mercredi 23 novembre 2022 - par C’est Nabum

Bestiaire bête et méchant de notre Val d’Orléans

 

La plume à rebrousse poil

 

Fidèle à la ligne d'inconduite que je me suis fixé, j'use tout à la fois d'ironie et de perfidie pour narrer l'histoire d'une contrée qui m'a vu naître et que je n'ai jamais quittée. Emboîtant les pas des guêpins d'autrefois, la plume trempée dans le vitriol ou quelques acides urticants, je prends à rebrousse-poil l'hagiographie de bon aloi qu'il convient de déployer pour séduire la coterie locale. Le risque est grand d'en subir les morsures, d'autant que la dent est dure dans cette noble cité à qui ne suit pas la procession au pas du canasson johannique.

C'est se montrer cavalier que de dépeindre ainsi la vertigineuse épopée du Val d'Orléans par ces pauvres bêtes qui servirent de prétexte, de dérivatif ou bien de justification aux travers des humains toujours plus retors que leurs innocentes victimes. Les animaux ont tour à tour, symbolisé, illustré, représenté, détourné les turpitudes ou les grandes heures de la place. Ils n'en ont jamais été honorés, préférant de très loin, dresser des piédestaux, des autels ou des gibets pour les grandes figures de cette fabuleuse aventure qui ne fut pas très loin de construire le roman national.

Hélas, Orléans est resté le bec dans l'eau et n'eut pas le bonheur d'être capitale à l'exception d'une toute petite parenthèse lors du partage du pays conquis par Clovis. De cette malencontreuse injustice, les habitants de la cité royale ont toujours gardé un chien de leur chienne à leurs voisins parisis. Il est fort à parier que le massacre en règle des dragons n'a eu que peu d'influence sur le malheureux coup de théâtre qui fit de la Seine, le cœur du royaume.

Mais revenons à nos moutons qui ne sont pas du reste, ceux que garda une petite lorraine avant que de monter sur ses grands chevaux. Oiseaux, poissons, mammifères et mêmes insectes jouèrent les premiers rôles avant que de se voir privés de la vedette et du rôle-titre par celle qui finit par s'y brûler les doigts. Il est d'ailleurs à remarquer que le bûcher joua ici un rôle purificateur ou bien dévastateur sans qu'il ne fût jamais question de méchoui. Seul le bœuf gras passa au grill afin de se substituer une bamboche qui s'était égarée en chemin. Je sais bien que voilà une histoire de fou qu'il convient de taire en passant.

La bête à deux dos eut elle aussi son importance mais de celle-ci, il ne sera nullement question dans ce bestiaire qui entend ne pas mélanger les genres. Les morues n'ont jamais remonté la Loire pas plus que les sardines du reste, en dépit d'une douteuse appellation qui finit par se perdre dans les flots. Seule une pucelle fit cette migration et eut un temps droit à tous les honneurs pour un épiscopat qui connaissait alors son histoire.

D'autres ont subi les affres de la religion. Le Castor s'y est cassé les dents pour une confusion qui tourna en queue de poisson. Le pauvre rongeur en eut des maux de tête jusqu'à ce qu'il déserte durablement les rives de l'endroit. Son retour en grâce trouve naturellement sa place dans le bestiaire bête et méchant que je me propose de vous servir si vous m'en faites demande.

Les vers seront de la partie, pour reprendre au pied levé les anecdotes et les épisodes où l'animal jouait sa partition dans le déroulement des faits. Si parfois ça ne rime à rien, autant le faire à travers des fariboles qui vous inciteront à vous creuser la tête pour donner du sens à tout ce fatras poétique et néanmoins satirique.

Je fais souvent l'âne pour vous apporter du grain à moudre, mettant ainsi mes gros sabots dans ceux de mes congénères de Meung. Suis-je pour autant un lointain descendant du satire Silène ou un cousin asinien du gâs Gaston ? La question n'a pas lieu d'être pour celui qui ne partage avec cette bourgade que le franchissement de la Loire par une autre route des bœufs.

Il était une oie, restera pour moi, le conte qui parachève l'épopée animalière de ce Val d'Orléans où les bêtes ne sont pas toujours celles que l'on « panse ». Ce n'est donc pas en vous caressant dans le sens du poil que j'entends vous divertir. Mauvais diable certes mais pas celui que l'on récompense d'un chat noir.

À contre-vent.



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