jeudi 13 février 2014 - par C’est Nabum

Un billet d’humœur

Les analyses du bonimenteur

La faute à qui ?

Ne cherchez pas l'erreur ni la petite bête orthographique, il n'y a pas faute mais interrogation et vaste hésitation entre humeur et humour, il n'y a qu'une lettre qui diffère. Le « o » peut se coller dans l'« e » pour sombrer dans la confusion. Faut-il geindre ou se moquer, se gausser ou s'épancher ?

Une fois la question existentielle évacuée, il est raisonnable de choisir le bon ton, la bonne couleur pour que s'écoule le pus du chancre. Le noir vient immédiatement en pensée. Si la teinte aime l'humour, elle donne à l'humeur une redoutable perspective, la fin du bonhomme n'est pas loin.

Si noir c'est noir, j'ose espérer pourtant qu'il y aura toujours un peu d'espoir et que le rire sera alors la pirouette élégante qui me permettra de retomber sur mes pattes …

L'aigreur peut vous tirer vers le jaune. Le rire devient cinglant, il fait mal et n'est pas toujours bien perçu. Il fait grincer les dents et serrer les poings quand le flegme se colore ainsi. Le foie semble atteint, le teint devient vitreux et l'œil se transforme pareillement. Cet humour déplaît, il n'a que peu d'amateurs et la dérision est souvent mal comprise.

L'humour gras a beaucoup d'adeptes. Il aime à pousser sous la ceinture. Est-ce lui qu'on appelle culotte de cheval ? J'ai toujours trouvé que ses amateurs hennissent plus qu'ils ne rient et je suis certain qu'ils préfèrent la margarine au saindoux. Serait-il la marque du sanguin ? L'amateur de bonne chère peut aussi, il me semble, avoir du goût et de la finesse en matière de rire. Ne lui faisons pas cet affront.

L'humour glaçant est celui de l'atrabilaire. C'est la bile noire qui provient de la rate. Il n'y a pas lieu de se l'éclater par ce rire pincé et retenu. Il mélange allègrement humeur et plaisanterie sans jamais se démasquer. Inaccessible à celui qui arrive avec ses gros sabots, il exige de marcher sur des œufs pour ne pas faire trop de dégâts.

L'humour pincé se confond aisément avec le caractère bilieux. Si la bile est amère, cet humour l'est tout autant pour celui qui en est la victime. Il cingle en finesse, il fouette sans en donner l'impression. C'est de l'escrime verbale, du grand art sans en avoir l'air. Il exige maîtrise et distance et surtout la capacité à ne pas goûter soi-même à son trait d'esprit.

L'humour à chaud est celui du jovial. Si l'individu en question joue avec sa santé, son cœur risquant de lâcher à tout instant, ses saillies sont spontanées et sans nuance. Il s'emballe, en fait trop, ne s'arrête pas quand la dose est dépassée. Il est emporté par les rires, il surfe sur le succès et se laisse surprendre quand la limite est franchie. Comment déclencher son système parasympathique pour ralentir son rythme suicidaire ?

L'humour à froid est de tous le plus précieux. Il attend son heure, il peut même pousser le vice jusqu'à se faire macabre. Il doit pourtant rester prudent, un humour posthume est rarement compris par les membres de la famille. Il faut avouer que même la plus belle cérémonie funéraire avec une crémation tout feu tout flamme, ne réchauffera pas cet humour à froid.

Les comptes d'apothicaire s'avouent bien impuissants à déterminer de manière plus précise la distinction entre humeur et humour. Une saignée ou bien une analyse des selles ne permettront jamais de reconnaître le sens de l'ironie du patient. Si les mots sont frères, ils portent manifestement sur des concepts fort différents.

Je me suis manifestement fourvoyé à vouloir trouver une relation quelconque, à chercher la petite bête et des analogies, à pointer des convergences quand il n'y a que divergences et dissemblances. Les quatre tempéraments de la théorie des humeurs ne permettent pas de classifier les formes de l'humour. N'en déplaise à Ben Jonson et sa comédie des humeurs (pas le sprinteur mais l'auteur dramatique), humour et humeur ne se rangent pas dans les mêmes pipettes.

Un sanguin, un colérique, un flegmatique et un mélancolique ne seront jamais les mousquetaires du rire. Le comique n'est pas clinique et c'est tant mieux. Je vous laisse à ce billet foireux ; la colique sans doute n'a qu'un lointain rapport avec le colloque. Il faudra que je me méfie à l'avenir des ressemblances orthographiques, des faux frères et des mauvaises pistes.

Confusément vôtre.



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