Philippe VERGNES 3 novembre 2014 08:51

Sur le lien croisé, si l’on en croit les rares auteurs qui ont approfondi l’étude des perversions, je dirais que oui lorsqu’il s’agit de situer l’origine de la perversion narcissique d’un point de vue clinique.

Mais le tableau est loin d’être simple avec les perversions, car nous sommes-là au cœur des relations les plus intersubjectives qui soient. C’est-à-cire qu’elles touchent notre subjectivité et notre inconscient au plus profond de notre être. C’est dire la difficulté que nous pouvons avoir à faire remonter les données dont nous disposons et les objectiver.
A ce titre, il faut avoir beaucoup d’humilité et ne jamais exclure la possibilité de se tromper.
Mais ceci dit, d’après mon expérience personnelle également et les nombreux témoignages que j’ai pu récolter au fil des ans, c’est bien la relation incestuelle générant un climat d’inceste dans les familles, et principalement lorsque l’acte génital n’est pas accompli, qui la cause de la perversion narcissique.
Si le pervers narcissique inflige des blessures narcissiques à ses victimes en augmentant leur vulnérabilité narcissique, ces dernières n’en deviendront pas nécessairement perverse narcissique pour autant. Ce qui ne veut pas dire qu’elle n’utiliseront pas de défense perverse narcissique par moment. Et c’est la toute la difficulté pour réellement comprendre ce qu’est la perversion narcissique, car c’est une théorie qui est tout à la fois catégorielle et dimensionnelle.
Catégorielle dans le sens où il existe bien des pervers narcissiques « accomplis » selon l’expression que donne l’inventeur de cette notion, et dimensionnelle dans le sens où dans des contextes particuliers, nous sommes tous capables d’utiliser des défenses psychiques sur un mode pervers narcissique ce qui ne fait de nous des pervers narcissiques « accomplis » pour autant.
C’est cette indistinction qui est source de nombreuses confusions.
Reprenons votre exemple en deux parties, sur une fratrie élevée par un ou un(e) perverse narcissique, la plupart du temps la relation incestueuse s’instaure avec un seul des enfants (ce qui n’interdit pas qu’elle puisse s’installer avec plusieurs, mais le cas est plus rare). Ce dernier développera une perversion narcissique accompli, mais pas ses frères et sœurs qui seront probablement atteint d’autres troubles, mais pas celui de la perversion narcissique.
Dans les entreprises, c’est autre chose qui se passe. La contagion s’effectue également sur la base d’une communication déviante (comme dans la relation inces-tueuse), mais sans ce lien incestueux. C’est la contagion telle que je la décris dans mon commentaire ci-dessus à l’attention de pierre258.
Toutefois, il existe de nombreuse autres configurations auxquels ces deux exemples ne sauraient se limiter, mais pour ce qui est du pervers narcissique accompli, il n’y a que deux chemins qui y mènent selon l’inventeur de cette terminologie : la relation incestuelle que j’ai partiellement évoqué et ce qu’il appelle l’antœdipe furieux (autre néologisme créé pour rendre compte de certaines frustrations précoces induisant une perversion narcissique). Tout deux descendant en droite ligne d’une séduction narcissique. (Encore un autre néologisme lié à la théorie de la perversion narcissique pour laquelle il existe un mini dictionnaire créé par son inventeur. Comme quoi, je suis très loin d’en avoir fini dans mon choix d’exposer cette théorie au grand public et d’où mes hésitations à le faire également).
En résumé : il existe un mouvement pervers narcissique que nous pouvons tous activer à un moment ou un autre de notre vie selon des circonstances particulières (aspect dimensionnel, ce que nous observons le plus fréquemment) et un pervers narcissique accompli (aspect catégoriel représentant l’arbre qui cache la forêt) qui répond à une description clinique bien précise. L’un et l’autre son confondu dans notre acception populaire de la perversion narcissique.


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