JDCONSEIL 18 octobre 2015 19:43
Violence patronale, violence ouvrière (Jaurès et Clemenceau, 1906) Les premiers mois de cette année 1906 furent marqués par de nombreuses grèves. A la Chambre, mi- juin, plusieurs débats opposent le Ministre de l’Intérieur, Georges Clemenceau, et Jean Jaurès. Dont l’un porte sur cette « violence ouvrière » que le ministre, garant d’un ordre (sanglant) se plaît à souligner.

L’occasion pour Jaurès de rappeler d’où vient cette violence et quelle autre violence, beaucoup plus insidieuse, porte le capitalisme.

Voici ce qu’à l’époque Jean Jaurès disait : 
 
« Palpable, saisissable chez les ouvriers  : un geste de menace, il est vu, il est retenu. Une démarche d’intimidation est saisie, constatée, traînée devant les juges. Le propre de l’action ouvrière, dans ce conflit, lorsqu’elle s’exagère, lorsqu’elle s’exaspère, c’est de procéder, en effet, par la brutalité visible et saisissable des actes.
Ah  ! Le patronat n’a pas besoin, lui, pour exercer une action violente, de gestes désordonnés et de paroles tumultueuses  ! Quelques hommes se rassemblent, à huis clos, dans la sécurité, dans l’intimité d’un conseil d’administration, et à quelques-uns, sans violence, sans gestes désordonnés, sans éclat de voix, comme des diplomates causant autour du tapis vert, ils décident que le salaire raisonnable sera refusé aux ouvriers  ; ils décident que les ouvriers qui continueront la lutte seront exclus, seront chassés, seront désignés par des marques imperceptibles, mais connues des autres patrons, à l’universelle vindicte patronale.
Cela ne fait pas de bruit  ; c’est le travail meurtrier de la machine qui, dans son engrenage, dans ses laminoirs, dans ses courroies, a pris l’homme palpitant et criant ; la machine ne grince même pas et c’est en silence qu’elle le broie. [...]
La même opposition, elle éclate dans la recherche des responsabilités. De même que l’acte de la violence ouvrière est brutal, il est facile au juge, avec quelques témoins, de le constater, de le frapper, de le punir ; et voilà pourquoi toute la période des grèves s’accompagne automatiquement de condamnations multipliées.

Ainsi, tandis que l’acte de violence de l’ouvrier apparaît toujours, est toujours défini, toujours aisément frappé, la responsabilité profonde et meurtrière des grands patrons, des grands capitalistes, elle se dérobe, elle s’évanouit dans une sorte d’obscurité. » 

 Jean Jaurès lors d’un discours devant la Chambre des députés, séance du 19 juin 1906

Qu’est-ce qui a vraiment changé 109 ans plus tard ? A-t-on évolué ? Trouverait-on un député pour parler ainsi aujourd’hui ? 
Un siècle plus tard, rien a changé : Le mépris des puissants envers les faibles est toujours aussi violent !


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