kalachnikov lermontov 3 février 2017 11:16

Très bon article qui ouvre une piste de réflexion sur ’qu’est-ce qu’une nation’. Malheureusement, je crains qu’il ne serve de défouloir à la Bêtise et que celle-ci, inévitablement, ne s’en donne à coeur joie.

En Sicile, terre de brassage, les cathédrales ont supplanté aussi des églises, et vice versa. C’est assez classique et ça n’a rien à voir avec un conflit islamochrétien ou autre, une volonté d’effacer. Beaucoup d’églises, de cathédrales sont bâties sur d’anciens temples païens, celtes, etc. C’est lié au fait que l’endroit possède certaines caractéristiques tenues comme propices au ’culte’*. (par exemple, un temple païen avec au-dessus une cathédrale, puis une mosquée, puis à nouveau une cathédrale ; cela suit le mouvement historique, les conquêtes mais c’est tout.)

(*je mets entre guillemets parce qu’au fil du temps le contenu du culte a changé du fait de certains facteurs, pour toujours plus d’abstraction. Les cultes normalement sont liés à la nature. Evidemment, cette perte du sens originel nourrit des compréhensions secondaires et fausses qui deviennent vérités.)

Le biais religieux est inexact, parcellaire et ne peut pousser qu’à l’erreur. Syrie, Yougoslavie, Tchécoslovaquie sont sur le plan politique des entités totalement artificielles, taillées d’après carte, au mépris de la réalité la plus élémentaire. Donc, on met des populations ensemble qui ne veulent pas l’être pour des motifs qui ne les concernent pas ; il est évident qu’elles ne le digèrent pas et qu’à la première occasion favorable, ils divorcent. Le cas tchécoslovaque est très intéressant ; car les deux peuples sont très proches par la langue, apparemment la culture ; et pourtant ils se sentent distincts de façon irréductible (cf. je suis d’origine slovaque).

Ce genre d’exemple explicite ce qu’est une nation : ce n’est pas l’habitude de vivre ensemble, ce n’est pas une religion commune (il ne faut pas se voiler la face, ce qui pose problème c’est l’instrumentalisation de l’islam et non la religion), ce n’est pas même la langue.

Plus proche de nous, le cas européen, encore une volonté ridicule et crétine de créer une nation en légomécano, est édifiant : il n’y a pas de nation européenne, on ne se sent pas européen. A l’étranger, quand quelqu’un nous demande, on dit ’je suis français’ , ça ne vient pas même à l’idée de dire ’je suis européen’.

Etre une nation, ce n’est pas davantage une même économie, une même monnaie, un m^me marché. Et ce ne sera pas davantage une défense commune.

Quand vous vous promenez en Bulgarie, vous tombez régulièrement sur de grandes fresques où est représenté le méchant Turc opprimant le gentil Bulgare. C’est juste de l’Histoire qui émaille le paysage. Vous avez aussi dans certains pays des monuments aux morts (la haine des schleus nous est passée, non ?), des calvaires, des colonnes de la peste, etc. Le problème est l’instrumentalisation de l’Histoire (par exemple la Serbie - au sens national, donc exacerbant les frontières politiques et le champ des Merles) ; cette instrumentalisation obéit toujours au même sens : définir de façon rigide, figée l’identité commune en réinventant de façon arbitraire l’Origine, et en voulant l’imposer par la force en excluant une partie. Le cas hitlérien est à ce propos édifiant ; le wahhabisme est dans la même veine, il est l’islam pur, le vrai.

En réalité, une nation est un assemblage de factions variées qui ne se mélangent pas mais qu’un récit supérieur et transcendant, un mythe au sens qu’Eliade donnait à ce mot, parvient à réunir. 1789, par exemple, voilà un bon récit. Vous avez une population diverse, avec des religions diverses, des croyances diverses, des origines diverses, et qui pourtant, un temps, ont incarné une nation. Parce que très simplement elles croyaient à ce récit. Au point qu’elles pouvaient monter de Marseille au Rhin en sabots avec des bâtons pour défendre et justifier ce récit. Elles étaient le Livre-même, elles le vivaient. (cet exemple démontre que ce n’est pas l’ancienneté de la croyance, l’histoire au sens de durée, mais le fait de croire, son intensité, l’illusionnement en fait qui prédomine.) C’est une sorte de souffle mystique qui porte les foules alors.*

Et donc, c’est par l’adhésion que cela se passe, y croire, et pas du tout par la coercition. C’est comme l’amour, ça ne se décrète pas ; ce n’est pas en mettant deux personnes ensemble d’autorité que ça va le faire. Et quiconque a déjà été amoureux sait bien qu’à ce moment on a des ailes, on est étranger à l’angoisse, etc.

Ce qu’il faut, c’est un récit, un nouveau récit, et à visée mondiale, universaliste. Il y a de beaux récits à écrire, pourtant ; se figure-t’on concrètement que nous descendons du même, qu’il y eut à un moment un hasard improbable ? Que nous sommes 9 milliards aujourd’hui et tous différents, et tous très beaux même dans nos errements (tout ce qu’a été l’homme jusqu’ici ce n’est que ça) ? C’est une belle aventure tout de même, unique, singulière, la trajectoire de l’homme est un roman fabuleux.

(*oui, je sais, le massacre des Vendéens. Et blablabla. Mais je parle ici de ce qu’est une nation et non de comment elle se fait. Avec certains exemples historiques, il est loisible de saisir comment elle se constitue. Le peuple juif est à ce titre la plus belle réussite qui soit, malheureusement depuis peu rapetissée par les minables sionistes ; qu’on songe à cela : un peuple sans terre capable de demeurer durant des millénaires.)


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