Corinne Colas Corinne Colas 11 octobre 2012 19:27

« instruction publique = lire-écrire-compter 
éducation nationale = déposséder les parents de leur devoir/pouvoir d’éducation » ...


Selon la formule de Barty de Fourtou en 1881 : l’enfant (..) « arraché au père pour le donner à la République ».... hier, c’était en partie pour créer (doux rêve ou cauchemar) un citoyen modèle

Aujourd’hui, c’est pour façonner un travailleur modèle. Pour ne pas paraître ringard, il est bon cependant de ne pas opposer « compétences » à « connaissances », « école » à « entreprise », « évaluation » à « enseignement »... Des profs assurément très modernes sont convaincus que tout cela est complémentaire, les plus extrémistes pensent d’ailleurs que c’est exactement la même chose. Beaucoup de parents angoissés les précèdent sur cette pente dangereuse car « il faut bien faire face à un environnement hyper concurrentiel, n’est-ce pas ! »... une phrase souvent entendue de la bouche même de ceux qui dénoncent par ailleurs cet état de fait.

Le livret scolaire et le livret personnel de compétences, sont à distinguer pourtant. 

Le LPC, c’est le retour du livret ouvrier par la grande porte, celle de l’école....
une nouvelle manière de se vendre qui dans le futur accompagnera la lettre de motivation et le curriculum vitae. 

Loi du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation tout au long de la vie : 
« Lorsque l’élève entre dans la vie active, il peut, s’il le souhaite, intégrer les éléments du livret de compétences au passeport orientation et formation prévu à l’article L. 6315-2 du code du Travail. »

Personne ne sera obligé bien sûr mais qui pourra se permettre de dire non quand tous les petits moutons bêlants seront fiers d’apporter les preuves de leurs « compétences » lors d’un entretien d’embauche. Exit celui qui réclamera le droit à l’oubli parce qu’il n’a pas su faire ses lacets à 5 ans, exit celui qui sera déclaré « antisocial » parce que lorsqu’il était au primaire ou au lycée... il n’a pas fait partie d’une asso de quartier vendant des biscuits au profit des vieux et des malades. 

Pour le moment, on s’en moque un peu (« quelles sornettes ») tant ce fatras nous paraît ridicule toutefois la démarche s’inscrit dans un cadre juridique (de coercition comme dirait Non666) qui déroule la formation (et non l’instruction) tout au long de la vie. Le livret scolaire, c’est à l’usage de l’école et de l’élève, le livret personnel de compétences, c’est à l’usage de l’Etat et de l’employeur, et sans droit à l’oubli. 

Concernant le cadre juridique, lire :

où l’explication de la maîtrise d’une compétence, vaut son pesant d’or... « bad robot » répondra le geek !!



Conclusion
Le livret de compétences, c’est un problème en deux volets. Le premier a été traité par Mara Goyet ds Le Monde et l’alarme a été reprise ici par Dany-Jacques Mercier. Extrait crucial : « l’inanité des items du livret de compétence (par exemple : « gestes quotidiens sans risquer de se faire mal ») et sur la dérive conséquente que toutes les innovations pédagogiques stériles font peser sur le travail du professeur quand celui-ci est tenu de renseigner et de noter à tout bout de champ dans une frénésie pathétique ». 

Je reviens donc sur une révolution et une alarme plus grave, c’est à dire le deuxième volet traité ailleurs : 

« Le fichage des compétences des citoyens tout au long de la vie, une réalité » de Mireille Charpy. (http://www.meirieu.com/FORUM/charpy_competences.pdf)

Extrait crucial : « traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé 
 » livret personnel de compétences«  » : 

ces renseignements extrêmement sensibles, mais que l’Etat ne considère pas comme tels,  doivent être inscrits pour tous les jeunes dans des bases de données nominatives centralisées (..) qui comportent l’identité de l’élève, son numéro matricule, les établissements fréquentés, les options, les noms des enseignants, 7 compétences déclinées en 98 sous-compétences au collège avec leurs date de validation et le nom des enseignants, des attestations.
Au niveau primaire, sont évaluées 3 compétences déclinées en 46 sous-compétences au cycle 2 et 7 compétences déclinées en 98 sous-compétences au cycle 3

Ces « renseignements » font donc apparaître les connaissances, capacités et attitudes et par voie de conséquences les incompétences, incapacités, problèmes de comportements, difficultés, handicaps… »

et surtout :

« Le traçage dès la petite enfance

A l’heure où l’école doit enseigner au jeune la protection de ses données 
personnelles sur internet, 
elle est contrainte de lui apprendre à fournir un maximum de 
renseignements sur lui-même pour les inscrire dans un fichier, via internet, dont il n’a pas la 
maîtrise. Les méthodes employées par l’administration, refus de débat, menaces, sanctions envers 
les personnels qui dénoncent ce fichage ne font que renforcer le malaise. 
Les fichiers scolaires nominatifs informatisés et centralisés rompent d’un seul coup 
avec les principes déontologiques les plus élémentaires du métier d’enseignant : le respect 
de la confidentialité, la non stigmatisation des enfants, le droit à l’oubli, la séparation entre vie 
publique et vie privée, un livret scolaire en un exemplaire unique appartenant à l’enfant et à sa 
famille. 

Ces fichiers sont accessibles par la justice, la police et le fisc 
éloignant de ce fait des 
familles de l’école. Le numéro d’identification des élèves permet de rassembler un nombre 
considérable d’informations sur le jeune et sa famille. Les domiciles des bases élèves du primaire 
et du secondaire sont actuellement en cours de géo-référencement. Le jeune sera caractérisé par 
un réseau de compétences de toutes sortes dont on saisit bien le caractère privé, inquisiteur, 
générateur de gêne et de sentiments d’inégalité pour les jeunes

Ceci est d’autant plus inquiétant 
que ces dernières années le livret scolaire ne cesse de collecter toujours plus de renseignements 
et les transmet au collège, et que de nouvelles lois sont venues instaurer le partage de 
renseignements entre différentes administrations.
L’aspect national du livret de compétences est inquiétant du point de vue de la définition 
des compétences à acquérir et du point de vue des données recueillies sur les élèves, comme l’est 
le niveau européen du projet. 

Bien que le socle commun soit contestable, définir des savoirs, voire 
des savoir-faire nationalement n’est pas choquant en soi – s’il n’y a pas fichage –, mais définir des 
attitudes dans chaque discipline ainsi que des comportements sociaux, l’est éminemment. C’est 
comme si l’Etat pouvait définir un type d’homme idéal. »


 Alors, disons les choses crûment  : jusqu’où irons-nous pour obtenir un boulot ? 


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