Constant danslayreur 26 février 2013 12:52

Bonjour Aldous,

Je confesse que je ne pourrai lire votre article que ce soir pardon, mais en attendant Jean et puis votre savoir en grec bref ... je me devais de poster ça à votre attention, ce que vous en ferez (ou pas), ne regarde que vous.

Début de citation

Les derniers entretiens de Jésus. Le Paraclet de l’Evangile de Jean

Jean est le seul évangéliste à rapporter, à la fin du dernier repas de Jésus et avant l’arrestation de ce dernier, l’épisode des ultimes entretiens avec les apôtres, qui se termine par un très long discours : quatre chapitres de l’Évangile de Jean (14 à 17) sont consacrés à cette narration, dont on ne trouve aucune relation dans les autres évangiles. Et, pourtant, ces chapitres de Jean traitent de questions primordiales, de perspectives d’avenir d’une importance fondamentale, exposées avec toute la grandeur et la solennité qui caractérisent cette scène des adieux du Maître à ses disciples.

Comment peut-on expliquer que fasse entièrement défaut chez Matthieu, Marc et Luc le récit d’adieux si touchants qui contiennent le testament spirituel de Jésus ? On peut se poser 1a question suivante : Le texte existait-il initialement chez les trois premiers évangélistes ? N’a-t-il pas été supprimé par la suite ? Et pourquoi ? Disons tout de suite qu’aucune réponse ne peut être apportée ; le mystère reste entier sur cette énorme lacune dans le récit des trois premiers évangélistes.

Ce qui domine le récit est — cela se conçoit dans un entretien suprême — la perspective de l’avenir des hommes évoquée par Jésus et le souci du Maître d’adresser à ses disciples et, par eux, à l’humanité entière, ses recommandations et ses commandements et de définir quel sera en définitive le guide que les hommes devront suivre après sa disparition. Le texte de l’Évangile de Jean et lui seul le désigne explicitement sous le nom grec de Parakletos, devenu Paraclet en français.

En voici, selon la Traduction œcuménique de la Bible, Nouveau Testament, les passages essentiels : « Si vous m’aimez, vous vous appliquerez à observer mes commandements ; moi je prierai le Père : il vous donnera un autre Paraclet (14, 15-16). »

Que signifie Paraclet ? Le texte que nous possédons actuellement de l’Évangile de Jean explique son sens en ces termes : « Le Paraclet, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, vous communiquera toutes choses, et vous fera ressouvenir de tout ce que je vous ai dit » (14, 26). « II rendra lui-même témoignage de moi » (15, 26). « C’est votre avantage que je m’en aille ; en effet, si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas à vous ; si au contraire je pars, je vous l’enverrai. Et lui, par sa venue, il confondra le monde en matière de péché, de justice et de jugement... » (16, 7-8). « Lorsque viendra l’Esprit de vérité, il vous fera accéder à la vérité tout entière, car il ne parlera pas de son propre chef, mais il dira ce qu’il entendra et il vous communiquera tout ce qui doit venir. Il me glorifiera... » (16, 13-14).

(A noter que les passages non cités ici des chapitres 14 à 17 de l’Évangile de Jean ne modifient aucunement le sens général de ces citations.) Si l’on en fait une lecture rapide, le texte français qui établit l’identité du mot grec Paraclet avec l’Esprit Saint n’arrête pas le plus souvent l’attention. D’autant plus que les sous-titres du texte généralement employés dans les traductions et les termes des commentaires présentés dans les ouvrages de vulgarisation orientent le lecteur vers le sens que la bonne orthodoxie veut donner à ces passages.

Aurait-on la moindre difficulté de compréhension que des précisions comme celles données par le Petit Dictionnaire du Nouveau Testament d’A. Tricot, par exemple, seraient là pour offrir tous les éclaircissements. Sous la plume de ce commentateur, à l’article Paraclet, on peut y lire, en effet, ce qui suit : « Ce nom ou ce titre, transcrit du grec en français, n’est employé dans le Nouveau Testament que par S. Jean : quatre fois quand il rapporte le discours de Jésus après la « Cène¹ » (14, 16 et 26 ; 15, 26 ;16, 7) et une fois dans sa première épître (2, 1).

Dans l’Évangile Johannique, le mot s’applique à l’Esprit Saint ; dans l’épître, au Christ. « Paraclet » était un terme couramment employé par les Juifs hellénistes du Ier siècle au sens d’intercesseur, de défenseur. [...] L’esprit, annonce Jésus, sera envoyé par le Père et le Fils et il aura pour mission propre de suppléer le Fils dans le rôle secourable exercé par celui-ci durant sa vie mortelle au profit de ses disciples.

L’esprit interviendra et agira comme substitut du Christ en tant que paraclet ou intercesseur tout-puissant. » Ce commentaire fait donc de l’Esprit Saint le guide ultime des hommes après la disparition de Jésus. S’accorde-t-il avec le texte de Jean ? La question doit être posée car, a priori, il semble curieux que l’on puisse attribuer à l’Esprit Saint le dernier paragraphe cité plus haut : « Il ne parlera pas de son propre chef, mais il dira ce qu’il entendra et il vous communiquera tout ce qui doit venir. » II paraît inconcevable qu’on puisse prêter à l’Esprit Saint les pouvoirs de parler et de dire ce qu’il entend... A ma connaissance, cette question, que la logique commande de soulever, n’est généralement pas l’objet de commentaires. Pour avoir une idée exacte du problème, il est nécessaire de se reporter au texte grec de base, ce qui est d’autant plus important que l’on reconnaît à l’évangéliste Jean d’avoir écrit en grec et non en une autre langue. Le texte grec consulté fut celui de Novum Testamentum graece².

Toute critique textuelle sérieuse commence par la recherche des variantes. Il apparaît ici que, dans l’ensemble des manuscrits connus de l’Évangile de Jean, il n’existe pas d’autre variante susceptible d’altérer le sens de la phrase que celle du passage 14, 26 de 1. En réalité, c’est bien au cours même de la « Cène » que, pour Jean, Jésus a prononcé le long discours où il est sujet du Paraclet, discours non rapporté par les autres évangélistes.

2. Nestlé et Aland, 1971.

la fameuse version en langue syriaque appelée Palimpseste¹. Ici, on ne mentionne pas l’Esprit Saint, mais l’Esprit tout court. Le scribe a-t-il fait un simple oubli, ou bien placé en face d’un texte à recopier qui prétendait faire entendre et parler l’Esprit Saint, n’a-t-il pas osé écrire ce qui lui paraissait être une absurdité ?

A part cette remarque, il n’y a pas lieu d’insister sur d’autres variantes, si ce n’est les variantes grammaticales qui ne changent rien au sens général. L’essentiel est que ce qui est exposé ici sur la signification précise des verbes « entendre » et « parler » vaille pour tous les manuscrits de l’Évangile de Jean et c’est le cas.

Le verbe « entendre » de la traduction française est le verbe grec akouô, qui signifie percevoir des sons. Il a donné, par exemple, en français le mot acoustique, en anglais acoustics, qui est la science des sons. Le verbe « parler » de la traduction française est le verbe grec laleô, qui a le sens général d’émettre des sons et le sens particulier de parler.

Ce verbe revient très souvent dans le texte grec des Évangiles pour désigner une déclaration solennelle de Jésus au cours de sa prédication. Il apparaît donc que la communication aux hommes dont il est fait état ici ne consiste nullement en une inspiration qui serait à l’actif de l’Esprit Saint, mais elle a un caractère matériel évident en raison de la notion d’émission de son attachée au mot grec qui la définit. Les deux verbes grecs akouô et laleô définissent donc des actions concrètes qui ne peuvent concerner qu’un être doué d’un organe de l’audition et d’un organe de la parole.

Les appliquer par conséquent à l’Esprit Saint n’est pas possible. Ainsi, tel qu’il nous est livré par les manuscrits grecs, le texte de ce passage de l’Évangile de Jean est parfaitement incompréhensible si on l’accepte dans son intégrité avec les mots Esprit Saint de la phrase (14, 26) : « Le Paraclet, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom... », etc., seule phrase qui, dans l’Évangile de Jean, établit l’identité entre Paraclet et Esprit Saint. Mais si l’on supprime les mots Esprit Saint (to pneuma to agion) de cette phrase, tout le texte de Jean présente une signification extrêmement claire. Elle est d’ailleurs concrétisée par un autre texte de l’Evangéliste, celui de la première épître où Jean utilise le même mot Paraclet pour désigner tout simplement Jésus en tant qu’intercesseur auprès de Dieu².

Et quand Jésus dit, selon Jean (14, 16) : « Je prierai le Père : il vous enverra un autre Paraclet », il veut bien dire qu’il sera envoyé aux hommes un « autre » intercesseur, comme il l’a été lui-même, auprès de Dieu en leur faveur lors de sa vie terrestre.

1. Écrit au IV ou V siècle et découvert au mont Sinaï, en 1812, par Agnès S.-Lewis, ce manuscrit est ainsi appelé parce que le texte initial avait été recouvert par un autre texte qui, effacé, fit apparaître le premier.

2. Bien des traductions et des commentaires, surtout anciens, des Évangiles traduisent le mot par consolateur, cela est une erreur complète.

On est alors conduit en toute logique à voir dans le Paraclet de Jean un être humain comme Jésus, doué de faculté d’audition et de parole, facultés que le texte grec de Jean implique de façon formelle. Jésus annonce donc que Dieu enverra plus tard un être humain sur cette terre pour y avoir le rôle défini par Jean qui est, soit dit en un mot, celui d’un prophète entendant la voix de Dieu et répétant aux hommes son message.

Telle est l’interprétation logique du texte de Jean si l’on donne aux mots leur sens réel. La présence des mots Esprit Saint dans le texte que nous possédons aujourd’hui pourrait fort bien relever d’une addition ultérieure tout à fait volontaire, destinée à modifier le sens primitif d’un passage qui, en annonçant la venue d’un prophète après Jésus, était en contradiction avec l’enseignement des Églises chrétiennes naissantes, voulant que Jésus fût le dernier des prophètes.

Fin de citation


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