L’incroyable cynisme de Tsonga
Jo-Wilfried Tsonga n’est pas content des organisateurs du Tournoi de Roland-Garros et il l’a fait savoir à la presse lors de la conférence qui a suivi son 2e tour victorieux contre Josselin Ouanna. Ce faisant, l’ex-Manceau a fait preuve d’un rare cynisme...
Extrait de la conférence : « J’avais demandé à ne pas jouer dimanche, car j’avais fait ma préparation de façon à arriver lundi ou mardi en grosse forme. Je suis déçu. J’attendais un peu mieux de l’organisation. Si j’avais perdu dimanche parce que je n’étais pas bien, ça en aurait déçu plus d’un et ça aurait été un peu bête… À Wimbledon, on demande à Murray le jour et l’heure à laquelle il veut jouer, on ne lui impose pas. Pour Federer, dans son pays, c’est la même chose. Aux États-Unis, c’est la même chose pour leurs meilleurs joueurs. Lleyton (Hewitt) joue toujours sous le cagnard à l’Australian parce qu’il aime ça et pas les autres… On est en France, je suis N°1 français, j’aurais trouvé légitime qu’on m’écoute un peu, qu’on me laisse choisir quand commencer »
Ainsi, ce sont les joueurs vedettes et pas les organisateurs qui élaborent le tableau de participation en prenant soin de favoriser leurs nationaux. Rien de nouveau dans cette affirmation – qui vaut pour la plupart des grands sports professionnels – si ce n’est qu’il est peu fréquent qu’un joueur expose aussi directement, et sans la moindre pudeur, la manière dont est cuisinée la ratatouille à l’office.
Sans pudeur mais avec une mauvaise foi rare car ce même Tsonga, engagé le mardi au lieu du dimanche, et battu par son adversaire du 2e tour, se serait alors tourné vers ces mêmes organisateurs pour leur reprocher de n’avoir pu bénéficier d’un délai de récupération suffisant alors qu’untel à l’US Open ou tel autre à l’Open d’Australie disposent systématiquement de 48 heures de repos entre deux tours lors de la première semaine !
Le plus irritant dans les propos de Tsonga n’est toutefois pas là, mais dans sa nationalité brandie comme un étendard pour justifier un traitement de faveur à Roland-Garros. Qu’on se le dise : Tsonga est français et doit, à ce titre, pouvoir bénéficier de petits arrangements de confort de nature à favoriser son parcours vers le Graal sportif et le juteux chèque qui accompagne le trophée : 1,120 million d’euros !
Français, Tsonga ? Vraiment ? Oui, s’il est solidaire de nos concitoyens en grande détresse, réduits à recevoir des aides de l’État ou des collectivités pour simplement subsister et offrir un toit à leurs enfants. Oui, s’il participe à la construction et à l’entretien des infrastructures de transport, des lycées et collèges, des hôpitaux et des maternités, des équipements culturels et sportifs. Oui, s’il contribue à l’existence des corps indispensables au fonctionnement de la nation, à sa sécurité et à l’avenir de ses enfants : enseignants, personnel hospitalier, militaires, policiers, pompiers.
Non, s’il n’a pas renoncé à son statut d’exilé fiscal. Ce statut qu’il a choisi tout jeune, à peine entré sur le circuit professionnel alors que ses prédécesseurs en égoïsme avaient au moins eu la décence d’attendre deux ou trois ans avant de sauter le pas et de franchir la frontière suisse pour faire un bras d’honneur aux institutions françaises. Aux institutions, mais surtout à la solidarité avec tous ceux, modestes ou précaires, qui n’auront jamais les moyens – ni, par sens civique, l’envie pour la plupart – de soustraire le moindre centime à l’administration fiscale. Un bras d’honneur à tous ceux qui peuvent, à juste titre, percevoir cette attitude comme une gifle méprisante, une insupportable insulte à leur condition.
Tsonga doit pourtant beaucoup à son pays, depuis son arrivée à 13 ans au Pôle espoirs de Poitiers jusqu’à son intégration en 2002 au Centre national d’entraînement de Roland-Garros après trois années passées à l’INSEP. Des structures publiques gérées avec des deniers publics où le jeune sportif a pu bénéficier d’entraîneurs, de soigneurs et de médecins rémunérés eux aussi sur des fonds publics.