samedi 16 mars - par C’est Nabum

C’est le renard qui se marie

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Je fais l'idiome…

 

Juste devant les portes de l'enfer, à deux pas de la rue du dragon qui serpente au bord de la forteresse je ne pouvais qu'avoir les oreilles aux aguets, espérant que le « Libecciu » me souffle de belles histoires. C'est de la terre pourtant que vint la surprise quand un Corse fier de sa culture, comme seuls peuvent l'être les insulaires, me glissa malicieusement :

« Aujourd'hui, c'est le renard qui se marie ! Le « Punente » est invité à ses noces ».

L'apostrophe eut mérité quelques explications qui se perdirent peut-être dans le fracas des vagues à moins que ce ne fut les bruits des travaux d'embellissement du vieux port de Bastia. L'homme du reste fila en coup de vent, disparaissant derrière la rose des vents qui met en avant leurs noms vernaculaires : Levante – Grecale – Traumuntana - Sirocco - Libecciu – Punente - Maestrale. Je restai sur ma curiosité idiomatique sans comprendre le sens de ce magnifique aphorisme…

Il n'est cependant guère envisageable qu'un bonimenteur se satisfasse ainsi de son ignorance. Il y avait sans nul doute de quoi élucider la formule pour peu que je puise des indices dans tout ce qui m'entoure en cet endroit magnifique. Je mouillais mon petit doigt pour m'apercevoir que le vent soufflait de l'ouest et qu'ici il n'était pas Galerne mais plus sûrement Punente. Il ne fallait pas être clerc pour percevoir le Ponant dans ce souffle humide.

Mais pourquoi diantre le Renard montrait-il le bout de sa queue par ce jour de pluie. Lui fallait-il précisément que ce soit la fête à la grenouille pour qu'il trouve femelle à son goût ? Le rusé canidé a certes plus d'un tour dans son sac mais de là à s'unir à un batracien, l'hypothèse ne tient pas la route.

La mer se couvrait de moutons. Nul berger de ce côté-là ne viendrait se plaindre de la présence d'un goupil. Je ne percevais en rien ce qu'avait voulu me dire celui qui avait disparu dans les escaliers étroits de la citadelle. Il me fallait me rendre à l'évidence, le mystère resterait insondable pour ce continental prétentieux qui s'imaginait pouvoir décrypter la formule.

Le temps passa et curieusement la pluie s'invita durant mon séjour. Le touriste marcheur n'était certes pas à la noce tandis que rares étaient les renards qui pointaient le bout de leur nez. Dans une Île aussi montagneuse, changer de façade maritime permet d'espérer trouver météo plus clémente. C'est ainsi que j'allais vers l'Île Rousse.

Le ciel était gris puisqu'il avait décidé le bougre de me présenter cette physionomie durant tout mon séjour. Malgré tout, un rayon de soleil tardait sur les rochers, les parant de cette couleur rousse qui ont prévalu à son patronyme. Je restai admiratif devant la beauté de ce qui s'offrait à moi tandis que quelques gouttes venaient se mêler aux rares rayons de l'astre solaire. Nul arc en ciel pour magnifier le spectacle, la vision était assez magnifique.

C'est alors que me revint en pensée l'énigmatique expression. Le renard et sa robe rousse plus belle encore quand soleil et pluie se mêlent intimement, surtout en cet endroit. J'avais certainement la clef du mystère. Le renard se marie ici quand le ciel offre ce mélange délicat. Il me fallait en avoir le cœur net, aussi j'apostrophais à mon tour un autochtone bon teint :

« Peut-on dire mon ami, que c'est aujourd'hui que le renard se marie ? »

 

Imaginez le regard que me lança ce personnage qui se sentit forcément agressé par une question aussi stupide venant d'un continental en vadrouille. Le ton allait monter quand fort heureusement, un quidam se mêla à la conversation. Étonnement, je crus reconnaître celui qui m'avait plongé dans un océan de perplexité…

Il me tapa sur l'épaule et de son merveilleux accent rocailleux, me félicita de ma perspicacité. « Je me doutais bien, me dit-il, qu'un souffleur de vent ne pouvait que parvenir à élucider ce que je lui avais mis en tête. Ici quand le renard se marie, la pluie et le soleil se mettent en ménage. Je vous souhaite un bon séjour sur notre terre de mystères. »

Tableaux de

Léon-Charles CANNICCIONI

 



4 réactions


  • juluch juluch 16 mars 22:04

    Le spectacle devait en valoir le détour....les choses simples de la natures sont les plus belles.


  • AmonBra AmonBra 18 mars 09:25

    Ah la Corse et, surtout, les corses !

    Très intéressante expression corse sur la période des giboulées de mars, ou mois des fadas comme on dit en Provence et qui se trouve être, sans surprise de ma part, l’écho d’une expression nord africaine, notamment dans l’Est algérien et la Tunisie, où il est question des noces du loup !

    La variante goupil des corses est peut être due au fait qu’il n’y a jamais eu historiquement des loups en Corse ?

    En tous cas l’origine de ladite expression, ainsi que le caractère fier et ombrageux des fils de la « bella Corsica », que l’auteur a failli affronter, me semblent plus nord-africain, voire algérien que mystérieux. . .


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