mardi 12 juillet 2022 - par C’est Nabum

La disparition

 

La damnation numérique

L'homo-numéricus se trouve fort dépourvu quand du ciel lui arrive la terrible nouvelle : « Le réseau est indisponible ! ». Voilà soudain son univers qui s'effondre et par la même occasion, celui de ses amis, correspondants, lecteurs, administrations et autres services avec lesquels il a partie liée. Il découvre alors avec effarement que sans son ange gardien, un satellite bienveillant qui veille sur lui du soir au matin et même durant son sommeil, il risque de sombrer dans les feux de l'enfer.

Que faire dans pareil cas si ce n'est prier le grand créateur ou le vaste réseau mondial pour trouver une nouvelle chapelle, un nouveau culte, une autre confession qui se nomme connexion. L'apostasie en la matière se fait aisément pourvu que l'on découvre l'église, pardon, l'opérateur qui couvre la zone incriminée ou ne connaît pas la stupide panne de l'heure.

Le plus délicat alors est de trouver un parrain ou une marraine pour plonger dans les fonds baptismaux, obtenir un mot de passe qui ouvre ipso-facto les voies du paradis numérique. L'absolution vaut la connexion et le tour est joué. C'est si simple que le fidèle se demande s'il ne va pas changer de Chapelle, en dépit d'un abonnement que son caractère « Illimité » tendait à faire passer pour éternel.

Les voies du routeur sont impénétrables. Ce qui semblait aller de soi, le petit signal divin indiquant que l'inscription parmi les élus avaient été validée tout là-haut, n'apporte pourtant pas la rédemption. L'écran demeure vide, le diable s'est installé dans les tuyauteries de cette machine céleste. Vous voilà en enfer sans même être passé par la case purgatoire.

Pourtant vous auriez été prêt à verser quelques oboles à la quête afin d'obtenir, ne serait-ce rien qu'une heure durant, votre résurrection numérique. Vivre ainsi une dernière heure en supplément pour une somme modique vous apparaissait comme un pis-aller acceptable en attendant le retour en grâce, le miracle technologique.

Rien n'y fait. Vous n'entendez plus une seule voie céleste. Pire même, vous devinez que vos relations vont vous vouer aux Gémonies, vous rayer de la carte et qui sait, vous condamner au bûcher. Les flammes sont promises aux impies, aux hérétiques, aux relaps de la toile, aux mécréants de l'hydre informatique et voilà que malgré vous, vous faites partie de cette cohorte des damnés.

Vous avez beau clamer votre innocence, votre bonne foi et le nom de cet opérateur défaillant qui vous ignore superbement, personne ne vous croit. Vous voilà bâillonné, réduit à l'absence, effacé des listes et des services, sans la moindre possibilité de faire appel. La prière est inopérante, il n'y a personne à l'autre bout de cette absence de fil.

La journée s'annonce terrible. Vous allez découvrir les affres de la petite mort, ce passage dans un tunnel qui tient davantage du trou noir que de la sortie de secours. Plus vous y avancez, plus le monde des vivants, des connectés vous oubliera sans fleurs ni couronnes. Point d'oraison funèbre pour celui qui disparaît ainsi des écrans radars sans que personne n'ait annoncé son départ.

Il devient évanescent, une sorte de spectre, de lien ancien qui ne tardera pas à s'effacer des listes et registres établis de par le vaste monde des êtres en communication. Le silence se fait, définitif, lourd, terrifiant. La vie s'arrête faute de pouvoir se rentrer sur la toile. Vous voilà, misérable vermisseau, dans l'impossibilité d'affirmer votre existence, de prouver que vous existez encore. La seule preuve tangible en ce monde étrange a besoin de circuler sur le réseau, celui dont justement, vous êtes exclu. C'est la fin. Vous êtes curieusement contraint de déclarer forfait quoique vous ayez toujours honoré vos factures. Adieu, les internautes, vous faites don de votre avatar à l'absence.

À contre-fil.



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