lundi 19 mai 2008 - par Yohan

Chez Germaine Trubillon, le temps se repose

"Si ton cœur te parle, entends-le !" répète à l’envi Germaine Trubillon, retraitée de chez Cassoulet, 77 printemps bien tassés et presque toutes ses dents... dans un verre à pied.

Germaine, c’est un sacré personnage. De derrière sa Singer fatiguée, elle aime à distiller la bonne parole devant ses improbables clientes. Je dis clientes, car foin de gent masculine dans son officine privée.

Vous vous dites déjà "mais de quoi il cause, ce brave Yohan ?"

Et je vous réponds "vous en connaissez vous... des mamies comme Germaine qui vous refont l’ourlet pour vingt centimes d’euros ?"

Je poursuis donc mon propos...

Germaine, son repère à elle, en matière d’économie, c’est le jeu des mille francs. Hier, vingt centimes de francs, aujourd’hui, vingt centimes d’euros. Sauf que ses tarifs sont calibrés pour tenir un siège séculaire, à vue de nez.

"C’est plus simple comme ça", balaye-t-elle, au moment de passer à la caisse et avant que nous ne puissiez vous activer le cervelet.

Bon ! Je la soupçonne de faire du prosélytisme de comptoir, derrière sa Singer musicmaster.

Alors que je patientais sagement, jetant tantôt un œil distrait sur un Mode & travaux datant de Mathusalem tantôt, sur mon 501 qui prenait une dégelée brutale sur l’antique bécane, entra une petite dame tirée à quatre épingles et d’un âge certain, comme on dit à la maison de retraite de Landivisiau.

"Tucouticor ?" ai-je cru entendre, venant de la cliente du jour, un vocable surgi d’une mitraillette enrayée au passage de la première balle.

Alors que j’opérai une retraite tactique en direction d’un Reader Digest qui me semblait plus frais que mon M&T, je me surpris à re-mouliner ce Tucouticor jusqu’à en perdre le sens des réalités.

Et Dieu sait si les réalités sont basses chez Germaine Trubillon.

Tucouticor...Tucouticor... ?

Et puis d’un seul coup, clac ! Champollion vient à ma rescousse et je décrypte ce hiéroglyphe " Tu couds-t’y-cor = tu couds-t’y encore = est-ce que tu couds encore.

Chapeau, le Yohan !

Emerveillé par ma découverte, tel l’égyptologue découvrant un rasoir à pile dans la tombe de Raskar Kapak, j’en lâche mon Reader.

Est-ce que Germaine coud encore ? Mais parbleu, quelle question !!!

Que faisait la vieille dame tirée à quatre épingles, au moment où ce hiéroglyphe me fut donné à résoudre ?

Je vous le donne en mille.

(A ceux qui ne suivent pas, je ne leur ferai pas l’affront de reprendre à zéro).

La vérité est simple comme bonjour : Germaine recousait mon 501 sur sa Singer devant les yeux de la dame au débit mitraillette. Cela ne peut lui avoir échappé.

Incroyable, non ? Cet art consommé qu’ont les petits vieux de rouler dans la farine les évidences les plus plates. Un art qui ne s’enseigne pas dans nos universités. Et pourtant, que de diplômes aux titres ronflants se perdent dans les sous-sols de la Sorbonne.

Je propose de délivrer un nouveau titre homologué dans nos universités du troisième âge : « Master II des évidences les plus plates ».

Elle est bien gentille Germaine, avec ses conseils à quatre sous. Mais moi, mon cœur, quand il me dit des choses, je le laisse causer et il finit en général par se fatiguer tout seul.

Elle aime à dire aussi : « quand ton corps te fait signe, ferme ta gueule et écoute-le ».

Je préfère ce prêche-ci, moins risqué que de prendre des anti-inflammatoires.

Quant à notre Mme Trubillon, il me semble bien qu’elle travaillait chez Olida avant de prendre sa retraite. C’est elle qui préfère que l’on dise « chez Cassoulet ».

« Cassoulet, c’est plus chic », selon elle.

C’est fou comme le temps passe vite chez Germaine. Je dirai même mieux : il se repose...



22 réactions


  • Sandro Ferretti SANDRO 19 mai 2008 11:09

    Singer, Byrr et Dubonet sont les trois mamelles de l’imaginaire de nos souvenirs évanescants, comme la rouille qui coule aux publicités peintes des granges abandonnées de la Nationale 7....


    • Yohan Yohan 19 mai 2008 15:14

      @ Constant

      Tu devrais changer de pseudo : constantdansmille


    • rocla (haddock) rocla (haddock) 19 mai 2008 18:41

      Encore plus pire .... Consatantenpleindansl’Emile-et-oune-nouit .

       

      Merci pour la belle photo du four . En 73 quand j’ ai pris une gérance de boulangerie , c ’était un four du genre là qui officiait .

       

       


    • rocla (haddock) rocla (haddock) 19 mai 2008 18:43

      Historique

      Frederick Gilbert Bourne (1851-1919), en tant que président de l’entreprise au tournant du XXe siècle, mit sur pied l’une des premières véritables entreprises mondiales en prenant ses repères à travers le monde entier, en établissant des centres de services et de distribution et en construisant des usines dans plusieurs pays. Le quartier général de la société se trouvait au Singer Building, conçu par l’architecte Ernest Flagg, qui a également conçu deux résidences de campagne pour Bourne. Construite en 1906 à New York pendant la présidence de Bourne, la tour Singer (maintenant détruite) était à l’époque la plus grande tour du monde.

      Prononcer : Saingère

  • maxim maxim 19 mai 2008 12:07

    et les slips Rasurel et Eminence ( grise pour les négligés),le savon Cadum ,les Biscuits Gondolo ,les Biscuits Brun et les pâtes la Lune ,la Saponite la bonne lessive ,les Montres Lip ..Damart thermolactyl Porto Sandeman et Cognac Bisquit ,sans oublier la fameuse Singer ,la même que possédait notre voisine à la campagne ,et qui comme Germaine faisait les ourlets ou rapiéçait les bleus de travail des laborieux du village ,elle ,c’était Berthe ,son mari Jean ,forgeron et serrurier qui se tapait ses litrons de pinard en cachette et qui en est mort ( au fait ,ce devait être du Kiravi ...)ah j’oubliais les vêtements de travail Sanfort qui ne rétrecissaient pas au lavage mais qui devaient sentir fort au bout d’une semaine de boulot ....

    sur notre bonne vieille Rn 7 ( qui passe pratiquement devant chez moi ) et sur les autres nationales de notre cher hexagone on trouve tellement de vestiges des anciennes pubs .....

    pour le plaisir je me repasse le film avec Gabin : des Gens Sans Importance ...où notre héros chauffeur routier ,prend comme repaire les panneaux de réclames dans le rayon lumineux de ses projecteurs ....

    ma tutrice était abonnée elle, à Modes et travaux ,le petit Echo de la mode ,on lisait Sélection du Reader Digest ( nopus les hommes ) elle ,c’était Nous Deux ,Madrigal ,Poussière d’étoile ,avec les romans photo dans lequels le bel Antonio était amoureux de la brune Rita ,promise à un fiancé moche mais fortuné imposé par la famille ,et les drames qui en découlaient mettaient en émoi les lectrices ménopausées ou en pré ménopause ,les jeunes filles prépubères qui rêvaient au prince charmant comme leurs mamans qui subissaient l’assaut d’un mari en manque à la fin de la semaine ,et qui après deux ou trois caresses de maçon se livrait au devoir conjugal ,à la fin des ébats ,les deux amoureux essoufflés échangeaient quelques mots " au fait ,t’as rapporté ta quinzaine ? ,et Lundi qu’est ce que je mets dans ta gamelle ?"

    c’est du témoignage ,comme ceux de l’auteur que je salue ,le temps passe, les souvenirs sont toujours présents ......


    • Yohan Yohan 19 mai 2008 12:11

      @ bonjour les amis

      Les sévèrement toqués (comme dit Sandro) se retrouvent sur ce fil.

      @Maxim  "les slips éminence gris(e) ?


    • snoopy86 19 mai 2008 17:19

      @ Maxim

      " Des gens sans importance" a été en partie tourné dans un "routiers" entre Blaye et saint-André de Cubzac (pays d’origine du Furtif) appartenant à un ami de mon grand-père maternel...L’établissement en bénéficia largement dans les années qui suivirent.

      Mon grand-père, lui-même propriétaire de salles, noua pendant le tournage sympathie avec le producteur et certains acteurs dont Paul Frankeur. Il fut ainsi un des premiers à bénéficier d’une copie dans des salles qui à l’époque auraient du attendre deux à trois mois avant de pouvoir passer le film.


    • maxim maxim 19 mai 2008 17:53

      salut Snoopy ..

      je connais cette région ,avec ma première épouse native de Périgueux ,nous avions une maison de campagne à St Astier sur la route de Bordeaux ...

      nous n’étions pas très loin de la région Bordelaise ...

      et bien entendu nous avons parcouru cette région dont tu me parles pour acheter des vins ,et en profiter pour faire de bonnes balades et de bons petits restos .......

      pour en revenir aux films "des gens sans importance" ou " Gas oil " je me repasse les cassettes pour retouver l’ambiance des routes de notre jeunesse .....


  • maxim maxim 19 mai 2008 14:15

    ceci est une histoire vraie ...

    dans ma bonne ville ,il était une fois une couturiére à domicile ,pas trop jolie mais encore jeune et assez pour les messieurs qui venaient faire des essayages particuliers ,lorsque ’il leur fallait retirer leur pantalon pour le confier aux mains expertes de la femme de l’art ,qui ne manipulait pas que la machine les ciseaux ,le fil et l’aiguille avec dextérité ..

    tous les mâles du voisinage connaissaient l’adresse ou de la repassaient ,et nombre de malheureux dont les épouse n’avaient aucun talent de couturière trouvaient toujours un ourlet à refaire ,quelque chose à retailler où à reprendre ...

    et c’est ravis qu’ils ressortaient de l’officine ,l’ourlet flambant neuf et soulagés et guillerets ..hélas de mauvaises langues féminines eurent tôt fait de rapporter à l’infortuné mari de la couturière ( toujours le dernier au courant),ce qui se passait réellement dans le logis ....

    et la Machine Singer ,témoin mécanique des ébats de la généreuse couturiére cessa de fonctionner ,le logis de la besogneuse qui payait de sa personne se retrouva vidé de ses occupants ,le mari ne supportant pas son statut de cocu ...

    nous avons durant quelques année aperçu l’ex couturière au bras d’un galant qui semblait plus axé sur le comptoir que sur le romanesque et la couturière l’accompagnait dans les beuveries ,peut être pour oublier les ourlets ,les séances d’essayages et la machine à coudre Singer .


    • Yohan Yohan 19 mai 2008 15:12

      @ Maxim

      quels ingrats que ces hommes ! C’est sûrement ce qui a tué le métier


    • maxim maxim 19 mai 2008 17:26

      salut Yohan ..

      quand je pense à ces gigantesques ateliers de couture en Chine ,et ces dizaines de milliers de petites mains habiles si disponibles et mal utilisées ,quand viendront elles travailler à domicile dans ma bonne ville ,nous qui avons tant d’ourlets en retard !


    • Yohan Yohan 19 mai 2008 17:59

      @Maxim,

      Attention ! Maxim, Agoravox est très suivi dans les ateliers de couture chinois. L’histoire que tu viens de nous raconter pourrait donner de mauvaises idées.


    • maxim maxim 19 mai 2008 21:28

      @ Yohan ..

      ah ....finalement ,une petite Asiatique ,je ne dirai pas non !

      ça doit connaitre plein de trucs exotiques ,et avec des baguettes ,ça doit encore être meilleur !


  • snoopy86 19 mai 2008 16:45

    Bonsoir Johan

    Germaine Trubillon et toi sauvez cette édition du jour d’Agoravox qui sans vous serait d’une terrible morosité...

    Germaine, ancien mannequin chez Olida, pardon chez cassoulet, méritait incontestablement de figurer dans la rubrique "people" des "sévérement toqués"...

    Merci aussi à Maxim pour avoir corsé le fil...

    Bon, que suggérez vous de faire maintenant en attendant "Questions pour un Champion" ?

     


    • Yohan Yohan 19 mai 2008 16:57

      @ salut Snoopy

      Bienvenu sur ce fil de toqué : euh pour ta question : j’hésite entre deux titres d’articles

      1/ Mr le Directeur Général de la future ANPEDIC faites (vous) nous plaisir : démissionnez

      2/ la pile UCAR ne s’use que si on la jette


  • Fergus fergus 19 mai 2008 17:29

    A propos de dents et de... verre à pieds, j’ai eu, étant jeune, à disserter en huit pages, pour prix d’une incartade disciplinaire, sur le sujet suivant : "montrer qu’il est plus facile de se laver les dents dans un verre à pieds que de se laver les pieds dans un verre à dents". Je vous recommande l’exercice. 


  • rocla (haddock) rocla (haddock) 19 mai 2008 18:35

    S’ y vous plaît , ....arrêtez de faire des artiques , et des coms aussi sympa , j’ va finir par croire qu’ le mondes est beau ...


    • Yohan Yohan 19 mai 2008 18:46

      @ Captain

      Mais il l’est ....parfois

      Tiens ! Hier, je suis tombé par hasard sur l’émission de Petit Renaud sur la cuisine. Cinq chefs de cuisine, (autrement toqués que ceux qui sont sur ce fil) se retrouvent entre copains pour un "en-cas de roi" à faire saliver. Ces gars là ont tout compris. Une bonne bouffe entre potes et confrères à la bonne franquette mais avec que de bon et de la générosité au coeur, y a pas mieux. Le bonheur, est souvent plus prêt de nous que l’on ne le pense....

      La vie n’est pas toujours aussi rose. Raison pour laquelle je m’essaye modestement à égayer votre journée...


    • rocla (haddock) rocla (haddock) 19 mai 2008 20:14

      Yohann ,

       

      L’ émission de Petit Renaud je la regarde sur la Six , chaque dimanche matin si possible , vers 11h46 . Une super tranche de bonheur .


  • maxim maxim 19 mai 2008 19:07

    c’est l’heure de sortir les petits amuses gueule ....

    quelques tranches de Jésus de Lyon ,quelques lamelles de gouda au cumin fondues sur du pain de seigle ,un petit peu de champignons à la grecque ,

    on se débouche un ST Joseph pour les amateurs de rouges ,ou un Chablis Fourchaumes pour les amateurs de blanc .......

    ensuite on va pas chez Germaine ,mais chez la mère Rigadin ,une veuve de guerre bien accueillante que j’ai connu dans mon adolescence ma puberté terminée ....( on la fait ressusciter pour la circonstance ) pour finir la soirée en beauté ,mais motus ,faut faire croire à nos moitiés qu’on a recontré un ancien pote et qu’on va predre un verre ensemble ...


    • snoopy86 19 mai 2008 19:18

      Maxim, tu nous donnes faim et soif

      J’arrive pas à décider entre le saint-Joseph et le Chablis. Je crois bien que je vais goûter les deux quand j’aurai fini mon Jack Daniels...


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