SUARD Michel 21 juillet 2012 08:42

Il est difficile de répondre à une lettre anonyme. Il est aussi difficile de ne pas répondre quand on est mis en cause nominativement avec des citations, exactes, mais tronquées.

 

Je m’appelle Michel SUARD, l’un des « charlatans », « mabouls de la psychologie », désignés dans votre article. En fait, je suis psychologue, thérapeute familial, avec 50 années d’exercice, président de l’ATFS, association de thérapie familiale systémique à Caen, et j’interviens particulièrement dans les situations de violence intrafamiliale, en portant autant d’intérêt aux victimes qu’aux auteurs et à l’ensemble de la famille.

 

Je connais Roland Coutanceau, Jacques Lecomte, j’ai même lu tous leurs livres. Je connais aussi l’équipe d’Arsinoé, Latifa Bennari, fondatrice de l’Ange bleu (savez-vous que c’est une ancienne victime d’un pédophile ? Avez-vous lu son livre ?). Mais je ne suis pas au courant de l’existence d’un « lobby ». Je tiens trop à mon indépendance !

Il y aurait donc un lobby qui ferait pression pour qu’on dénigre les victimes, face à une opinion commune qui s’acharnerait contre les « tarés ». Puisque vous êtes l’opinion courante, Agora Vox, la voix du peuple, permettez que je vous nomme M. « On », le « on » défini dans les mots croisés comme celui qui sait beaucoup de choses muais qui reste invisible.

 

M. « On », vous déformez gravement les propos de toutes les personnes que vous attaquez dans votre pamphlet. Je ne vous invite pas à lire ce que j’ai écrit. Vous avez lu et sélectionné ce qui vous arrangeait pour votre démonstration. C’est de bonne guerre, s’il s’agit d’une guerre, mais certainement pas s’il devait s’agir d’un débat. Il n’y aura donc pas de débat. J’invite seulement vos lecteurs à aller sur le blog www.atfs.fr pour y trouver la totalité de ce que j’ai écrit et dit lors de conférences. Toutes mes réponses sont dans ces textes.

 

Je n’insisterai que sur une chose : C’est un conseiller d’insertion et de probation qui, après un stage en Belgique, m’a fait découvrir que le travail que je faisais en prison pouvait s’appeler « justice restauratrice » : J’ai accompagné des entretiens entre auteur et victime d’inceste, toujours à la demande de la victime, non pas pour qu’elle ou il pardonne, non pas pour qu’elle ou il excuse, mais pour qu’elle ou il dise sa colère, son sentiment d’injustice, son incompréhension, son amour aussi parfois, et pour que l’auteur puisse d’abord reconnaître la réalité des abus, reconnaître le dommage causé non seulement à la victime mais à toute la famille, exprimer ses regrets, parfois mais rarement ses explications, car il n’y en n’a pas toujours de satisfaisantes. Ces entretiens se sont toujours révélés « réparateurs », pour la victime d’abord, et aussi pour l’auteur. Le pardon n’est jamais « poussé » comme l’indique le titre de votre article, jamais forcé ou obligé, ni même nécessaire. Mais l’expérience prouve que les victimes qui décident librement de donner leur pardon se sentent encore plus libérés après.

 

J’ai dit et écrit à plusieurs reprises que mon expérience n’était sans doute pas généralisable à tous les cas d’inceste (que je distingue par ailleurs de la pédophilie), mais que cette expérience prouve seulement qu’elle est possible lorsque la victime le demande , qu’elle en ressent le besoin, et que le coupable condamné est prêt à rencontrer sa victime. Cela peut vous rassurer de considérer que les auteurs de crimes sexuels sont tous des pervers ou des tarés. Il y en a. mais ceux-là ne sont jamais venus me voir. Et après 50 ans de métier, je sais faire la différence entre la comédie et le drame. Il y a bien sûr des pervers en prison, mais je pense qu’ils sont plus nombreux à être passés au travers des mailles de la justice. Beaucoup plus sont dehors, comme vous et moi !

 

Enfin, je ne me sens pas très efficace comme lobbyiste. J’ai mené des entretiens en prison pendant 12 ans. Je n’ai formé personne pour prendre ma suite. Cette activité n’existe donc plus dans les deux établissements pénitentiaires où j’ai exercé. Et l’interdiction de contact entre auteurs d’agressions sexuelles et leurs victimes, décidée par une loi de mars 2010 vient vous donner raison, et ne peut que vous satisfaire.

 

Alors, pourquoi tant de haine et de mépris envers des personnes qui ne sont que des professionnels et des chercheurs, des humanistes,  désireux d’accorder le même intérêt, la même attention, la même empathie, à des coupables qu’à des victimes, qui ne sont, tous, que des êtres humains qui souffrent ?

 

Sachez, M. « On », que le remerciement des personnes qui ont été victimes – et qui ne veulent plus qu’on les appelle victimes – me satisfait évidemment plus que vos propos fort peu amènes et qui ne peuvent avoir pour effet qu’entretenir la haine et la peur, ce qui ne me paraît pas êtren le meilleur moyen de venir en aide aux victimes.

 

Michel Suard


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