vendredi 15 novembre 2019 - par C’est Nabum

Chat échaudé …

Le poids de l’expérience

Que peut-il arriver de pire à un gentil matou ? Il se murmure souvent que l’animal tente parfois la curieuse aventure de mettre une patte, qu’elle soit de velours ou bien plus sûrement, toutes griffes dehors, dans un baquet d’eau bouillante. Le chantre des idiomes, avant de saisir au bond l’occasion, ne vient cependant pas nous expliquer, afin de donner corps au précepte qu’il veut nous faire toucher du doigt, ce que peut bien faire là cette eau chaude au milieu de la carrée.

La logique ne fait pas toujours bon ménage avec la volonté de vulgarisation auprès des masses fussent-elles laborieuses ou bien ignorantes du sage qui pointe son doigt vers la Lune. Le temps des lavandières est passé de mode, le battoir ne vient plus frapper le linge au milieu du village ce qui exclut l’éventualité de croiser le baquet fumant qui menace notre greffier.

Prenons donc pour acquis, sans chercher à comprendre, que le chat connaisse pareille mésaventure et qu’il s’en sorte sans brûlures fatales. Tout n’est pas à prendre au second voire au troisième degré, gardons-nous d’empirer les conséquences de ce malencontreux télescopage. Le chat n’enfile pas les perles ; il a bien d’autres congénères à fouetter, il a de la suite dans les idées lui qui sait garder sa langue contrairement à bien des bipèdes.

Hors donc, notre malheureux chasseur de souris, brûlé mais pas meurtri outre mesure, cherche à enrichir son bagage de vie, à profiter des aléas de l’existence pour gagner en expérience. Là encore, il se démarque des humains qui ne tiennent pas souvent compte des incidents et autres vicissitudes que leur réserve cette vallée de larmes.

Le chat donc, a vécu quelque chose de fort désagréable. Il en tire des conclusions que certains, trouveront hâtives. Il est toujours plus facile de porter jugement péremptoire quand on n’est pas soi-même directement concerné par la chose. Il se dit dans sa petite caboche de félin, que l’eau, constitue à n’en point douter, un adversaire potentiel, un ennemi redoutable qui lui a porté sérieux préjudice. Il ne pousse pas plus loin le raisonnement et conclut à brûle pourpoint que ce liquide n’est pas fréquentable.

Non seulement il fait une fixation sur l’eau, ce qui le distingue aisément des humains, plus prompts à se focaliser sur d’autres liquides pourvu qu’ils soient alcoolisés, mais qui plus est, il généralise sa phobie sans la moindre once de jugeote. Le chat en ce point ne diffère guère de ceux qui le caressent à longueur de journée. Il n’a pas remarqué que l’objet de sa douleur dégageait de la vapeur. Pour lui, désormais tout ce qui est aqueux, est suspect !

Ainsi, le matou matois se méfie non seulement de l’eau chaude mais également, sans la moindre raison, pareillement de celle qui est tiède, fraîche et même glacée. D’où l’expression bien souvent déformée par quelques personnes peu à même d’appréhender les circonvolutions de la pensée féline : « Chat échaudé craint l’eau froide ! ».

Le rapport de cause à effet ne saute pas aux yeux contrairement à l’animal à qui l’on oserait prétendre que son raisonnement ne tient pas debout et qu’il n’a de ce fait, ni queue ni tête ! De colère, l’offensé viendrait prestement, les poils dressés sur le dos, vous démontrer qu’il dispose à défaut de pattes fortement acérées.

De cette aventure qui ne tient certes pas debout, il n’est qu’une morale à retenir : « Prenez bien soin de ne jamais remettre en cause une expression populaire, fruit d’une sagesse ancestrale. Si vous prétendez que l’eau redoutée par le chat est chaude, faites-en sorte de ne pas promettre de mettre votre main au feu, sûr de votre fait. À votre tour, vous seriez échaudé par la mésaventure.

Expressivement vôtre.




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