Rounga Roungalashinga 4 décembre 2012 14:24

Sommes-nous en démocratie ?

Si nous nous référons au concept originel, non. Et il n’y a pas de pays démocratiques sur terre

Tout à fait d’accord. Mais ça n’empêche pas de dire que certains pays sont plus proches de la démocratie que d’autres.

 Et vous avez RAISON. SAUF QUE... Sauf que le modèle théorisé aux XVIIe et XVIIIe siècles était voué à dégénérer de la sorte.

Je suis d’accord là-dessus également. A mon sens, la faute des modernes a été de dégrader la notion de vertu, pour en faire un principe politique, et non un mode existentiel (Montesquieu sépare la vertu politique, qu’il définit comme l’amour des lois de son pays, et les autres formes de vertus, dont la vertu chrétienne. Il ne parle que de celle-là et pas de celle-ci). Les systèmes de philosophie politique modernes, nés pendant que les pays d’Europe se déchiraient à cause des guerres de religion, ont fait de la vertu, définie en tant que modèle de la vie bonne, quelque chose d’accessoire dans la vie politique et strictement privé (on voit déjà venir la laïcité). C’était un moyen raisonable de remédier aux divisions occasionnées par la Réforme. Ainsi, le libéralisme, en réglant le fonctionnement de la chose publique sur le Droit et le Marché, supposés neutres quant à la vertu, est un système dans lequel, selon Adam Smith je crois, même des diables seraient obligés de ne pas se comporter mal, car cela ne serait pas conforme à leur intérêt. La vertu, d’accessoire qu’elle était chez Montesquieu, devient quasiment inutile chez ses successeurs. La seule vertu politique consiste à agir selon son intérêt bien compris en respectant les lois. Avec le recul, on voit que cet habile escamotage, bien qu’ayant permis les avancées que l’on sait, contenait déjà une erreur fondamentale et ne pouvait que dégénérer.
La différence entre les anciens et les modernes, c’est que les anciens croyaient à une vie politique harmonieuse régie par des lois intrinsèques qui seraient l’image des lois naturelles régissant le cosmos. Cela impliquait chez les dirigeants une pratique individuelle en accord avec la nature humaine. Les modernes ont beaucoup affaibli cette idée en niant l’existence de ces lois intrinsèques et de la nature humaine : pour les libéraux c’est la loi du marché qui doit guider la vie de la cité, et les individus ne doivent que chercher leur intérêt. Pour ma part, je pense qu’il faudrait travailler à réintégrer la vertu dans la pensée politique, car si l’on veut que le peuple soit vertueux, il faut que les clercs le soient*. Bien sûr, il ne doit pas s’agir d’un retour en arrière. Il ne s’agit pas de redonner le pouvoir à l’Eglise, mais de mener une réflexion sur la base d’un matériau nouveau. Ce matériau, je ne l’ai pas tel quel, mais quelques éléments restent à défricher. Les occidentaux feraient bien de se pencher par exemple sur le confucianisme et le néo-confucianisme, et leur approche de la vertu. Douguine, également, propose de réfléchir à une « quatrième théorie politique » fondée sur le da-sein heideggerien. Mais n’ayant lu ni Heidegger ni Douguine, je ne sais pas ce que ça vaut. L’avenir est à construire.

Pour finir avec votre commentaire, je pense que notre désaccord est surtout formel, et beaucoup moins profond que celui que j’ai avec Desbois. Je vous comprends, je crois, tout à fait quand vous parlez des défauts structurels de ce que nous appelons nos démocraties, mais le désaccord provient selon moi du fait que je donne à la démocratie un sens très large, idéal, exempt de références civilisationnelle ou culturelle : je pose simplement la démocratie comme la cité où le peuple décide souverainement de ses lois.

*et ça ne peut pas aller en sens inverse. Antoine Blanc de Saint-Bonnet va plus loin en posant une dégradation de la vertu entre le clergé et le peuple : « le clergé saint fait le peuple vertueux, le clergé vertueux fait le peuple honnête, le clergé honnête fait le peuple IMPIE ».


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