Chypre 16/3/13 5 juin 2013 11:54

Merci pour votre article très fouillé, qui tombe à point nommé dans un contexte d’effacement médiatique de la crise Chypriote.
Quelques points cependant qui mériteraient d’être creusés.

1 - Si la population a si clairement réagi, conduisant ainsi le parlement à reculer et rejeter le plan initial, ce n’est pas tant parce-que les comptes inférieurs à 100 000€ étaient visés mais elle réagissait sur le PRINCIPE même de la taxation des comptes, -partant, du viol de la propriété privée-, pressentant que ce principe allait s’étendre par la suite. smiley
Noter à ce titre le discours du Président de l’Assemblée (Omirou), qui avait déclaré : « Nous avons décidé de refuser, pas seulement pour Chypre et ses habitants, mais pour l’ensemble des Peuples d’Europe qui vont se voir appliquer ce même principe ».

2 - Vous ne mentionnez pas (mais cela devrait faire l’objet d’un article complet) le rôle des médias Chypriotes et internationaux dans cette crise.
Il faut habiter sur place pour s’apercevoir combien celui-ci a été crucial dans cette crise.
Désinformation sur le plan international, où l’on peut noter le mot d’ordre pour que chacun s’accorde à parler de la « particularité de Chypre ».
Au plan local, il a été rapporté la présence d’individus placés partout (Banque Centrale, Parlement, rédactions, télévision...) et exerçant des pressions.
La ligne d’information était la peur (de la faillite, de l’invasion Turque, de la pénurie, etc) et la division (agitation de politiciens de part et d’autres, chaque journal y allant de sa pierre pour blâmer les uns et les autres). smiley
L’esprit de la population ainsi maintenu dans la peur, l’ignorance et la haine, il a ensuite été facile de faire passer le second plan, alors que la population aurait du s’y opposer, aussi bien qu’au premier, et pour les mêmes raisons.

3 - Vous omettez de préciser que les fonds de garantie des comptes de moins de 100 000€ sont, en France comme certainement ailleurs, largement insuffisants pour couvrir ceux-ci en cas de crise majeure. Par exemple en France, c’est (sauf erreur de ma part) 2 milliards pour garantir... 1560 milliards de dépôts. smiley
Lorsqu’on connaît la situation des principales banques européennes, y compris la Deutsche Bank, sur leurs engagements « hors-bilan », il y a fort à parier que cette garantie des comptes de moins de 100 000 € ne restera qu’un voeu pieux.
Ici à Chypre, tout le monde s’attend à un haircut inopiné sur les comptes de moins de 100 000 pour trouver les milliards qui manquent toujours à l’appel (même si le haircut des comptes de plus de 100 000 était de 100% sur les deux banques concernées).

4 - Enfin, vous ne faîtes pas mention des innombrables accusations de corruption...
Le fait que certaines personnes « savaient » est une chose, et la presse s’est largement fait l’écho de présumés délits d’initiés, portant sur...quelques dizaines de millions (alors qu’on recherche des milliards).
Mais des noms sont livrés ;
- le rapport de Alvarez et Marsal a fuité et a révélé que des ordres d’achat de la dette Grecque avaient été passés bien après que la Grèce soit visiblement en défaut ;
- les correspondances entre la Banque Centrale (qui devait approuver ces ordres) et les banques qui les ont passés ont été délibérément effacées des ordinateurs, au moyen de logiciel d’effacement de données ;
- la Banque Centrale de Chypre ne pouvait elle-même passer de tels ordre qu’avec l’approbation de la BCE ;
- les commissions sur les ventes de dette Grecque ont atteint 18% (l’Allemagne et la France s’en débarrassaient à tout prix, Chypre achetait à tout va et les intermédiaires percevaient des commissions de 3.5 fois la normale -5% habituellement-) ;
- le scandale de l’ELA qui a été versé par la BCE à une banque en faillite pendant presque une année (le temps que les banques européennes retirent leurs avoirs de Chypre), pour 9.2 milliards, pour être subitement stoppé avec injonction faîte à un nouveau gouvernement de trouver une solution en une nuit ;
- la revente à prix totalement bradé des banques Chypriotes à des banques Grecques, sur ordre de la Troïka, dans le cadre des « négociations » ;
- et la liste est longue, et les milliards s’additionnent.

Je n’ai jamais trouvé un article en Anglais (encore moins en Français !) s’intéressant à ces points.

La commission qui a été nommée par le gouvernement pour faire la lumière sur les malversations voit ses membres démissionner les uns après les autres (et avec la crise locale de l’emploi, et les montants qu’ils doivent percevoir, démissionner doit vraiment être analysé comme un signe fort...)

Ici, on parle de 20 personnes qui seraient responsables de la crise à Chypre. D’ailleurs, les avoirs de 3 d’entre elles (des banquiers) viennent d’être gelés, le 31 Mai, pour un montant total de 5.3 milliards. Le jugement aura lieu le 11.

Le ressenti de la population, ici, est que la Troïka en veut à son gaz, comme vous l’indiquez.
Un plan de sauvetage différent aurait pu être appliqué ; plan plus juste, qui n’aurait pas affecté les producteurs de Halloumi (fromage local) qui ont perdu 7 millions, les orphelins des accidents d’avion, ou les plans de pension locaux (ceux des idiots utiles qui épargnent pour leurs vieux jours) et qui va plonger Chypre dans une récession à deux chiffres pour plusieurs années.
Mais il devrait bien affecter ceux qui ont indument perçu des profits anormaux, et en particulier les banques européennes qui étaient bien contentes de percevoir du 4.5% à Chypre lorsque les taux pratiqués ailleurs étaient de 1%. La, on parle de vrais profits anormaux. Mais à ceux là, on passe tout, et ils parviennent à retirer leurs fonds à temps...

Merci de m’avoir lue, j’espère vous avoir apporté des renseignements utiles.

Pour votre information, vous pouvez aussi vous reporter à ce blog (très didactique) http://icionnedessinepasdemouton.blogspot.com/search/label/11.%20Dormez%20bonnes%20gens
Ou encore à cette page Facebook : https://www.facebook.com/chypre16313


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