lundi 25 mars 2019 - par C’est Nabum

Le coq au vin de Loire

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Histoire d’une légende

Il était une fois dans un passé lointain un homme, un ligérien bon teint qui était connu comme le loup blanc dans tout notre Val. Jules, bon vivant, grand buveur, était un fêtard hors pair à tel point que sa compagnie était recherchée en différentes grandes occasions de la vie villageoise et rurale. L’homme répondait d’autant plus présent qu’il savait disposer du gîte et du couvert en maints endroits.

Il était réputé également pour être toujours flanqué de son inséparable mascotte, un coq de combat, une bête terrifiante qui semblait invincible. Les occasions de se divertir en cette époque lointaine étaient rares, la bataille furieuse entre des gallinacés intégrait souvent le programme des divertissements avec l’incontournable bal et l’indispensable banquet.

Jules tout autant par dérision que pour illustrer le caractère guerrier de son cher coq l’avait baptisé César. Ils formaient ainsi un couple réjouissant dont la présence lors d’une fête votive garantissait la réussite de celle-ci. Ce jour-là, Jules et César étaient conviés à la moisson dans un grand domaine de Bourgueil. Le coq fut une fois encore vainqueur sans contestation d’un malheureux rival qui ne s’en remit pas tandis que son patron leva dignement le coude sans jamais tenir la faux.

À la fin de la journée de labeur pour beaucoup, de libation pour Jules, l’état du buveur n’était pas glorieux. Manifestement, il n’était plus en mesure de surveiller un animal qu’il avait dressé dans le but exclusif de se montrer agressif. Il convenait de le mettre à l’abri afin d’éviter qu’un gamin ne soit éborgné par le fauve. Jules se résolut, titubant plus que de raison, de l’enfermer dans l’écurie. Hélas, sa démarche chaloupée et sa vision incertaine lui firent commettre grande méprise. Il se trompa de porte, entra dans un espace sombre avec quelques marches descendantes.

L’ivrogne ne perçut pas qu’il faisait fausse route, son esprit altéré ne lui permettant plus d’accéder au moindre raisonnement. C’est ainsi que dans l’obscurité la plus totale, il attacha au jugé son coq à un morceau de bois qui dépassait de la paroi. Il remonta cahin-caha cet escalier de pierre aux emmarchements inégaux. Les degrés lui furent fatals, il roula boula et finit sa soirée dans l’endroit, ivre mort.

Au petit matin, Jules retrouva un semblant d’esprit. Il avait la tête lourde, la bouche pâteuse mais encore assez de réflexion pour s’étonner que ce ne fut pas le chant glorieux et tonitruant de César qui lui fit ouvrir les yeux. Il était dans un endroit sombre dont il ne gardait aucun souvenir. Il tâtonna, découvrit non loin de lui, le corps inerte de son champion. Affolé, il se mit en quête d’aller quérir du secours et à défaut une chandelle.

Il remonta cet escalier de pierre qui l’avait jeté au fond de la cave, vous l’aviez deviné. Il avait une telle allure qu’il déclencha l’hilarité des gens du domaine qui s'apprêtaient à retourner à l’ouvrage. L’un de ces gueux lui vint en aide, s’équipa d’une lanterne et l’accompagna dans le cellier enterré. Horreur, César baignait dans une mare de vin !

Le coq avait été attaché à une cannelle. En se débattant il avait fait sauter le bouchon et le fût s’était déversé. Jules comprenait mieux la forte odeur de vin dont ses vêtements étaient largement imprégnés. Il comprit aussi que son gagne-pain avait succombé d’un comas éthylique bien qu’il ignorait tout de ce terme. Il venait d’être puni par là où régulièrement il fautait.

Privé de son passeport, Jules savait qu’il en serait fini des belles bordées. Autant finir en beauté. Dignement, il prit le martyre dans ses bras, remonta les marches et s’en alla dans la cuisine de la ferme. Dans une emphase digne d’un grand tragédien il déclara à la cuisinière que lui incombait de rendre les derniers hommages à ce fier gallinacé.

La dame fit la moue, le coq sentait la vinasse, son plumage était souillé et après l’avoir déplumé en le jetant, ô paradoxe terrible, dans l’eau bouillante, elle découvrit une chair rougie par la boisson qui avait entraîné son trépas. Que faire de cette viande abondante certes mais quelque peu amollie par le vin ?

C’est toujours le hasard, les coïncidences, les concours de circonstance qui donnent naissance aux grandes créations humaines. La femme, tout en pinçant du nez se dit qu’il n’y aurait pas plus belle ironie que de mijoter ce mâle belliqueux dans une cocotte. Il est vrai que ce terrible César n’avait jamais pu honorer une femelle sans la tuer peu de temps après. Pour parvenir à rendre comestible cette vieille carne musclée tout autant que pour atténuer les effets de son bain funèbre, elle le fit cuire dans du vin de Bourgueil.

Ce fut le premier coq au vin de le grande histoire de la gastronomie ligérienne. Une recette qui fit le tour du monde et alla même jusqu’en Chine, portée fièrement par un maître queux voyageur à la recherche du secret du canard laqué. Mais la légende se montra injuste vis à vis de la véritable créatrice qui resta dans l’ombre, à jamais inconnue alors qu’elle nous avait proposé un trésor précieux.

Pire encore, l’histoire fit le tour de la région. Jules était connu de tous, son coq César également. La légende fit son miel de la confusion, les bonimenteurs s’emparèrent du récit pour attribuer au Grand Jules César la paternité de la recette. On prétendit faussement qu’il désirait ainsi humilier les gaulois en cuisinant leur animal emblématique dans du vin, breuvage qui aurait suivi la progression de l’envahisseur. Il se trouve encore des menteurs pour diffuser cette sornette tandis que ceux-là ne croiront jamais la véritable histoire.

Quant au brave Henri IV, il s’est sans doute complètement fourvoyé en proposant la poule au pot. La pauvre bête noyée dans de l’eau, vous n’y pensez pas. César en eut été scandalisé.

Bachiquement vôtre.

Le coq au vin

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29 réactions


  • nono le simplet 25 mars 2019 15:42

    je l’avais dèjà lu mais, à le relire, j’ai faim une deuxième fois ...

    j’ai souvenir d’un énorme coq de la maison, de 4.5 kg, cuisiné au vin il y a quelques années par ma compagne ... à tomber par terre ...


  • foufouille foufouille 25 mars 2019 16:54

    c’est tout de même meilleur quand il est jeune. j’en ai eu de 5 kilos mais j’en ai vu de 10.


    • nono le simplet 25 mars 2019 17:39

      @foufouille
      mais j’en ai vu de 10.

      à côté de Fessenheim ? et avec 4 cuisses bien sûr
      par contre plus sérieusement, je ne suis pas d’accord il faut un coq de 3-4 ans


    • foufouille foufouille 25 mars 2019 17:52

      @nono le simplet
      10 à vue de nez vu la taille des coqs deux fois plus gros que des roux de pondeuses.
      moins de un an ou six mois est déjà beaucoup pour un coq bon juste à tuer. si il arrive à 3 ans sans tuer une poule, il a le droit de prendre sa retraite en défendant le poulailler.


    • foufouille foufouille 25 mars 2019 17:57

      @nono le simplet
      celui que j’ai à moitié pendu avait un an et était un peu dur à bouffer, la charogne.


    • C'est Nabum C’est Nabum 25 mars 2019 18:09

      @foufouille

      L’histoire s’émancipe toujours de la réalité culinaire


    • foufouille foufouille 25 mars 2019 18:28

      @Cyrus (TRoll de DRame)
      une vraie sussex est une bonne pondeuse mais je n’ai jamais eu de coq donc je ne sais pas si ils sont juste bon à bouffer. mais ça fait pas plus de 5 kg.
      ceux que j’ai vu était énormes mais certainement un croisement avec les plus gros.


    • foufouille foufouille 25 mars 2019 18:32

      @C’est Nabum
      tout dépend de l’époque. si tu manges peu de viande, une vieille carne au vin est délicieuse. une cuisson sur une cuisinière à bois de 12h est aussi bien meilleure.
      comme le saucisson que tu peux faire chez toi.


    • nono le simplet 25 mars 2019 18:42

      @foufouille
      j’ai vu des coqs de 65 kg autrefois mais c’était dans les bals


    • C'est Nabum C’est Nabum 25 mars 2019 18:48

      @foufouille

      J’ai à faire à un mettre queux


    • C'est Nabum C’est Nabum 25 mars 2019 18:49

      @Cyrus (TRoll de DRame)

      Et aussi à un spécialiste de la chose volaillère 


    • foufouille foufouille 25 mars 2019 18:53

      @nono le simplet
      non ce n’est pas une plaisanterie. je les ai vu à champ sur yonne mais c’est fermé. les coqs faisaient un mêtre de haut.


    • foufouille foufouille 25 mars 2019 18:57

      @Cyrus (TRoll de DRame)
      les poids que tu donnes ne sont pas du tout standars.
      perso, je leur donnait aussi beaucoup trop, dont de la viande et du gras, plus une soupe chaude de pain l’hiver. le oeufs des rousses étaient les meilleurs avec des oeufs de 120g des fois.


    • foufouille foufouille 25 mars 2019 19:00

      @C’est Nabum
      c’est pas super compliqué le saucisson, surtout en hiver chez toi.
      les terrines et pâtés, c’est plus chiant, je trouve.


    • C'est Nabum C’est Nabum 25 mars 2019 19:18

      @foufouille

      Le saucisson c’est ficelé


    • Fergus Fergus 25 mars 2019 20:33

      Bonsoir, nono le simplet

      « j’ai vu des coqs de 65 kg autrefois mais c’était dans les bals »

      Et moi des coqs de 53 kg, mais sur des rings, entre quatre cordes !


    • C'est Nabum C’est Nabum 25 mars 2019 21:35

      @Cyrus (TRoll de DRame)

      Sot mais unique


    • nono le simplet 26 mars 2019 04:31

      @foufouille
      celui là est assez gros ... c’est un coq de photoshop
      mais j’ai lu, en effet qu’il y a des coqs qui peuvent atteindre les 8 kg les Brahma


    • nono le simplet 26 mars 2019 04:38

      @Cyrus (TRoll de DRame)
      il y a quelques années mon gendre avait rapporté de chine des œufs de cent ans
      vraiment très bizarre ...


    • foufouille foufouille 26 mars 2019 06:37

      @Cyrus (TRoll de DRame)
      quand une poule pondait un très gros oeuf, elle ne pondait pas tous les jours mais plutôt 3 par semaine. elles avaient aussi plus de un an et pondu 330 oeufs par poule la première année.
      je leur donnais beaucoup de pain avec des légumes cuits à l’eau et des cubes de bouillon en plus des graines.


    • Xenozoid 25 mars 2019 19:30

      @C’est Nabum
      la loire ne va pas a agoravox,dans un sens seuleument...
      c’est le courant, jules c’etait son nom de famille contrairement a cesar qui etait républicain,


    • C'est Nabum C’est Nabum 25 mars 2019 21:35

      @Xenozoid

      Pardon


  • Fergus Fergus 25 mars 2019 20:41

    Bonsoir, C’est Nabum

    Très belle histoire ! 

    Nul doute que le coq au vin ligérien soit un plat remarquable. J’en ai d’ailleurs dégusté un fameux il y a quelques années dans la bonne ville de Chinon.

    Permettez-moi cependant, en bon Auvergnat, de lui préférer le coq au vin de Chanturgue, né  selon la légende, là aussi d’un échange de bons procédés entre César et un chef arverne. smiley


  • juluch juluch 25 mars 2019 21:47

    AAAAA TAAAABLE !!!

    Pauvre Coq !!

    merci nabum !!


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