jeudi 3 octobre 2013 - par salambo

Au bord du volcan en activité, véritable antre de Vulcain

Dernier récit de la série Voyage au bout de la Terre, une aventure en pays Afar là où la vie n'a pas changé depuis des millénaires et où les hommes vivent toujours selon leurs rudes traditions. Ce voyage se conclut par l'ascension du Mont Erta Ale, un des rares volcans en activité permanente que l'on puisse approcher de très près. Un dépaysement complet et des émotions très fortes.

Nous passâmes la journée suivante à faire la route jusqu'au pied du volcan Erta Ale, situé en plein milieu du désert, tout près de la frontière érythréenne. Sept heures de route sur des pistes de sable, avec juste un arrêt bref dans le village de Kasawat pour déjeuner et surtout payer notre droit d'entrée dans cette zone de la région Afar. Une fois de plus, le chef de ce village nous fit l'honneur de venir nous saluer alors que nous étions en train de déjeuner dans une de ses tentes. Kasawat est le dernier regroupement humain avant d'arriver au volcan. Le paiement du droit d'entrée est une façon de se garantir la sécurité pendant l'ascension d'Erta Ale et d'éviter toute attaque éventuelle. Les Afar étant très liés entre eux, un faux-pas sur leur territoire et le voyage tourne mal, alors il faut toujours respecter leurs règles, payer les droits requis et accepter les guides proposés. Le chef du village de Kasawat en profita pour nous allouer un jeune guide Afar aux incisives taillées en pointe (c'est une de leurs traditions) pour nous accompagner jusqu'au sommet du volcan. En chemin, nous nous arretâmes un instant au puit du village situé à dix kilomètres de ce dernier, où tous les jours les femmes vont chercher de l'eau et la ramènent en portant sur leur tête des bidons de plus de dix litres. Chercher l'eau fait partie des tâches attribuées aux femmes qui restent au village, les hommes, eux, en bons pasteurs se déplacent en fonction des besoins de leurs animaux. Après ce petit interlude, nous continuâmes notre trajet jusqu'au pied de l'Erta Ale, où nous dûmes attendre la tombée de la nuit pour monter au cratère. Une fois de plus nous eûmes à passer quelques lentes heures dans la chaleur et la précarité de l'endroit, où rien ne pouvait nous préparer au spectacle qui nous attendait au sommet.

Dès que le soleil eut disparu à l'horizon, nous nous préparâmes pour la montée vers le cratère. Pour éviter l'ascension en pleine chaleur, il faut monter de nuit, bivouaquer au bord du cratère et redescendre le lendemain matin. Notre guide loua sur place un chameau pour transporter nos affaires, ainsi que la nourriture, l'eau et les matelas de camping nécessaires une fois en-haut. La montée au crépuscule fait partie de l'aventure et est, elle aussi, chargée d'émotions qui ne font qu'aller crescendo. Eclairé par la faible lumière d'une torche d'appoint, notre guide Afar se positionna en éclaireur pour nous indiquer le chemin à prendre, un chemin rocailleux et sinueux. Nous ne le savions pas encore mais nous marchions sur de la lave durcie. A une ou deux reprises, nous dépassâmes des chameaux appartenant à d'autres groupes pressés d'arriver au sommet. L'ascension nous parut relativement aisée sauf pour notre amie Isabelle qui accusait la fatigue et commençait à nous demander où était ce "fucking volcano".

Alors que nous nous approchâmes du sommet, j'eus un moment d'émotion forte en distinguant soudain une lueur rougeoyante irradiant à travers un nuage de fumée. C'était le volcan Erta Ale qui commençait à se profiler à l'horizon. Un virage après, il avait disparu à nouveau, cependant je compris que nous étions très proche en apercevant des abris de pierre circulaires de type Afar où j'avais lu que nous devions passer la nuit. Ils étaient gardés par un groupe de soldats de l'Armée éthiopienne postés là-haut en permanence depuis l'attaque terroriste fatale contre des touristes en janvier 2012. Nous étions sur le point de continuer à marcher sur notre route lorsque notre guide nous fit bifurquer et descendre un chemin à pic. Surprise, je perdis tout sens de l'orientation l'espace d'un instant, ne sachant plus où j'allais ni où j'étais. En guise de reconnaissance, j' éclairai tout autour de moi et je compris alors que nous étions en train de traverser un ancien cratère éteint pour arriver au cratère en activité. Cette aventure était surréaliste, j'avais la sensation de vivre une scène de film inspirée d'un livre de Jules Verne. Rares sont de tels moments. Quelques minutes plus tard, nous atteignîmes le cratère actif : point culminant de notre voyage dans le Danakil. Jamais je n'avais imaginé que je pourrais être un jour aussi proche d'un volcan en activité.

Nous restâmes des heures assises au bord du cratère à observer la lave en mouvement. On aurait dit une soupe gigantesque en pleine ébulition, avec de temps en temps des éclats de feu spectaculaires. Je compris alors toutes les métaphores que l'on retrouvait dans les anciens textes mythologiques où les dieux avaient le pouvoir de contrôler les éléments qui effrayaient tant les hommes. Vulcain, le dieu du feu, déclenchant des éruptions par la force de ses colères. Je m'imaginais l'Enfer décrit par Dante, comme une chute dans ce précipice ardent où les mauvaises âmes pouvaient disparaitre à jamais sans laisser aucune trace. J'étais fascinée, mais aussi étrange que cela puisse paraitre au bord d'un volcan, c'est le froid, notamment un vent glacial, qui nous poussa à retourner au camp de l'autre côté de l'ancien cratère. Arrivées là-bas, notre guide nous annonça que le chameau qui portait nos affaires s'était arrêté à mi-chemin et têtu, avait refusé de poursuivre sa montée. Nous dûmes envoyer un autre chameau pour récupérer nos sacs et tremblantes de froid dans nos vêtements légers, nous attendîmes patiemment son retour. Une heure après, nous pûmes diner et installer notre camp pour la nuit.

Le lendemain matin au levé du jour, je m'aperçus que nous surplombions le vieux cratère et que nous avions dormi à quelques mètres à peine du bord ; une promenade nocture en pleine obscurité aurait pu être fatale. Sans prendre la peine de déjeuner, nous retournâmes au cratère actif pour le voir de jour cette fois. En route, j'eus la mauvaise surprise de remarquer les amats d'ordures et de déchets laissés par les touristes autour du camp : des bouteilles en plastique, des boites de conserve vide, du papier hygiénique, etc...accumulés là comme si notre planète n'était qu'une vaste poubelle à la disposition de tous. Cette fois nous étions seules, les autres visiteurs étaient déjà redescendus. Le spectacle était à nouveau différent : le tour du cratère se distinguait bien mieux, la lave en mouvement formait des fissures de feu mais ses éclats étaient moins enchanteurs à la lumière du jour. Nous aperçûmes cependant un troisième cratère, dormant celui-ci, dans lequel la lave durcie avait formé une cheminée d'où émanait encore du gaz. Un paysage dénué de vie, un paysage organique, lunaire, une planète méconnue, un autre monde. Les yeux imprimés d'images nouvelles, le coeur chargé d'émotions, nous reprîmes notre chemin pour retourner au pays des hommes.



5 réactions


  • jako jako 3 octobre 2013 12:25

    Passionant merci à vous


  • cedricx cedricx 3 octobre 2013 12:27

    Dépaysement garanti comme d’hab. Il faut quand meme un minimum de courage pour entreprendre ces voyages, non ? Très belles photos.


  • Richard Schneider Richard Schneider 6 octobre 2013 20:09

    Enfin un article qui change un peu l’atmosphère de ce site ! Pas d’invectives, pas de jeux de mots limites ! Bref, un peu d’air frais (sic).

    Beau texte, belles photos : de quoi passionner les lecteurs, amoureux de véritables aventures.
    Bravo à l’auteur.

    • salambo salambo 7 octobre 2013 07:14

      Merci à vous...ça fait toujours plaisir de lire ce genre de commentaire et ça m’encourage à continuer !


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