jeudi 13 septembre 2018 - par C’est Nabum

Sur un perchoir

La basse-cour des vanités

Sur un perchoir, quel animal, dressé sur son ego, aurait-il le plus sa place ? La question mérite d’être posée alors que nos chers représentants font encore assaut de simagrées pour finir comme toujours par se plier au désir du petit coq qui pérore au milieu de la place. Ce perchoir-là ne peut se concevoir sans y recevoir un homme, un porteur de cravate, un vaniteux obséquieux, un personnage qui se monte tellement du col qu’il lui faut la plus haute tribune qui soit !

Un marin n’aurait pas songé à mettre autre chose qu’un perroquet. Pour Jean-Baptiste Gresset, il eut fallu alors qu’il parle parfaitement latin, une langue morte largement préférable à la langue de bois. Nous aurions eu ainsi un peu plus de couleur à nous mettre dans la pupille avec un plumage qui aurait eu au moins le mérite d'égayer ces pauvres caquetages insipides. Le perroquet hélas s’encanaille vite dans la légende et préfère la fréquentation des gens du peuple à celle des élites, ce qui, en la circonstance est exactement le contraire, le perchoir parlementaire sert à isoler encore plus celui qui depuis longtemps n’est pas un perdreau de l’année.

Un oiseleur aurait quant à lui préféré une tourterelle, une belle oiselle, capable de roucouler tout en apportant grâce et légèreté, là où habituellement nous ne trouvons que balourdise et vassalité. Mais que diable aller se mettre en tête qu’une dame puisse représenter cette caste machiste, en dépit des progrès de la parité. Le perchoir semble être un attribut phallique, un substitut à l’impuissance chronique de tous ceux qui dirigent le pays.

Une éleveuse, plus soucieuse de ne jamais mettre ses œufs dans le même panier aurait songé certainement à y installer une pintade. L’idée eut été excellente d’autant qu’en la matière, avec la récente couvée « En Marche », la catégorie ne manquait pas de candidates, des poulettes fraîchement sorties de leur coquille, arrivées ici par hasard, devant leur promotion à leur bonne mine. La présence de l’une d’elles sur ce perchoir magnifique aurait montré à tous à quel point notre démocratie en avait pris un sacré coup dans l’aile. Hélas, les coqs se dressent toujours sur leurs ergots pour réclamer la meilleure place sur le plus haut du tas de fumier.

Une retraitée solitaire, pensant que l’hémicycle était une belle cage en osier bien dorée, se serait mise en tête de placer là un couple de perruches afin de profiter toute la journée de leurs chants mélodieux. Hélas, la constitution ne permet pas de voter pour un duo, fut-il de maîtres chanteurs même si curieusement à la tête du pouvoir exécutif un charmant couple de jeunes paons, fait pour notre plus grande désolation, la roue à longueur de journée afin naturellement de mieux nous rouler dans la farine.

Un Corse se serait alors indigné, estimant que le seul animal qui vaille la peine de se percher en pareille place ne pouvait être qu’un aigle. La nostalgie sans doute l’eut fait penser ainsi. Mais outre que mettre un rapace parmi tous ces faisans eut été fort risqué, il est peu probable que l’on puisse trouver un oiseau d’une telle envergure dans la volière actuelle. S’ils sont fort habiles à battre des ailes, ils sont tous incapables de planer au-dessus des débats.

Une bretonne, soucieuse de la nature aurait penché pour une mouette tridactyle, une femelle naturellement, coiffée de fierté et de pugnacité. L’animal est gracieuse, migratrice, fidèle en amour. Autant de qualités qui ne conviennent guère à nos girouettes à paillettes. Pourtant la belle petite mouette courageuse couve face aux vagues déchaînées de l’Océan, elle s’accroche becs et griffes à sa falaise, résiste à toutes les tempêtes. Autant là encore de différences notables avec les oisillons de la dernière couvée. Quant à honorer la nature, même un Mulot médiatique ne pourrait rester longtemps en place dans cette ménagerie si peu soucieuse de la planète.

D’autres encore, fins connaisseurs de la chose publique, eurent pu songer à une oie blanche, un canard boiteux, une autruche ou bien encore un vieux coucou. La liste est longue des volatiles candidats possibles à un tel perchoir mais c’est au final le compagnon de la marraine du panda qui cloua le bec à la petite rébellion naissante et désigna ce drôle d’oiseau, car comme dans l’ancien régime, toute chose se décide dans la volière centrale.

Renonçant à poursuivre plus avant une investigation inutile, puisque notre opinion n’a strictement aucune importance dans la basse-cour du palais Bourbon, l’oiseau au plumage le plus terne, aux ailes coupées par de douteuses affaires, aux ergots usés à force de révérences et de courbettes a obtenu le perchoir parce que son maître en a voulu ainsi. D’un trait de plume sans doute, il a intimé l’ordre de récompenser ce fidèle serviteur.

Tout ça, naturellement ne vole pas très haut. On se demande même l’utilité d’un perchoir dans ce caquetoire si convenu ! Rien de ce qui s’y dit, n’a réellement d’utilité. Le corbeau tiendra dans son bec un fromage que nul renard ne viendra lui contester. Depuis longtemps la ruse et l’intelligence ont déserté les lieux. On y fait semblant de remuer des ailes, de claquer du bec, de lancer des répliques assassines, puis les caméras éteintes, tout ce joli monde se congratule joyeusement, heureux de plumer la piétaille que nous sommes.

Volaillement leur.

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