La vie du rail, la vie duraille, la vie durant
Vous me connaissez à présent depuis bien des années. Vous savez que je suis tueur à gages, mis au vert par « la direction »(1). Une affaire qui a mal tourné dans un confessionnal de Londres il y a quelque temps, avec balle perdue et des dégâts collatéraux irréversibles sur un pauvre gamin qui passait par là. Depuis, je suis là à attendre « dans ce cette p… de ville de Bruges », où il n’y a pas un troquet ni une mobylette. Que des canaux, des ponts et des belges sur les ponts.
Hier, « la direction » m’a appelé dans l’oreillette, pour me dire que je pourrais éventuellement obtenir une rédemption, si je relançais le genre « parodie » sur le site. Trop de covideries, pas assez de parodie, qu’ils m’ont dit, faut faire des jeux de mots sur les maux. C’était ça, le message.
Car on le sait bien que l’amer monte et que le fond de l’air effraie.
Mais faut bien faire quelque chose. On ne va pas rester là à ressasser, comme la femme du marin disparu sur son rocher, si ?
Donc, j’ai dit oui.
Oui, pourquoi ne pas vous raconter ma vie, hein ?
Tant d’autres le font, tout en niant le faire, prétextant qu’ils sont économistes, médecins, vendeurs de frigo chez les Inuits, visseurs de clefs à pipes, écologistes tendance casse-noisettes, installateurs de toilettes sèches dans le bas-Vivarais, etc.
Bref, je voulais vous dire que je n’ai pas toujours été tueur à gages.
Oui, c’est un « coming out » que je fais ici (comme on dit chez les grands couturiers et les gens de radio et de TV.)
Dans une autre vie, j’ai commencé installateur de caméras discrètes dans les cabines d’essayage des mannequins de l’agence Elite.
La démocratisation du porno sur le Web a cassé le métier et donc je suis parti sans toucher 2.000 francs.
J’ai ensuite été représentant chez Durex (sed lex) dans une pension pour eunuques répudiés, puis vendeur de manteaux en pur cashmere dans le sud-Soudan, ne rencontrant à chaque fois qu’un succès d’estime.
Et l’estime de soi (comme on dit chez les psy à trois balles), j’en avais plus beaucoup à revendre.
Evidemment, j’ai bien essayé de persévérer en tant que professeur de dialectique rue du Colonel Fabien, chez les cocos, en sirotant du lait coco de Moorea.
J’ai également été cireur de pompes rue de Solferino (les petits marquis poissons-pilote du gros bouffon sudoripare m’ont bien aidé au début).
Mais j’ai eu un passage à vide : oui, je l’avoue, j’ai voulu « Ouarzazate et mourir »(2).
Mais comme disait quelqu’un lâchement attaqué par derrière par un crabe agressif le 14 mars 2009 : « c’est pas facile, facile de se foutre en l’air, ça coute ça coute très cher, la roulette russe c’est complétement idiot, quand on peut mourir d’un simple coup de chasse d’eau ».
Après, il y a eu les femmes. Certaines ont voulu m’aider. On ne dirait pas, à me voir. A me voir, on ne dirait rien, d’ailleurs. Au lieu de me faire une raison, je m’en suis fait une folie. Une déraison.
C’est ainsi que je me suis, à une époque, recommandé de « Nadine Mouque », sur les conseils d’un certain Hervé Prudon, un mec qu’était pas prudent, et qui en est mort.
En vain.
D’autres m’ont enfoncé davantage encore dans la solitude et les soucis :
C’est ainsi que j’attends toujours Madeleine, comme toutes les semaines, du côté du tram 33. Et que le soir, sur le sable mouillé où j’avais dessiné son doux visage, je crie « Aline », pour qu’elle revienne.
Autant le dire tout de suite, c’est pas gagné.
Car nous vivons dans un monde cruel, où il ne suffit pas de prendre des trains à travers la plaine.
Bien sûr, des filles dans ma vie, il y en a eu plein d’autres : Lola, Cindarella, Olga, etc… Leurs désirs étaient désordre... Mais rien n’y a fait.
C’est un certain Charles Arnold Hintjens qui en parle le mieux, mime compris…Donc, je lui cède la parole.
Les plus malins d’entre vous auront compris que ce petit billet d’humeur, voire d’humour, est dédié à Arno, et à son combat contre le crabe du pancréas qu’il repousse à coups de Santiag depuis novembre 2019 . D’ores et déjà - triste compétition - il a fait plus fort que Pavarotti, en résistant plus longtemps à ses pinces à la con.
Ce qui - humour noir - assoit définitivement la supériorité de la chansonnette (NDLR : comme on dit dans le Poitou) sur l’Opéra et le Bel Canto.
Bref, « like I said before, I am just a lonely solo gigolo…”.
Comme dirait une copine : “je ne sais pas où tu vas chercher toutes ces idées, mais tu ne devrais pas sortir avec… ».
Et hop, elle se ressert un Mojito.
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- Film “In bruges”, de Martin Mc Donagh ( 2009)
- “Ouarzazate et mourir” et “Nadine Mouque” sont des romans d’Hervé Prudon.
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Crédit photo : Vignette : Frédéric Martin, « la fille du train 2 »
Bas de page : Fréderic Martin , « desamours ».