mercredi 13 novembre - par C’est Nabum

Le ver est dans un fruit du verger

 

Le pommier veut faire appel.

 

Depuis la genèse, le pommier se sent honteusement montré du doigt pour une histoire qui lui reste en travers de la gorge. Depuis la fameuse pomme d'Adam, il est accusé d'un forfait dont il n'est nullement justiciable. Il a donc décidé, suivant les conseils d'un avocatier de ses relations de faire appel pour tenter de redorer son image et cesser enfin d'être la bonne pomme de l'Histoire.

Immédiatement le poirier a senti le vent du boulet. Comme bien souvent être la bonne poire n'est guère plus enviable que le sort de son comparse fruitier. Cependant, par esprit de confraternité arboricole, il entend lui apporter son soutien inconditionnel dans un procès qui depuis des siècles s'est noyé en procédures interminables et arguties douteuses.

Le pommier du reste, à force d'être pressé comme un citron avec des frais de justice totalement disproportionnés, aimerait recevoir une aide juridictionnelle pour aller jusqu'au terme de ce procès. Pour lui, la diffamation est aussi flagrante que l'erreur judiciaire à son propos, lui qui en a par-dessus la tête d'être pris pour un gland.

Il a dû à plusieurs reprises renvoyer aux prunes des avocats véreux tout en devant honorer de fortes amandes qui avaient tout pour recevoir la palme de l'injustice flagrante. Argousins et argousiers se donnant la main pour le pressurer un peu plus, si bien que le malheureux plaignant se retrouve les racines en compote.

Loin de l'envoyer sur les prunes, bien des collègues lui apportent leur soutien, s'indignant que la faute originelle puisse ainsi être imputée à l'un des leurs. Ève aurait dû envoyer son compagnon sur les roses ou dans les fraises, mais ceci eut desservi la cause des arbres fruitiers. Glisser sur une peau de banane qui se transforme en serpent n'est certes pas une situation banale mais avec un scénariste du nom de Yahvé, il faut s'attendre à tout.

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Autre sujet d'importance, comme faire date avant le début de l'histoire ? Il y a un pépin de taille qui s'avère être le noyau dur de ce cas qui a fait jurisprudence depuis la nuit des temps. Comment se refaire la cerise dans un tel contexte quand nulle archive n'existait à l'époque du délit supposé. Le pommier se retrouve avec des nèfles pour défendre sa cause en dépit d'une présomption d'innocence dont il ne peut jamais se prévaloir.

Le serpent de son côté, maintes fois appelé comme témoin, se refusa toujours à venir apporter son témoignage. Passé maître dans l'art de l'esquive, il a su à merveille se contorsionner dans les rouages de la procédure pour échapper à toute remise en cause d'une parole initiale relevant de la langue de vipère.

C'est alors qu'épluchant attentivement le volumineux dossier, le pommier et ses conseils se rendirent compte qu'un arbre échappait étrangement à toute incrimination en dépit d'un nom qui dans la maison biblique faisait porter une ombre inquiétante sur cette essence. Il y avait anguille sous roche dans cette immunité de fait pour une essence qui avait trouvé fort opportun d'associer son image avec la vigne si présente dans la liturgie.

Le sang de la terre par l'intermédiaire de la feuille de vigne venait couvrir l'évidence. Le péché et nul autre ne pouvait être l'arbre de la faute originelle. Un simple souci d'éviter le risque de confusion mit le pommier sur les rangs pour épargner cette redondance. La preuve était faite et notre accusé à tort présenta ses conclusions devant la juridiction suprême. Hélas, c'était bien trop tard, non pas que la procédure avait atteint la prescription fatale : limite permise par le grand architecte, mais hélas parce que l'heure du jugement dernier avait sonné. Il n'était plus temps de sauver la pomme, ce fruit si trognon.

 

Tableaux de Paul-Élie Ranson

 

 



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