Francis Beau (---.---.86.4) 27 septembre 2006 18:54

Conscient du fait que vous n’avez pas eu « le temps de rédiger une réfutation intégrale » (excusez du peu, vous m’inquiétez !) et « structurée » de mon article, je vous remercie d’avoir néanmoins pris celui de me « faire part » de vos critiques. Il me semble cependant que vous auriez pu prendre le temps de me lire un peu mieux. En effet, après avoir lu votre critique, puis relu mon article, j’ai la désagréable impression que nous ne parlons pas du même texte. J’ai dû très mal m’exprimer, je tente donc d’éclaircir mon propos en reprenant un à un les points qui vous « semblent critiquables » (je préfère cette deuxième formulation, moins définitive que la première qui annonce d’emblée le parti-pris d’une « réfutation intégrale »).

Contrairement à ce que vous prétendez, je n’ai rien « affirmé » de ce que vous dénoncez dans votre premier point. Ai-je dit que la connaissance ou la croyance (ai-je même parlé de croyance ?) n’étaient pas basées sur un jeu d’hypothèses ? Ai-je parlé de « révélation extra-lucide » ? Ai-je « affirmé » que la philosophie était éternelle ou universelle (ai-je même parlé d’éternité ?) ? Plutôt que d’affirmer comme vous ne vous en privez pas, je me contente d’émettre des propositions reposant sur des hypothèses (reconnues comme telles). Dans ce cas précis, je me cite : « la philosophie, dans la mesure où elle se limite à » (hypothèse de travail) « formuler des thèses qui ne sont ni vraies ni fausses, mais justes à condition de reposer sur des raisonnements inattaquables (obéissant aux conditions formelles de validité imposées par la logique), peut être considérée » (proposition) « comme universelle ».

Contrairement à ce que vous affirmez au deuxième point, je n’assimile en aucun cas raisonnement et contrainte, je me pose la question de savoir si « l’usage du logos, du verbe (parole, raison ou vérité) pour tenter de convaincre l’autre dans une controverse, n’est pas en soi une tentative de contrainte intellectuelle ou morale » (j’aurais pu ajouter psychologique). Si vous m’avez bien lu, vous ne pouvez pas ignorer la distinction que je fais entre « raison » ou « logos » et « raisonnement ». C’est une question de vocabulaire et de définitions que l’on pose afin d’être sûr de raisonner sur les mêmes bases, condition indispensable à la « justesse » d’un raisonnement (« Le raisonnement est un processus intellectuel qui se réalise grâce à un langage reposant sur un vocabulaire (définitions) »). Il me semble en outre, que la conclusion de mon propos est de nature à laisser entendre que ma réponse à cette question est plutôt inverse : n’étant choqué ni par la nature, ni par le contenu de la réflexion du Pape, il va de soi que je n’y vois pas de véritable contrainte intellectuelle ou morale. Enfin, ce n’est ni du « raisonnement » ni de la raison en soi dont il est question dans ma proposition de rapprochement entre contrainte morale et contrainte physique, mais de la controverse (de la dialectique) reposant sur l’usage du logos (raison ou vérité), qui, venant d’une autorité morale peut apparaître aux yeux de certains comme une contrainte. Cela n’implique en rien que je puisse mettre sur le même plan une quelconque contrainte liée au travail (dont je ne parle absolument pas : c’est vous qui prenez l’exemple de l’agriculteur) et celle qui se traduirait par la violence, la torture et le meurtre (dont je ne parle pas plus) : ce serait légitimer la violence, la torture et le meurtre (Dieu m’en garde) !

Contrairement à ce que vous « affirmez » dans votre troisième point, je ne prétends pas « que c’est l’expérience qui permet de valider la justesse du raisonnement », je me contente de constater que l’expérience permet de confirmer la justesse d’un raisonnement, et d’en déduire que, dans les sciences physiques ou naturelles, la justesse du raisonnement doit être confirmée par la réalité (physique) que l’expérience permet de percevoir. En outre, je tempère en observant qu’elle peut néanmoins être vérifiable en tant que raisonnement obéissant aux conditions formelles de validité de la logique (mathématiques). Vous conviendrez qu’il y a là une différence appréciable avec l’énoncé que vous m’attribuez et qui pourrait laisser croire que j’attribue à l’expérience seule le pouvoir de valider le raisonnement. J’ajouterai qu’en mathématiques, contrairement à ce que vous semblez penser, « on » (qui ça on ?) ne « croit » rien, on se fonde sur des théories démontrées, et écrire qu’une équation n’a pas de solution sous prétexte qu’on est incapable de la déterminer, n’a jamais été qu’une énorme ânerie (rien à voir avec une quelconque validation par l’expérience). Enfin, pour en finir avec ce troisième point, il n’est évidemment pas besoin de construire toutes les machines possibles pour établir que la machine à mouvement perpétuel n’existe pas, il suffit de le constater. Cela ne serait pas la validation d’une expérience par un quelconque raisonnement, mais la validation d’une expérience (je constate une réalité : « la machine à mouvement perpétuel n’existe pas ») par une autre expérience (« construire toutes les machines possibles ») : où est le raisonnement dans tout cela ?

Pour ce qui est du quatrième point, j’ai bien peur que vous n’ayez pas mieux lu ma conclusion que le reste de l’article. Où ai-je dit que la limite de la science serait la frontière avec la foi ? Je parle de frontière entre foi et raison, la foi étant le prolongement de la raison lorsque celle-ci atteint ses limites dans le domaine de la connaissance (je ne parle pas là de science, mais pour bien fixer le vocabulaire, je précise que par « la connaissance », j’entends bien l’ensemble des connaissances accumulées par l’humanité), c’est-à-dire l’ensemble fini de la réalité connue. Pour moi, d’ailleurs, ce domaine de la connaissance, celui de la réalité connue, qui est limité en tant que tel, n’est pas identifiable avec le champ de la science (regroupement de toutes les sciences), qui lui, potentiellement infini, ne doit être limité par rien (la science ne doit se refuser aucun champ d’investigation). Il ne peut pas non plus s’assimiler avec celui de la vérité qui va bien au-delà et qui, associé au champ infini du raisonnement juste, permet à la foi d’ouvrir à la pensée d’autres horizons que ceux du matérialisme. Par ailleurs, lorsque j’écris « la science », j’entends désigner par ce terme générique l’ensemble des sciences. Encore une question de vocabulaire et de définitions à poser pour être sûr de bien s’entendre. Peut-être ai-je eu tort de ne pas préciser cette définition, mais je pensais qu’elle allait de soi. Quant à votre idée que « la foi » serait « rationnelle » en raison du fait que « la science n’existe pas », elle mériterait, pour être recevable, d’être quelque peu explicitée.

Enfin, votre cinquième point n’étant pas à proprement parler une critique, mais plutôt une contradiction que vous semblez vouloir apporter, permettez-moi à mon tour d’en faire une critique. Quelque chose m’échappe dans la logique de votre raisonnement.

A partir d’une première proposition (« si la foi ...., alors ... »), vous semblez conclure (« il n’y a pas de frontière... ») alors qu’en réalité, le raisonnement logique m’amène à une conclusion diamétralement opposée. De la première proposition, je comprends que, lorsqu’elle se mêle d’énoncer des vérités sur le mouvement des astres, la foi entre en conflit avec l’astrophysique. En effet, cette science décrit et explique ce qui est connu de la réalité du mouvement des astres. Si la foi prétend imposer une vérité contraire à cette réalité, alors elle entre clairement en conflit, non pas seulement avec la science astrophysique, mais avec la raison qui en est le support. Ceci amène à constater que si la foi énonce une vérité contraire à la réalité astrophysique connue, elle franchit alors une limite en s’immiscant dans le domaine de la connaissance engendrée par la raison. Acte de foi et acte de raison sont clairement, à la lumière de cet exemple, de natures différentes. C’est cette différence de nature qu’exprime la notion de frontière (au sens de démarcation) entre raison et foi : il y a bien une frontière entre raison et foi. CQFD ou plutôt ce qu’il ne fallait pas démontrer, puisque vous arrivez à la conclusion inverse.

Merci d’avoir pris le temps de lire ma réponse. Celle-ci me paraissait s’imposer afin d’éviter que les lecteurs d’Agoravox puissent croire que mon article développe en quoi que ce soit l’argumentation que vous semblez m’attribuer.


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