Abou Antoun Abou Antoun 14 avril 2016 13:43

Bonjour,
Ayant résidé et travaillé en Guyane pendant quelques années je n’ai aucune peine à croire que tout ce que vous écrivez est l’exacte vérité.
Résidant à Kourou et étant fonctionnaire titulaire j’ai eu un peu plus de chance que vous. Kourou est un compromis entre un quartier résidentiel et une banlieue déshéritée, une sorte de mélange du 92 et du 93.
La Guyane donne une image caricaturale de la France d’aujourd’hui. Il y a une sorte de conspiration entre Paris symbolisé par la Préfecture, le Procureur, les forces armées et de sécurité, d’une part, les élus locaux d’autre part, et les fonctionnaires (administratifs) pour que rien ne change. La corruption est partout et personne ne prend la peine de se cacher. En métropole, c’est à peu près pareil mais les ripoux sont plus précautionneux.
La société guyanaise est multi-culturelle, pluri-ethnique. On y trouve des blancs appelés ’métros’, des créoles qui sont souvent métissés, mais il faut bien distinguer les créoles locaux (guyanais pure laine) des créoles antillais, qui forment souvent avec les métros les cadres de l’administration. Il y a enfin les noirs ’marrons’ (retribalisés) pour partie français et pour partie Surinamiens. il y a aussi les asiatiques Hmongs pour les cultures vivrières, indonésiens pour le riz, chinois pour le commerce de détail. N’oublions pas pour finir les autochtones amérindiens.
Ce qui est marrant c’est que tout le monde déteste tout le monde, et le dit. Les brèves de comptoir sont savoureuses. Même les blancs-métros se bouffent le nez entre fonctionnaires et techniciens du Centre Spatial Guyanais.
Ce que vous dites de l’Administration (rectorale) n’est guère étonnant. J’ai pris mon poste dans l’éducation sans fournir le moindre justificatif (j’aurais pu être un criminel ou un pédophile quelconque). Le seul moment où j’ai dû fournir les extraits d’acte de naissance de toute ma lignée c’est pour toucher une indemnité d’éloignement.
L’alcoolisme est le dénominateur commun culturel à tous les groupes sociaux. On picole au village Saramaka, tout comme dans les villas huppées, tout comme au village amérindien. Il faut dire que si la vie est chère en Guyane, la mort est assez bon marché. L’alcool légal est détaxé, le rhum de contrebande coûte moins cher que l’eau d’Evian. On peut également fumer et se droguer pour pas cher. Les centres d’approvisionnement sont connus de tous, et les R.G. se contentent de prendre des photos, au cas où.
Votre conclusion est assez lucide, très lucide même. J’ai rencontré sur place de jeunes métros capables de s’adapter à ces conditions parfois difficiles. C’était souvent des gens jeunes, un peu idéalistes et fascinés par une vie ’demi-sauvage’ (le poids de l’administration ne se fait sentir que quand on s’oppose à l’ordre établi). Une de ces personnes avec qui je correspond encore entame sa 17ème année sur place et n’envisage pas d’en bouger. Vous avez peut-être fait preuve d’un peu de naïveté en pensant qu’une normalité métropolitaine pouvait être transportée telle quelle à Maripasoula.


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