mardi 9 octobre 2007 - par Yannick Harrel

Plaidoyer jusqu’au bout de la lame

Ils ont gravi les marches de la gloire et ont vaincu leurs plus redoutables adversaires en se sortant les tripes. Encore un article sur nos fiers-à-bras ayant surmonté la montagne néo-zélandaise ? Que nenni ! Il s’agit de la récente victoire de nos escrimeurs passée pratiquement inaperçue pour cause de Coupe du monde de rugby.

L’engouement suscité en notre contrée par l’épreuve la plus cotée dans le monde de l’ovalie fut tel qu’il éclipsa une autre performance sportive pourtant tout aussi méritoire. Il est vrai que celle-ci se déroula sur les berges passablement fraîches de la Neva, à Saint-Pétersbourg (Russie). Mais même à des milliers de kilomètres de la mère patrie, nos escrimeurs nous ont prouvé que leurs lames étaient loin d’être rouillées et scintillaient au contraire de forts agréables reflets d’or et d’argent.

Ceux-ci ont en effet atteint l’empyrée de la discipline en portant haut les couleurs de la France et de son excellence en la matière. Il ne faudrait pas cependant croire que tout allait de soi et que le fait d’être la patrie des trois mousquetaires donnerait forcément lieu à un avantage quelconque à nos escrimeurs. La Russie, l’Italie, l’Ukraine, l’Allemagne ou encore la Chine étant de redoutables compétiteurs qui, en plus de ne pas rougir de leur maîtrise de ce sport de combat, repartent rarement bredouilles de tels tournois.

Il est simplement regrettable que ce sport qui fut même vanté au sein d’un traité (hélas perdu) par l’un de nos philosophes les plus célèbres, à savoir René Descartes, n’attire guère l’attention du vulgum pecus en dépit de remarquables exploits [1].

Des noms tels que Touya, Boisse, Anstett, Descouts, Le Péchoux ne sont guère familiers sur les petits écrans, tout au plus celui de Flessel-Colovic semble vaguement opérer une réminiscence à quelques télésportifs. Pourtant, ces femmes et ces hommes ont un palmarès plus que digne d’éloges, et assurent dans les épreuves internationales une prédominance française ne se démentant pas depuis trois années consécutives. Une régularité qui est la preuve d’une génération talentueuse ayant fait oublier la déception de La Havane en 2003 [2].

En outre, du fait de leur réussite collective et par le truchement d’un classement officiel établi par la FIE (Fédération internationale d’escrime), nos tireurs ont assuré à la France une représentation olympique dans cette discipline pour 2008 [3].

Si la cause de ce dédain médiatique ne peut être imputable aux nombreux succès de nos athlètes, alors l’on pourrait avancer qu’il devrait théoriquement provenir d’un manque de spectacle susceptible d’intéresser le spectateur moyen amateur de retransmissions sportives...

Et pourtant ! Passé le léger effort de compréhension des règles spécifiques à chaque arme, le spectateur est à même de découvrir un univers où s’entremêlent maîtrise psychologique, effort physique et tactique de combat. Les engagements (assauts) sont brefs, mais toujours intenses avec mention spéciale pour l’épée puisque la surface de contact pour marquer le point équivaut à l’ensemble du corps de l’escrimeur, ce qui offre de belles passes d’arme.

Qui plus est, cette édition 2007 aura permis d’expérimenter de nouvelles règles dont l’arbitrage vidéo devenant obligatoire pour le fleuret et le sabre (et facultatif pour l’épée) : preuve que les instances internationales ne sont pas arc-boutés sur des conceptions anachroniques de ce sport.

Néanmoins, et comme vous l’avez fort bien compris, je suis sevré de retransmissions de ce sport et ça me navre particulièrement au vu de sa potentialité médiatique. Et j’aimerais particulièrement ne pas attendre à chaque fois quatre ans et les jeux Olympiques pour pouvoir me délecter des prouesses de nos valeureux sportifs.

A bon entendeur...

[1] Comment ne pas se souvenir, entre autres, de ce formidable moment de bravoure du sabreur Damien Touya lors des derniers jeux Olympiques à Athènes où, malgré une main transpercée et une douleur aisément perceptible à travers son faciès grimaçant, l’athlète tint à aller jusqu’au bout du combat pour porter son équipe jusqu’à la médaille d’or ?

[2] Les championnats du monde ne se déroulent pas lors des années olympiques, sauf pour les épreuves n’étant pas inscrites aux Jeux.

[3] Explication de ces règles sur le site officiel des JO de Pékin 2008.



2 réactions


  • Emile Mourey Emile Mourey 9 octobre 2007 11:15

    @ l’auteur

    Excellent article.

    Sans vouloir retirer à nos rugbymen la gloire qui leur est due , regrettons que les médias, notamment télévisés, n’aient pas donné davantage de retentissement aux exploits de nos escrimeurs. Ayant pratiqué les deux disciplines - quart de finale du championnat de France militaire au poste de deuxième ligne et modeste champion de mon département de l’Ain au sabre - l’escrime m’a apporté la souplesse des articulations, gage de bonne santé, et le rugby le courage dans l’affrontement.

    Honneur donc à ces deux disciplines et aux valeurs morales qui les accompagnent !

    E. Mourey


    • Yannick Harrel Yannick Harrel 9 octobre 2007 17:10

      @ Emile Mourey

      Bonjour,

      Je salue à la fois votre parcours dans ces deux acctivités et votre juste vision quant aux bénéfices de la complémentarité que l’on puisse en retirer. Comme je le mentionnais récemment sur le site de Maître Eolas : vibrer aux exploits de nos Bleus ne m’empêche aucunement de le faire aussi pour nos « All Whites ». L’amour d’un sport n’est, fort heureusement, aucunement exclusif d’un autre et l’on a toujours beaucoup à apprendre en chaque discipline que l’on pratique.

      Et si vous me permettez de vous plagier pour la bonne cause : Honneur donc à ces deux disciplines et aux valeurs morales qui les accompagnent !

      Cordialement


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