriquer un bon produit .

       

      L ’ industrie alimentaire va beaucoup plus loin en désinfectant chaque jour les locaux , obligation de porter des chaussons en plastique à usage unique , protection de bouche , calot évitant la chute de cheveux dans le produit et plein de contraintes diverses qui sont un gage de salubrité .


  • Yohan Yohan 13 mai 2008 16:49

    @RoOl

    Pourquoi voulez vous que ça polémique sur un tel sujet ?.

    Soit, on se contrefiche des problèmes d’hygiène en boulangerie, soit on se sent concerné et on espère qu’il y ait un jour une prise de conscience du problème chez les professionnels des métiers de bouche.

    Et puis, aujourd’hui, il fait beau et la Commission européenne préfère s’occuper de nos fromages de brebis artisanaux

     


  • gecko gecko 13 mai 2008 17:01

    ca me fait penser à un truc tout bête cet article... pourquoi dans la pluspart des toilettes en France il faut pousser la porte pour entrer et la tirer pour sortir ! (quand je pense à l’autre crados devant moi qui s’est pas lavé les mains...)


    • Yohan Yohan 13 mai 2008 17:28

      @gecko

      Sans parler de la serviette qui date des années 60 et du savon aux abonnés absent


  • Fergus fergus 13 mai 2008 17:44

    A propos d’hygiène, il m’est arrivé un jour d’aller boire un verre à la terrasse d’une brasserie du 12e arrondissement de Paris. Délaissant mon demi un moment, je suis allé effectuer une petite escale technique aux toilettes. Tandis que je me lavais consciencieusement les mains comme me l’avaient appris mes parents il ya bien longtemps, une série de bruits évocateurs ponctuée par le tonnerre d’une chasse d’eau emplit l’espace en provenance d’une cabine d’où sortit un homme habillé en noir qui s’empressa de retourner dans la salle sans passer par la case lavabo. L’instant d’après, l’homme avait tranquillement repris son job derrière le comptoir : il préparait les jambon-beurre en prévision du déjeuner.

    Allez savoir pourquoi, je n’ai jamais plus commandé un jambon-beurre dans un bistro !


  • papiper 13 mai 2008 18:31

    Complètement d’accord au sujet de l’hygiène très approximative des métiers de bouche français. Ne serait-il pas possible de prévoir des emballages alimentaires légers et transparents, des gants et peut-être aussi des masques mettant les victuailles à l’abri des éternuements et des projections diverses buccales, nasales et... autres... ?

    Mais le plus important est peut-être ce que le meunier introduit dans sa farine qu’il appelle pompeusement adjuvents, permettant les blocages des pâtes, leur congélation et d’une façon générale leur "amélioration " dont vous avez facilement deviné la finalité...Autrement dit : de la chimie industrielle souvent d’origine hollandaise et danoise.Je ne peux développer davantage mais je tiens ces renseignements d’un ancien spécialiste hautement qualifié de la profession qui "ne crache pas dans la soupe mais qui est indigné par la m.... que l’on propose trop souvent.

    En ce qui me concerne, je fabrique mon pain BIO tous les 3 Jours (il se conserve à merveille).

    Voici ma recette , extrèmement simple et rapide:Dans ma cuve, je verse 50cl de bonne eau purifiée à la maison, j’ajoute 1 cuillerée à soupe de sel, 1 cuillerée à soupe d’huile d’olive BIO, 1 cuillerée à soupe de sucre complet des antilles, Je verse 760 gr de farine (achetée en sac en magasin BIO ). Enfin, une dose de levure lyophylysée termine la recette.

    Programme 1 de ma machine à pain, durée 3 heures 20.Après le pétrissage, la sonnerie invite à ajouter ce que vous souhaitez : noix ,graines diverses , etc... Vous vous régalez.et vous pouvez même soigner des constipations chroniques qui disparaissent totalement.

    Bon courage et mangez bien et bon.

     

     

     

     

     


    • Yohan Yohan 13 mai 2008 19:04

      ...et propre


    • brieli67 13 mai 2008 20:37

      C’est ben vieux.......25 ans bientôt ....... j’étais le seul aux Urgences à enlever blouse et martingale pour aller pisser. Ach nosocomie nosocomial !

      Toute personne qui présente une plaie cutanée aigue ou chronique doit selon les textes de Médecine du Travail être mis en arrêt jusqu’à guérison.

      Un gros vecteur des infections gynécos surtout les levures et autres champignons sont les Tampax et autres éponges des têtes de gondoles de la Grande distribution. Osez le double-emballage ..... Idem pour les Kleenex.


  • Proto Proto 13 mai 2008 23:22

     

    Ne blâmez pas la boulangère de ne pouvoir se prémunir, à défaut le faire pour ses « end user », des bactéries omniprésentes.

    Entre nous, votre souci de sa santé serait une bonne entrée en matière pour la ramener dans votre lit, auquel cas nous aurions droit à des articles moins légers.


  • Francis, agnotologue JL 14 mai 2008 10:14

    Ah, qu’en termes mesurés ces choses là sont dites. Je lis : ""Pour beaucoup d’étrangers que cette situation intrigue, les Français leur apparaissent soit comme des gens courtois, soit comme des gens bien immunisés."" Immunisés ? Ceci explique peut-être cela.

    Le mérite des hypers est d’avoir assaini le paysage : on y sert la charcuterie avec des gants, et l’on ne manipule pas la monnaie. Nos commerçants pourraient peut-être se poser des questions.

     


  • Lapa Lapa 14 mai 2008 12:09

    Votre article vient de me faire comprendre pourquoi, à la boulangerie à côté de chez moi, il y a une personne qui sert et une personne à la caisse.

    je ne comprenais pas pourquoi la personne à la caisse ne servait jamais, même en cas de forte affluence.

     

    ceci étant, les règles élémentaires d’hygiène : oui.

    trop asseptiser : non.

     

    Le contact des germes et autres virus aide l’organisme à s’en défendre.


  • Sandro Ferretti SANDRO 14 mai 2008 12:55

    Yohan,

    Comme c’est l’heure des croissants, j’ai mis ce matin un pain au chocolat au four : il chauffe avec modération....


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