mercredi 23 octobre 2019 - par C’est Nabum

De l’ovalité dans la complexité du Rugby

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Mode d'Emploi pour le quidam.

Après le terrible match Galles-France de la Coupe du Monde de Rugby au Japon, il semble opportun d'éclairer la lanterne des béotiens qui ignorent tout de ce jeu, véritable philosophie de vie sauf hélas cas l’exception. Le Rugby, sport paradoxal par excellence est souvent évoqué au travers de l'antienne : « Sport de brutes pratiqué par des gentlemen ! »

Il y a bien un aspect polymorphe dans une pratique quasi rituelle qui mène un combat d'appropriation territoriale. La force, la puissance et le courage y sont les valeurs essentielles. On y devine aisément le portrait de notre brute. Pour atteindre ses objectifs, il doit faire preuve de grandes qualités morales, d'intelligence pour appréhender la complexité du jeu et d'un sens du sacrifice anachronique. Cette fois c'est le gentleman qui pointe !

De cette dualité, le quidam étranger à la confrérie de l'Ovalie ne perçoit, le plus souvent, que les excès, les dérapages ou les blessures sanguinolentes du joueur en Bleu, porteur du coq. C'est le guerrier, avec son cortège d'ecchymoses, de plaies et de bosses qui surgit de ce premier cliché. Quand le combattant sort vainqueur des mêlées houleuses, des plaquages destructeurs, quand il a surmonté sa souffrance et sa peur pour sortir vainqueur de lui-même, il entre alors dans la folie des dérives exutoires. Il se fait soudard au cœur de la taverne ou du club-house. C'est ainsi qu'il est étiqueté, montré du doigt et frappé d'indignité au cœur de la cité.

Mais la brute est pudique, il ne dira rien de l'autre versant de sa personnalité, de cette partie immergée que personne ne semble voir, tant la célébration cathartique de la joute sportive et ultra télévisée s'impose à tous.

Pourtant, au secret du vestiaire, une métamorphose s'opère. Le joueur échappe à l'individualisme dominant dans notre société pour se fondre dans un collectif d'un autre temps. Cette mue se réalise par le truchement du Discours. C'est le Verbe, la puissance des mots ou des évocations, qui transcendent celui qui va revêtir la tunique magnifique « le maillot ! », cette carapace du héros médiéval.

Cette étrange alchimie ne fonctionne pas à chaque fois. Parfois les mots ont touché l'âme collective et de l'émotion a jailli l'énergie. Le groupe uni comme un seul homme, déterminé, inflexible, va balayer son adversaire comme fétu de paille. D'autre fois, un grain de sable a grippé le mécanisme, le propos ne s'est pas fait rassembleur ; un mot de travers, une incompréhension manifeste et la chrysalide ne sortira pas du cocon. L'équipe sera décevante, empruntée et triste.

Ce mystère est difficile à comprendre pour qui ignore tout de ce laboratoire surchauffé qui sent l'embrocation et la sueur et qu'on nomme vestiaire. C'est là que s'opère la transfiguration du pratiquant ordinaire en Dieu du stade (quel que soit son niveau de pratique). C'est là aussi qu'il fera le chemin inverse, qu'il quittera le maillot souillé pour reprendre ses habits civils. Mais on ne quitte pas l'Olympe sans faire un tour par l'enfer de la troisième mi-temps.

Bien sûr, si ce détour doit se faire avec modération, il demeure indispensable pour assumer une pratique qui est, au plus profond d'elle-même, totalement schizophrène. La troisième mi-temps est donc consubstantielle à ce sport qui s'apparente davantage aux combats ancestraux qu'au charmantes agitations sportives de notre société de l'image. Sur le pré, l'homme, aussi puissant soit-il, est nu face à sa peur, ses douleurs, ses craintes. Il ne se surpasse qu'au travers d'un collectif qui, plus que dans tous les autres sports, transcende les qualités individuelles. C'est avec ses compagnons de métamorphose qu'il lèvera une belle flopée de verres pour revenir à sa modeste condition de mortel !

Mystérieusement vôtre.

Et puis une image, une seule, détruit le travail de tous les éducateurs, détournant parents et enfants de ce sport qui n'a pas besoin d'une telle publicité désastreuse. Monsieur Sébastien Vahaamahina je ne vous salue pas !

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22 réactions


  • Trelawney 23 octobre 2019 10:00

    « Sport de brutes pratiqué par des gentlemen ! »

    Gentleman peut être, mais souvent sans cerveau !


    • C'est Nabum C’est Nabum 24 octobre 2019 12:51

      @Trelawney

      Ce sport, que vous n’avez pas du pratiquer, en exige pourtant un


    • Trelawney 24 octobre 2019 17:43

      @C’est Nabum
      J’ai pratiqué la boxe jusqu’à mes 16 ans et ensuite le pancrace lorsque j’étais dans l’armé et à l’époque où c’était réserve aux initiés. Aussi des gros balourds qui se battent pour un ballon qui ressemble plus à une betterave très peu pour moi


  • juluch juluch 23 octobre 2019 11:08

    Il s’est expliqué sur son geste et aussi qu’il prends sa retraite.....

    ceci étant, le rugby fait partit de ces sports les plus équilibré mentalement sur le terrain et surtout dans les tribunes.


    • Fergus Fergus 23 octobre 2019 11:46

      Bonjour, juluch

      « le rugby fait partit de ces sports les plus équilibré mentalement sur le terrain et surtout dans les tribunes »

      Entièrement d’accord avec vous. Le respect de l’arbitre est notamment exemplaire, ce qui est rarement le cas dans le football, hélas !


    • Trelawney 23 octobre 2019 12:36

      @juluch
      Gudmoor (21 jaunes 3 rouges), Vahaamahina (6 jaunes 2 rouges). On va dire que c’est dans la culture de Clermont d’avoir des deuxièmes lignes manquant de pondération


    • eau-mission eau-pression 23 octobre 2019 12:56

      @Trelawney
      A peu près 5 mn avant l’épisode fatal, il y a un accrochage entre 2 joueurs et on voit Vahaamahina sourire. je croyais que c’était bon signe ...

      Concernant Brunel, je l’ai découvert sur le bord de la pelouse de Colomiers, dans les années 90. C’est par son talent qu’il a eu cette suite de carrière. Peut-être a-t-il concédé à l’efficacité en sélectionnant Vahaamina, assez susceptible de ce geste tellement visible.
      Un jour, dans le stade du Sélery, lors du match retour contre Narbonne (ou Béziers) il y a eu un silence quand le nom de Nonès a été diffusé par le haut-parleur comme pilier titulaire. Un voisin, supporter de Colomiers, a même proféré « c’est une honte ». En effet, au match aller, le Richard avait eu un geste coupable sur joueur à terre.
      A l’époque, Colomiers était pauvre en piliers.


    • C'est Nabum C’est Nabum 24 octobre 2019 12:51

      @juluch

      Geste responsable mais qui n’exonère pas la fédé d’une juste sanction


    • TSS 24 octobre 2019 19:10

      @Trelawney
      Gudmoor son nom est Cudmore ! et il ne joue plus à Clermont !!


  • Fergus Fergus 23 octobre 2019 11:44

    Bonjour, C’est Nabum

    L’amateur de rugby  un sport que j’ai un peu pratiqué  dit bravo pour ce texte que j’approuve totalement et que j’ai plussé avec plaisir.

    Il va notamment de soi qu’en ma qualité d’ancien éducateur de jeunes footballeurs, je reprends à mon compte une conclusion qui avait déjà été la mienne lors du coup de tête de Zidane, de même nature que le coup de coude de Vahaamahina. 


  • Aristide Aristide 23 octobre 2019 12:17

    Un rugby décrit par un connaisseur auto-proclamé qui aligne les poncifs les plus éculés, troisième mi-temps, transfiguration, sport de gentlemen, ...

    Allons, ce sport est un sport de contact, un des plus violents en dehors des sports de combat. Des règles qui ont évolué constamment dans le but de « policer » cette violence inhérente à ce sport.

    Les placages ont été largement codifiés, interdiction de prise au dessus des épaules, interdiction de charge à l’épaule, dégagement du plaqueur, ...Les regroupements font l’objet des règles les plus compliqués possibles, régles de rentrée en mêlée ordonnée, règles d’engagement sur les regroupements, ... La course contre la violence est engagée par le Board depuis des années, l’apparition du carton jaune, du coaching, ... sont là pour réguler cette violence qui s’est aussi accru par la selection de joueurs de plus en plus lourds et préparés, ...

    Le geste de Vahaamahina est inexcusable, mais allons, pas plus ni moins que les placages aux cou à pleine vitesse qui ont valu un simple carton jaune à un Gallois, les charges à l’épaule dans des regroupements des deux cotés, ou les contacts violent d’un joueur sur un autre au sol spécialité galloise, ... Qui ne se félicite d’un placage d’une violence telle qu’elle met l’adversaire sur le cul ou pire qu’elle l’envoie au tapis dans le respect des règles. La violence est là, un troisième ligne lancé sur un demi de mélée ou d’ouverture qui dégagent un ballon chaud, un pilier qui plaque un collège détendu lors de la passe, un ballon haut et deux joueurs en lutte lancés qui se percutent, ...

    Maintenant le spécialiste ligérien et l’expert bretonnant vont nous expliquer que Zidane etc, etc ... Ils oublient simplement que l’essence du rugby est pour une part dans la violence des contacts, et le paradoxe de ce sport est sa volonté de lutter contre tout en en conservant l’essence.


    • Fergus Fergus 23 octobre 2019 13:42

      Bonjour, Aristide

      « pas plus ni moins que les placages aux cou à pleine vitesse qui ont valu un simple carton jaune à un Gallois, les charges à l’épaule dans des regroupements des deux cotés, ou les contacts violent d’un joueur sur un autre au sol spécialité galloise »

      Vous décrivez là des gestes commis dans le feu de l’action. Celui de Vahaaahina l’a été alors que ladite action était arrêtée ! Ce n’est donc pas comparable, même si certains placages hauts méritent un caron rouge (il y en a d’ailleurs eu pour ce motif dans cette Coupe du Monde).

      Je ne me présente pas en « expert » mais en simple amateur de rugby. Et si je donne des avis sur ce sport  ce qui m’arrive très rarement  je le fais de manière nettement moins péremptoire que vous.

      Cela dit, je suis d’accord avec vous pour dire que la rudesse des contacts est inhérente à ce sport, et qu’il dérive de plus en plus vers la violence du fait des masses engagées et de la vitesse des acteurs dont le profil n’a plus grand chose à voir avec le rugby de naguère.

      Trop souvent, les contacts délibérés ont remplacé l’évitement, et c’est là, à mon avis, que se situe le point de critique majeur du jeu moderne. Continuer dans cette voie peut se révéler mortifère pour le rugby. Word Rugby a déjà commencé à agir en modifiant, comme vous l’avez souligné, les règles de placage. Sans doute faudra-t-il aller plus loin pour éviter que les commotions ne deviennent toujours plus nombreuses, et potentiellement toujours plus dangereuses !


    • Aristide Aristide 23 octobre 2019 19:50

      @Fergus

      Si je me permet de répondre d’une manière péremptoire comme vous dites, c’est simplement parce que je connais ce jeu pour l’avoir pratiqué à un relatif haut niveau en fédéral et en universitaire national.

      Je sais que vous le connaissez suffisamment pour savoir ce qui est péremptoire ou non, pour ma part je ne me hasarde pas en terrain inconnu, surtout pour balancer des poncifs de troquet.

      Le rugby a évolué comme tous les sports professionnalisés, la technique n’est plus suffisante et même si le niveau technique a largement augmenté, les capacités physiques jouent de plus en plus. Si’il existe des exceptions en basket et au foot et même au rugby ces sports sont des jeux où les rôles à chacun des postes sont très définis et différenciés, et à chacun de ces postes les capacités physiques prennent plus de place. 

      Sur la faute, l’action n’est pas du tout arrêtée comme vous le dites, c’est une mêlée ouverte et un joueur gallois est positionné dans le camp français en empêchant l’organisation du ruck, sous les yeux d’un arbitre impassible mais pas pour tout .... Vous devriez plus évaluer la dangerosité du même gallois qui découpe Ficoud et prend seulement un jaune ...Ce n’excuse en rien le coup de coude, mais la différence de sanction est ...incompréhensible.


    • Kapimo Kapimo 23 octobre 2019 20:12

      @Aristide

      ce sport est un sport de contact, un des plus violents en dehors des sports de combat.


      Moi, il me semblait que le rugby était un sport de combat, même s’il s’agit de combat collectif avec un ballon ?

    • Aristide Aristide 24 octobre 2019 12:52

      @Kapimo

      Non, vous confondez ! Un sport de combat a pour but de « détruire » ou « tuer » virtuellement l’adversaire, dans cette catégorie vous trouvez la boxe et tous ces dérivés jusqu’au sport de combat complet MMA, les arts martiaux japonais dont les plus connus sont le judo et le karaté, les luttes dont celles dites libres ou greco-romaines, il en existe d’autre plus confidentiels.

      Le rugby est un sport de contact dont le but essentiel est la conquête du ballon, et la prise de possession du territoire de l’adversaire concrétisé par l’essai consistant à poser la preuve de possession dans le camp adverse le plus reculé nommé en-but.

      Pour le connaisseur on remarquera l’inversion de la valeur de l’essai et des coups de pieds.

      A l’origine l’essai consistait à mettre le tireur dans la meilleure position possible pour réaliser le coup de pied de transformation. Le mot veut bien dire ce qu’il dit, un essai est transformé en victoire par ce coup de pied.

      Pour les anciens, cette inversion s’est concrétisé par le nombre de points qui est passé de 3 à 4 puis à 5. Cette valorisation de l’essai a changé l’esprit de ce sport, il s’agit maintenant d’aller à l’essai à tous prix, les bonus et les malus ont encore aggravé cette situation. Les drops sont de plus en plus rare, il en faut trois pour dépasser les points d’un essai transformé, et deux pour un essai non transformé.

      La raison évoquée d’un jeu plus ouvert est battue en brèche par les faits, tous les joueurs prennent du poids au détriment de la vélocité et de l’agilité, et de nombreux anciens regrettent toutes ces ouvertures qui allaient jusqu’aux ailes. Depuis, l’ouverture consiste souvent à fermer le jeu par des coups de pieds dites « tactiques » de type « up and under » qui donne avantage aux défenseurs.

      Est-ce que le « board » comprendra qu’il fait fausse route en transformant le rugby en confrontations répétées d’avants au détriment du jeu de passe. 


    • C'est Nabum C’est Nabum 24 octobre 2019 12:52

      @Aristide

      Nullement auto déclamé


  • Buzzcocks 23 octobre 2019 15:58

    Ca me fait penser à mon prof d’anglais qui était Gallois, le mec cherchait à monter une équipe de rugby universitaire à Nancy, région où le rugby est culturellement inexistant ou presque.

    Le type avait 3 dents, les oreilles dans un état étrange et le mec nous lance avec son accent « qui veut faire du rugby pour avoir l’oreille arrachée, et ma dentition ? » (humour anglais assez spécial).

    Il n’a pas réussi à convaincre grand monde :)


  • TSS 23 octobre 2019 19:07

    Le rugby français ira beaucoup mieux quand satanas(Laporte) et

    diabolo(Simon) auront été ejecté. Il faudra aussi s’occuper de verifier les potions

    que prennent les joueurs ,le 1/3 des joueurs sud af, vainqueurs de la coupe du

    monde en 1987 sont dcd de la même maladie(maladie de charcot)

     


  • TSS 24 octobre 2019 09:40

    Aux dernières nouvelles le gallois lui aurait mis un doigt dans le luc

    ce qui aurait fait degoupiller le 2ème ligne... !!


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