On leur a coupé l’herbe sous le pied
Retour sur terre.
Le grand personnage se prenait pour le Messie quoique le rôle lui fut passé sous le nez dans sa précédente terre sainte. Il avait cru qu’en changeant de paroisse, il allait pouvoir marcher sur l’eau. Il s’assura un confortable tapis de dollars pour se mettre à l’abri du besoin tout en se constituant un douillet matelas pour se rouler le plus souvent possible sur le gazon. Les fidèles allaient voir ce qu’ils allaient voir, il suffisait d’y croire très fort et de prier un ciel parsemé d’étoiles filantes et trébuchantes.
Les circonstances allaient enfin lui être favorables, la conjecture ayant bouleversé le déroulement habituel de la grande cérémonie. Il voulait prêcher dans le désert à des convaincus d’avance. Il se fit fort d’obtenir le huis-clos lors de ses fameuses paraboles du pêcheur. Les filets devaient en trembler, les bars allaient remplir son panier tandis que ses disciples feraient le travail à sa place. Même si la ficelle était un peu grosse, il entendait bien pousser le bouchon plus loin encore. Rien ne pouvait arrêter celui qui allait crucifier tous ceux qui se dressaient contre lui.
La peau de l’ours teuton avait été soigneusement vendue avant même de l’avoir débusquée de sa tanière. Le prêcheur n’est pas chasseur, il s’est emmêlé les pinceaux, marchant sur ses lacets et subissant tant de crocs en jambe qu’il en resta sur le cul. La colère le fit rugir de rage. Ce n’est pas ainsi qu’on séduit les foules et convertit les nouveaux adeptes. L’exemple qu’il donna fut assez déplorable, il devait faire un carton, il le reçut en guise d’unique récompense.
Les fidèles se taisaient. Si la foi soulève des montagnes, elle ne peut rien pour terrasser l’ogre munichois. Le misérable Messie de pacotille aimait à se régaler de petits Poucets. Ceux-là ne lui faisaient pas d’ombre même si parfois ils lui mettaient des tacles assassins dans les roues. Qu’importe, à triompher dans la facilité, on ne parvient jamais à remporter les victoires décisives. Il but le calice jusqu’à la lie.
Le vin y était amer si bien qu’en toute logique, la soirée prévue pour son sacre tourna au vinaigre. Les fidèles qui n’avaient pas eu la possibilité de le suivre sur son dernier chemin de croix s’en prirent aux gardiens de la foi. Ses adeptes lancèrent des pavés sur les infidèles, se mirent en demeure de piller scrupuleusement les marchands du temple. L'Élysée se refusant à lui, l’enfer devint un champ de ruines. Satan une nouvelle fois l’avait emporté.
Devant ce spectacle désolant, les commentateurs de la nouvelle foi, les exégètes de l’idole prétendirent alors que ce n’était que reculer pour mieux sauter le pas, franchir enfin le Rubicon et atteindre le pinacle sans passer par le Golgotha. Il est vrai que la géographie et l’histoire peuvent subir quelques entorses dans cette nouvelle religion en devenir.
Son fidèle apôtre, un gamin du pays se prenant parfois pour le sauveur en personne fut tout aussi transparent que son maître. Les deux Princes aux pieds d’argile furent crucifiés, tandis que leurs fidèles, dans un Parc presque vide, burent le calice jusqu’à la lie, découvrant que la bière n’était pas une spécialité locale. Pour espérer convaincre le ciel d’être enfin de leur côté, ils devront renoncer à la pizza et à la cervoise. Seuls le pain de campagne cuit au feu de bois et le vin rouge cultivé en biodynamie peuvent servir de nouveau rituel sacré.
Seul petit souci pour que la nouvelle liturgie soit efficace, il conviendrait de partager le vin et le pain. Nous avons là, deux assoiffés de gloire et d’exploits qui ne sont jamais prompts à la distribution autour d’eux. Trop personnels, ils préfèrent jouer une partition personnelle plutôt que de faire confiance à leurs autres disciples. Si Paris vaut bien une messe, il conviendrait néanmoins de trouver des officiants plus généreux et moins centrés sur eux-mêmes. C’est pas gagné dans cette curieuse religion des masses.
Déroutement vôtre.