lundi 19 décembre 2022 - par Laurent Simon

Argentine-France 3-3, quel suspense, quel match ! Et on ne peut même pas être triste !

La défaite est amère. L'exploit, inédit depuis 60 ans, est manqué de justesse : enchaîner 2 victoires au Mondial ! Et les 3 buts de Kylian Mbappé, en finale, sont un véritable exploit, historique. Mais comment expliquer les 75 premières minutes du match, sans une réaction des Bleus à la hauteur d'une finale, suite aux deux buts encaissés ?

Bien sûr, le résultat est décevant, très décevant pour la France, puisque la défaite n'a tenu qu'à un cheveu, dans cette séquence de tirs aux buts. Mais lors de matchs précédents, par exemple contre l'Angleterre, mais aussi contre le Maroc, l'Equipe de France l'a certes finalement emporté, mais il s'en est fallu également de peu même si le score effectif donne un autre impression.

En fait, si l'Equipe de France n'a pas sombré dans ce match, c'est en grande partie grâce à l'exceptionnelle prestation de Mbappé, avec un triplé unique, historique en finale de la Coupe du Monde !

En effet, durant les 75 premières minutes, l'Equipe Argentine a clairement dominé, et les joueurs français n'arrivaient pas à se reprendre : dans leurs duels individuels, par des pertes de balle beaucoup trop nombreuses, par un niveau de jeu insuffisant, par une énergie individuelle et collective en dessous de celle d'une finale de Coupe du Monde.

Alors que les Bleus se sont, enfin, ressaisis après le premier pénalty tiré par Mbappé, et que les argentins se sont montrés très vulnérables après le 2e but, d'égalisation.

Tout ceci, ainsi que la défaite Marocaine, illustre magistralement ce que décrit l'auteur, d'origine indienne, du livre "L'engagement détaché" (et qui n'est donc pas Agnès de Brunhoff, auteur d'un autre livre sur un thème proche)  [2] : les techniques de visualisation, proposées de plus en plus souvent en coaching personnel, professionnel ou sportif, peuvent être extrêmement efficaces, mais à condition de ne pas se focaliser sur le fait de gagner, ni sur les situations et sensations correspondantes.

Si en préparation -et au cours de la compétition- un sportif de haut niveau, par exemple un coureur, déploie toute son implication au niveau de la situation d'être devant les concurrents, tout s'effondre dès qu'un autre coureur le devance, et il n'a plus alors accès aux ressources physiques dont il dispose pourtant encore. Et c'est ce qui s'est produit quand l'équipe marocaine a encaissé son premier but, et au début de la finale quand la France a encaissé les deux premiers buts.

Alors quel est le moyen d'en sortir ? Eh bien,il s'agit, à la fois pendant la préparation et pendant le jeu, de se focaliser sur "donner le meilleur de soi-même", et ceci même si le concurrent passe devant. Ce que l'auteur du livre appelle "l'engagement détaché (du résultat)". Cela ne signifie pas qu'il ne faille pas se péoccuper du tout de ce résultat, mais il s'agit de ne pas être victime de la situation, et d'être au contraire toujours en position d'acteur de cette situation. Pendant la préparation, cela passe par des séances de visualisation où le sportif s'imagine en différentes situations, y compris celle d'être devancé, et où il parvient grâce à ses efforts, à revenir sur le concurrent, et à le dépasser.

A contrario se focaliser exclusivement sur le résultat expose énormément au risque de se faire devancer, même très temporairement, et du coup à se laisser distancer et à ne plus pouvoir rattraper son retard. De plus, les joueurs français se sont trop reposés sur Mbappé. Tout ceci fait que le sursaut français de fin de deuxième mi-temps n'a pas suffi pour reprendre le dessus, même s'il a incontestablement montré une énorme différence par rapport au début du match : duels et passes de balle plus efficaces, implication plus forte dans le jeu, niveau de jeu bien plus haut.

Mais il aurait fallu marquer un 3e but avant les argentins, pour éviter que les mêmes causes produisent les mêmes effets, suite au troisième but, marqué par Lionel Messi. Le 3e but de Mbappé a permis d'égaliser, mais pas d'éviter les tirs aux buts.

Et le même phénomène s'est produit dans cette séquence de tirs aux buts : quand le tir du 2e joueur français (Coman) est arrêté par le gardien argentin, cela a créé les mêmes effets négatifs sur le mental du 3e joueur français (Tchouaméni), ce qui a largement contribué à lui faire rater son tir.

Finalement contrairement à ce que disait Pierre de Coubertin, de façon trop imprécise, l'important, ce n'est pas de participer (ou ici Sylvain Rakotoarison dans France-Argentine : l’important, c’est de participer !), mais de donner le meilleur de soi, ce qui n'est vraiment pas la même chose.

Gagner arrive alors 'par surcroît', comme conséquence d'un engagement maximal (mais pas sacrificiel, ni dépendant du résultat) : cet engagement maximal est le seul moyen de ne pas avoir de regrets par la suite, c'est le plus efficace pour progresser, et c'est le meilleur moyen de gagner !

PS. Ce qui est écrit ici s'applique évidemment à d'autres équipes, et à de nombreux autres matchs dans ce Mondial. Et cela s'applique aussi à l'équipe argentine, à en juger par la fébrilité patente quand la France était revenue au score. Et si l'Argentine n'avait pas rapidement marqué un but par pénalty il est possible que le jeu, le match et les résultats auraient été très différents. Mais il est également probable que la défaite de l'Argentine face à l'Arabie Saoudite a limité l'impact négatif de ces aspects, en obligeant les joueurs à se remettre en question. Ce que n'a pas produit la défaite des 'coiffeurs' français face à la Tunisie, puisqu'il s'agissait principalement des remplaçants.

PPS. Il ne faut pas non plus négliger un autre facteur psycho-sociologique : la volonté de tout un peuple (argentin) de gagner une nouvelle fois la Coupe du Monde, 36 ans (deux générations) après 1986. Même si la ferveur française était très présente cette année, avec une équipe qui donnait envie de la soutenir, la volonté des Bleus n'était probablement pas aussi forte qu'en 1998, alors que la France n'avait toujours pas obtenu sa première étoile espérée depuis des décennies. Ni aussi puissante que celle des Argentins cette année. Mais ce facteur n'est probablement pas aussi puissant que ce que nous décrivons ici, et cette forte volonté des argentins, déjà très présente en 2018, ne les avait pas empêché d'être éliminés par les Bleus en huitième de finale (4-3). Evidemment, ces facteurs interviennnent avec beaucoup d'autres comme la composition des équipes, différente d'une coupe à l'autre, et d'autres encore comme la fatigue par exemple, et la chance. Mais ce que nous décrivons ici joue un rôle extrêmement important, et doit pouvoir expliquer à lui-seul une bonne partie des déboires subis par les équipes nationales,qui disposent de moins d'entraînement et de matchs que les clubs.

 



16 réactions


  • JACQUOU JACQUOU 19 décembre 2022 18:00

    Mon pauvre ami ! En division honneur à l’époque mon père me disait que les matchs étaient déjà truqués.. alors là.. Où l’argent est le nerf de la guerre ! Comme en Ukraine d’ailleurs..

    JE ME MARRE.. QU’EST-CE QU’ILS PEUVENT ETRE CONS QUAND MÊME

    Bêêêêêêêêê.. LES PROLOS


  • JACQUOU JACQUOU 19 décembre 2022 18:06

    Et dire qu’il y en a qui prennent le foot au pied de la lettre.. OH ! pennnnnnaltie je jouiiiiiiis !


  • JACQUOU JACQUOU 19 décembre 2022 18:08

    Bon on ne se tue plus dans l’arène mais en Ukraine ! c’est déjà pas mal ! 


  • Lynwec 19 décembre 2022 19:20

    Au moins, quand je regarde un film, je peux savoir qui a écrit le scénario, car dans ce milieu, on ne s’en cache pas . Le sport-spectacle trompe essentiellement ceux qui sont volontaires pour être dupés . Il y a pourtant eu par le passé suffisamment de signes révélateurs de l’immensité des trucages liés à l’argent .


  • Si on passe l’hiver sans se les geler, ce sera pas si mal...


  • LeMerou 20 décembre 2022 06:06

    Diantre quelle analyse !

    Je ne suis pas particulièrement fan de football. Mais c’était un match étrange.

    Je dirais simplement que dans les 75 premières minutes les Argentins ont véritablement dominé l’équipe de France, qui semblait atone, comme si l’affaire était pliée d’avance, impressionnée par leur adversaire.

    Encaissant deux buts sans broncher si je puis dire. Puis au premier but marqué le réveil, comme si désormais tout était possible, les diables Argentins pouvant être battus.

    Quel était l’état d’esprit des joueurs Français à leur arrivée sur la pelouse est le principal à comprendre et c’est diaboliquement pas évident. Ce qui est sûr c’est que les Argentins semblaient avoir beaucoup plus la « rage de vaincre ».

    Pour en revenir à votre article, je ne pense pas que les principes peuvent s’y appliquer, car il y a une différence énorme entre l’individuel et le collectif et c’est tellement plus facile d’être plus exigeant envers les autres qu’envers soit même. 

    A la finale, l’équipe à perdu, mais pas sans combattre, certes un peu tard, avant les tirs au but, épreuve hélas nécessaire pour départager deux équipes physiquement épuisées. Perdre aux tirs au buts, est moins « misérable », que le 2-0 vers lequel ont semblait se diriger.


  • zygzornifle zygzornifle 20 décembre 2022 08:48

    11 millions de sous le seuil de pauvreté n’en n’ont rien a foutre du foot, de ses millions, de ses fans dégénérés beuglant comme des veaux dans un abattoir et du Macron nous faisant sa pièce de théâtre ....


    • Fergus Fergus 20 décembre 2022 10:02

      Bonjour, zygzornifle

      Houla ! Grosse erreur : nombre de gens en situation de précarité et de pauvreté sont des fans de football, quoi que vous en pensiez !


    • Gorg Gorg 20 décembre 2022 17:05

      @Fergus

      « nombre de gens en situation de précarité et de pauvreté sont des fans de football »
      Pour cette fois je suis bien d’accord avec toi Fergus...
      La sélection naturelle sans doute... smiley
      Ils ne comprennent même pas que l’issue de d’une rencontre, bonne ou mauvaise, ne changera rien à leur vie...
      J’irais même jusqu’à dire que les bisouillis du pommadé à marbré ont du les réconforter aussi smiley Pauvres de nous...


    • Fergus Fergus 20 décembre 2022 17:48

      Bonsoir, Gorg

      Petite anecdote déjà racontée sur ce site :

      En 1998, année de la première victoire de la France en Coupe du monde, j’avais participé au printemps à une manifestation contre l’exclusion à l’appel de quelques associations. Si mes souvenirs sont bons, nous étions environ 8000 personnes dont beaucoup de militants et peu de pauvres ou d’exclus.

      En juillet, après la victoire, il y a eu 1 million de personnes sur les Champs-Elysées pour fêter la première étoile des Bleus.

      En octobre, manifestation des chasseurs au château de Vincennes : 300 000 personnes venues défendre leur droit de tuer.

      Combien de précaires et de pauvres parmi ces supporters et ces chasseurs ? Je l’ignore, mais sans nul doute des milliers qui n’avaient pas défendu leurs droits en défilant au printemps !


    • troletbuse troletbuse 20 décembre 2022 23:58

      @Gorg
      J’aime bien « les bisouillis du Pommadé » que Fergus a soigneusement évité de voir.  smiley


  • Moi ex-adhérent 20 décembre 2022 09:05

    Triste ? La France s’est hissée, malgré et contre tout, jusqu’en finale.

    Par contre, rien n’a changé depuis la main de Maradona. En effet, le cinéma du contrôle par les caméras lors des litiges, ne résout rien. Il faudrait l’utiliser à chaque fois avant de décider un pénalty. Avant les penalty étaient tirés sans ralentissement avant la frappe.

    La France à ce mondial doit détenir le record des buts refusés. Seul l’arbitre a le pouvoir de tout décider (ne pas vouloir regarder les replays). Une belle finale avec un parcours encombré de décisions rendant la FIFA plus opaque. Rien de nouveau.


  • Brutus paparazzo 20 décembre 2022 09:07

    Tout sport de compétition-spectacle est une construction idéologique qui se traduit par le partage militant de valeurs communes, le sentiment d’avoir le privilège de vivre un quotidien exaltant, la stéréotypie des comportements et des modes d’expression, les difficultés de mise en mots et d’élaboration verbale, les démonstrations et célébrations d’appartenance communautaire…


    Comme toute communauté, l’institution sportive crée une conscience collective et un sentiment d’appartenance fortement ancrés. Elle possède tous les atouts pour y parvenir et les maintenir : l’existence de mythes, la prolifération des rituels, codes de toute nature, emblèmes ostentatoires et célébrations pleines de magnificence qui ne cessent de rappeler à tous les bénéficiaires, et en particulier les « supporters », leur affiliation. L’uniformité du langage utilisé par les commentateurs des médias divers devient un emblème et un signe de reconnaissance entre sportifs et spectateurs.


    L’idéologie sportive implique un triple assujettissement à l’idée, à l’idéal et à l’idole. Cette allégeance donne à l’adepte de l’idéologie, acteur ou spectateur, une triple assurance :

    • protection contre une menace vitale d’effondrement et de perte

    • défense contre l’ouvert et l’inachevé

    • accomplissement du fantasme narcissique d’omnipotence, d’omniscience et d’immortalité.


    Mais, si la soumission à toute idéologie redonne au moi l’illusion narcissique de toute-puissance possible, elle dissout du même coup le sujet du désir, le sujet humain, pour l’inféoder à un idéal, à un objet surestimé et surinvesti, pour obnubiler et fasciner sa pensée.


    Pour les dirigeants manipulateurs, l’idéologie sportive présente l’avantage d’articuler le psychique inconscient et le sociétal. De plus, elle rend homogène cette mixture (comme l’art, le langage, ou la religion…) en réduisant les écarts. Elle nie les disparités, les paradoxes, les contradictions pour valoriser et préserver un cadre commun. Le président de la république communie avec les autres « tifosi » dans les tribunes et descend sur la pelouse pour consoler les héros dépités


    Comme toute mythologie, le sport absorbe les autres idéologies et les recycle… », il ne sert pas une politique particulière, on y met les valeurs que l’on veut, y compris de nos jours les valeurs socio-économiques libérales. C’est la grande communion solennelle des membres d’une nation.


    • Géronimo howakhan Géronimo howakhan 20 décembre 2022 09:37

      @paparazzo

      Oui bien dit, très bien dit même de mon avis..
      cela dit je vois de manière simpliste, que c’est amener l’acceptation de la violence, du conflit, de la guerre, du meurtres et du vainqueur unique comme si c’étaient des festivités allant de soi, A MORT LE TAUREAU HUMAIN !! etc
      dans la caboche de ceux qui ont refusé la vie car naître = mourir, des trouillards du fait de vivre donc, donc en refusant la vie profonde, et alors il faut donner autre chose au troupeau humain qui refuse cet absolu physique de nos « vies ».., qui est un des facteurs déclenchant de notre dialogue avec disons le « sacré », je sais pas à la mode mais peu importe la mode, troupeau humain dont le fondement est la fuite impossible de la vie depuis notre mauvais tournant il y a des millénaires..la peur c’est ça, une fuite de x, qui est impossible..
      tout ceci de mon point de vue reste des choix et pas du tout de l’inné, mais je ne peux développer ici, trop long.....choix avec lesquels les truands du sommet qui eux coopèrent pour niquer les autres, s’amusent à jouer en les amplifiant, et oui il ne font que jouer avec les autres, nous, en appuyant là où ça va les favoriser eux..enfin etc
      le sens de la non vie sera alors uniquement matériel avec la promesse de vaincre la mort..et sera uniquement le combat entre tous, appelé compétition, pour cacher que ce principe élimine , tue, détruit etc le sport étant une hypnose pour cacher tout cela..c’est un choix que d’accepter , pourquoi ça marche ? au fond la plupart d’entre nous sommes demandeur d’un sauveur, avec bien sur l’intention de ne jamais rien faire soi meme, car
      cette vie est vide de sens profond, est fuite impossible, est violente et souffrance.
      cette souffrance de tous les instants est alors manipulée contre x, y ou z, comme une promesse d’exutoire...qui n’arrive jamais bien sur..étape suivante car il faut augmenter la dose : la haine pure, le sang doit couler etc
      plus con tu meurs...cerise sur le gateau : ce sont bien des choix...enfin etc
      Pendant ce temps, ceci, ce combat social entre tous, ayant créé des vainqueurs, en général des salauds criminels , oui c’est la masse qui précède le truand du sommet bien sur, qui est issu de la masse, ces vainqueurs eux aussi bien sur en fuite de leur vie car naître = mourir se rient alors sur ce qui reste, argent, possessions, pouvoir , pour eux aussi essayer d’oublier la vie...
      enfin etc..


    • Géronimo howakhan Géronimo howakhan 20 décembre 2022 10:12

      @Géronimo howakhan

      le « sport » de compétition est donc une religion...avec un objectif de destruction ...pour le profit de ce pseudo état profond, mots qui ne décrivent rien du tout..


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