easy easy 17 janvier 2013 14:40

Avec Homère, il y avait des héros très dépendants des caprices des dieux. Les héros ne jugeaient pas, seuls les dieux jugeaient mais jamais de manière absolue puisqu’ils n’étaient jamais d’accord entre eux. Aucun idéal sinon celui d’assumer les flots de l’existence sans faiblir de courage

Avec Satyricon, l’influence des dieux s’estompe, il n’y a plus aucun héros et chacun devient soucieux de son érection 

Avec Cervantès, il n’y a plus de dieu mais apparaît alors le cas d’un individu essayant une forme d’héroïsme tout en étant ridicule car orienté par ses seuls vents intérieurs

A partir de Defoe arrive le héros alfa qui s’oriente par rapport à la réalité de la vie avec l’autre, aucun délire. C’est probablement le meilleur héros. Il se pose des questions sur lui-même, sur son éthique. Il nous invite à nous interroger sur nous-mêmes. Il ne nous offre pas de croire en quelque chose et de foncer alors.

A partir de Poe et Doyle arrive le héros ayant un nouveau dieu, la science. Son dada c’est de faire triompher la science. Il fonce. 
Mais Hugo et Zola veillent et appellent à s’intéresser à la justice sociale

On se retrouve donc, après 1900, avec des héros favorables au progrès, Rahan compris, et à la justice. 
Comme il s’agit de héros ils sont caricatures et caricaturent 
Tout est considéré de manière la plus manichéenne qui soit 

Tous ces héros étant destinés à servir de sujet à achat de livre, ils sont tous sociaux.
Il n’existe aucun héros cénobite.
Il n’y a jamais d’invitation à méditer sur autre chose que la relation sociale
Même quand un héros vole dans les nuages, il n’en jouit pas. 
La plupart des héros évitent même de jouir avec un partenaire.
Il jouit de son pouvoir social, rarement de baise, jamais de lui-même.
Même un cow boy réputé lonesome n’est héros qu’en société.

Gauche ou droite peu importe mais jamais solitaire car il tire son essence héroïque de son jeu dans la masse.


En Asie, de manière traditionnelle, le héros ressemble souvent à Ulysse (Ramayana & Mahabhabarataj), il combat souvent en Ivanhoe, mais il va parfois à affronter carrément des dieux (qui n’ont rien de sage), il vieillit, il a faim, il aime, il déprime, il meurt.
Ce qui empêche le manichéisme et l’émergence du jugement absolu. Il n’en ressort de sagesse que l’acceptation de l’ineffable bazar qui résulte de la nécessaire combattivité de chacun
 
Par ici, il est fait très peu de cas de ceux qui ont pourtant été considérés comme héros historiques (Jeanne d’Arc, Du Guesclin...). Ici les héros sont très inventés

En Asie, on part très souvent de cas réels qu’on augmente 
Les plus grands héros d’Asie sont fondés sur ces cas réels (dont celui des 47 ronins) 
C’est d’ailleurs en Chine qu’il y a régulièrement, encore de nos jours, des gens du peuple érigés en héros au sens de Bruce Lee (et on est très loin du principe de notre Légion d’Honneur)

La Chine où règne un gouvernement très policier invite toujours et paradoxalement à des comportement héroïques à partir desquels existe une résistance, une audace à la désobéissance.
L’homme aux chars surgit de ce contexte, Tian’anmen aussi, Falun Gong aussi.
On peut y voir par exemple un Ravaillac érigé en héros par une masse populaire (parce qu’on aura compris qu’il avait eu à subir un paquet d’injustices policières) 
Et il va de soi que les avocats qui défendent des accusés politiques et qui deviennent à leur tour proscrits voire incarcérés, sont vus comme des héros par le peuple.

Ici on est dans l’héroïsme fantasmatique, très théâtralisé et très normé (d’où l’éminence de nos Depardieu et notre colère puérile de spectateurs de salle quand ils font pschiiiit )

En Asie, on trouve stupide notre conception du héros
Au mieux, on admet le héros de guerre, le grand artiste et l’homme qui se sacrifie. Pas celui qui est invulnérable aux balles.

L’héroïsme asiatique est concret, surgit d’individus d’allure banale sans panoplie ni pouvoirs et surprend toujours :
Tel le cas de ce Chinois qui avait refusé l’expropriation de sa maison placée sur une trajectoire d’autoroute et qui a longtemps résisté obligeant alors les bâtisseurs à le contourner.
Tel le cas des volontaires de Fukushima Daichi (Je parle des ingénieurs compétents, pas des balayeurs recrutés dans des parcs). 
Tel le cas de cette gamine indienne qui s’était suicidée pour que son père et son frère puissent profiter de ses organes (mais elle fut incinérée avant qu’on ait découvert sa lettre expliquant son objectif) 
Du coup il n’exclut pas du tout de son panthéon des étrangers ayant eu des comportements héroïques (Bethune, Aylward, Yersin, Rabe...)


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