Christian Labrune Christian Labrune 21 mars 2017 17:44

@Et hop !
Tout ce que vous écrivez me paraît assez juste, mais me donne un peu l’impression que vous esquissez une espèce d’apologie du christianisme, et j’aurais quand même quelques réticences à vous suivre. Non pas parce que je suis un athée d’origine catholique : je suis quand même bien capable de rendre justice à un système de pensée qui aura produit de grandes choses, et pas seulement des horreurs. Le paradoxe c’est qu’une « bonne religion », d’un point de vue philosophique, cela ne peut être qu’une religion quelque peu corrompue et « mêlée », au sens où Montaigne disait qu’un « honnête homme, c’est un homme mêlé ».
S’il fallait s’en tenir aux dogmes du christianisme peaufinés par tant de conciles, il est très clair que la « vraie » religion serait plutôt celle des réformés que celle des jésuites, un peu comme le véritable islam pris au sérieux, c’est celui de l’Etat coranique à Raqqa. Une « vraie religion », dans le monothéisme, c’est nécessairement une religion fanatique, où la mort compte pour des prunes. Quand le moine Amaury, au siège de Béziers, s’écrie en parlant des hérétiques : « Tuez les tous, Dieu reconnaîtra les siens », peu importe qu’il ait dit la phrase ou que ce soit une invention d’un chroniqueur allemand, elle est parfaitement pertinente, et le bonhomme est tout à fait fondé à dire cela s’il prend au sérieux les textes.
La corruption de la cour des papes au temps des Borgia voire, au Xème siècle, la pornocratie, ce n’était donc pas du tout une mauvaise chose, bien au contraire. Cela reste préférable en tout cas aux entreprises sinistres d’un Savonarole à Florence.
Beaucoup d’historiens ont considéré que c’est la prédication assez intransigeante des curés jansénistes, au XVIIIe siècle, qui aura achevé de vider les églises, et cela se comprend aisément : les braves gens veulent bien faire semblant de croire qu’il y a encore quelque chose après la mort, ça les rassure même un peu, mais il faudrait quand même être aussi fou pour le croire, qu’un crétin tombé dans le jihadisme et qui se fait sauter à la dynamite. Si on leur empoisonne l’existence avec ces fadaises, il vient donc nécessairement un moment où les fidèles se disent que la plaisanterie n’a que trop duré.
Vous opposez le christianisme au judaîsme. Je le connais trop mal pour être à même d’en parler, mais je le trouve quand même beaucoup moins naïf que les deux religions qui en ont dérivé, et beaucoup plus compatible avec l’exercice de l’intelligence critique. Pour adhérer au christianisme, il faut accepter le suicide de l’intellect prôné par Pascal : « abêtissez-vous », dit-il. Et de fait, sans cela, personne n’accepterait d’avaler des énormités telles que le dogme de la divinité de Jésus. Le symbole de Nicée-Constantinople bricolé à partir de la métaphysique de l’UN de Plotin, d’un point de vue intellectuel, c’est une parfaite insanité. Le judaïsme, a contrario, flirte assez constamment avec le scepticisme, et ce n’est probablement pas pour rien que le premier grand penseur de l’athéisme, Spinoza, vient de cette tradition où une incessante activité herméneutique, depuis tant de siècles, oblige à faire fonctionner sa cervelle au lieu de réciter bêtement des formules latines que le peuple, des siècles avant Vatican II, ne comprenait déjà plus.
Cela dit, il y a plus de cinquante ans que je n’ai pas entendu une messe, mais si j’en avais la fantaisie -ne qu’à Dieu ne plaise !- je la préfèrerais quand même en latin !  


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