microf 5 février 2018 14:42

@Gérard Lucon
@microf suite et fin du Discours de Sékou Touré á De Gaule le 25 Aout 1958 á Conakry

" D’aucuns en parlant des rapports franco-africains situent leur raisonnement dans le domaine économique et social exclusivement, et concluent fatalement, compte tenu du grand retard des pays sous-développés d’Afrique, par l’apologie de l’action coloniale de la France. Ces hommes oublient qu’au-dessus de l’économique et du social il y a une valeur autrement plus importante, qui oriente et détermine le plus souvent l’action des homrnes d’Afrique ; cette valeur supérieure réside essentiellement dans la Conscience qu’apportent les hommes d’Afrique à la lutte politique, tendant à sauvegarder leur Dignité et leur Originalité et libérer totalement leur Personnalité. Qui ne sait aujourd’hui que les drames douloureux enregistrés dans l’histoire coloniale française en Indochine et en Afrique du Nord sont interprétés aussi différemment selon que l’on donne la suprématie à l’économie, ou que le Droit à l’indépendance, le respect de la Dignité des peuples sont considérés comme les bases les plus solides de toute association de peuples différents !
Aujourd’hui, en raison de l’évolution de la situation internationale et surtout du giganteque progrès du mouvement de décolonisation dans les pays dépendants, nous pouvons affirmer que la Force Militaire dirigée contre la Liberté d’un pays ne peut plus garantir ni le prestige, ni les intérêts d’une Métropole. Le rayonnement de la France, la garantie et le développement de ses intérêts en Afrique ne sauraient désormais résulter que de l’association libre des pays d’Outre-Mer. L’action économique et culturelle de la France demeure encore indispensable à l’évolution harmonieuse et rapide des Territoires d’Outre-Mer.
C’est en fonction de ces leçons du passé et des impératifs de cette évolution nécessaire, de ce progès général irréversible déjà accompli, de la ferme Volonté des peuples d’Outre-Mer à accéder à la totale Dignité Nationale excluant définitivement toutes les séquelles de l’ancien régime colonial, que nous ne cessons, dans le cadre d’une Communauté Franco-Africaine égalitaire et juste, de proclamer la reconnaissance mutuelle et l’exercice effectif du Droit à l’indépendance des peuples d’Outre-Mer. Certains attributs de Souveraineté qui seront exercés au niveau de cette Communauté devront se résumer en quatre domaines :

  • Défense
  • Relations diplomatiques
  • Monnaie
  • Enseignement supérieur

Un pays qui exclut toute interdépendance dispose de quatre Pouvoirs essentiels :

  1. La Défense
  2. La Monnaie
  3. Les Relations extérieures et la Diplomatie
  4. La Justice et la Législation

Nous acceptons volontairement certains abandons de Souveraineté au profit d’un ensemble plus vaste parce que nous espérons que la confiance placée dans le Peuple Français et notre participation effective au double échelon législatif et exécutif de cet Ensemble sont autant de garantie et de sécurité pour nos intérêts moraux et matériels.
Nous ne renonçons pas et ne renoncerons jamais à notre droit légitime et naturel à l’indépendance car, à l’échelon franco-africain nous entendons exercer souverainement ce droit. Nous ne confondons pas non plus la jouissance de ce droit à l’indépendance avec la sécession d’avec la France, à laquelle nous entendons rester liés et collaborer à l’épanouissement de nos richesses communes. Le projet de Constitution ne doit pas s’enfermer dans la logique du régime colonial qui a fait juridiquement de nous des citoyens français, et de nos Territoires, une partie intégrante de la République Française Une et Indivisible. Nous sommes Africains et nos Territoires ne sauraient être une partie de la France. Nous serons citoyens de nos Etats africains, membres de la Communauté Franco-Africaine. En effet, la République Française, dans l’Association Franco-Africaine, sera un élément tout comme les Etats Africains seront également des éléments constitutifs de cette grande Communauté Multinationale composée d’Etats Libres et Egaux. Dans cette Association avec la France, nous viendrons en peuples libres et fiers de leur Personnalité et de leur Originalité, en peuples conscients de leur apport au patrimoine commun, enfin en Peuples Souverains participant par conséquent à la discussion et à la détermination de tout ce qui, directement ou indirectement, doit conditionner leur existence.
La qualité ou plutôt la nouvelle nature des rapports entre la France et ses anciennes colonies devra être déterminée sans paternalisme et sans duperie. En disant NON de manière catégorique à tout aménagement du régime coloniaI et à tout esprit paternaliste, nous entendons ainsi sauver dans le temps et dans l’espace les engagements qui seront conclus par la nouvelle Communauté Franco-Africaine. En dehors de tout sentiment de révolte, nous sommes des participants résolus et conscients à une évolution politique en Afrique Noire, condition essentielle à la reconversion de tout l’acquis colonial vers et pour les populations africaines.
Le nom de notre Association nous importe peu, ce qui importe sera le contenu de notre Association, la somme des possibilités nouvelles d’évolution qu’elle offrira aux Territoires Africains actuellement engagés dans le grand mouvement d’émancipation qui exige la disparition totale du phénomène colonial et l’établissement d’une ère de liberté vraie, d’égalité et de fraternité agissante.
Monsieur le Président, nous savons que vous vous êtes donné pour mission de sauver l’Unité de la Nation Française. Cette noble ambition, l’effort qu’elle suppose seront à la mesure de votre pouvoir si elle comprend et sait respecter également les points de sensibilisation de l’action des peuples associés à la Nation Française.
En effet, les Territoires actuels d’AOF et d’AEF ne doivent pas être des entités définitives.
L’immense majorité des populations intéressées veut substituer aux actuelles entités AOF-Togo et AEF deux Etats puissants fraternellement unis à la France.
Des considérations humaines et sociales autant qu’économiques et politiques plaident en faveur de la constitution de ces Etats qui seront dotés de Parlements et de Gouvernements démocratiques.
Ces grandes perspectives qui vont pouvoir accélérer l’histoire de nos pays, en leur permettant de transcender les particularismes et les égoismes ou plutôt leurs contradictions internes, demeurent pour notre génération la voie la plus s&ucir;re, la plus directe qui aboutit à la Paix et au Bonheur.
Ces mêmes perspectives, positives pour les Territoires d’Outre-Mer et pour la Grandeur de la France dans le monde, exigeront de nous, Africains, Malgaches et Français, des efforts pIus grands, à la fois plus nobles et plus exaltants que ne l’aurait exigé la solution destructive d’une séparation.
Je rappelle souvent que la vie de l’homme va de zéro à cent alors que çelle de nos peuples est éternelle.
Nous sommes quant à nous Africains de Guinée, sûrs que notre courage et notre loyauté, notre communion d’action créatrice de biens, et notre amour de la Justice et du Progrès sauront conduire, à travers le temps, notre future Communauté avec toujours plus de Puissance, et dans la Prospérité et la Liberté. Pour résumer la position guinéenne vis-à-vis du projet de Constitution qui fera l’objet du Référendum du 28 septembre, nous affirmons qu’elle ne sera favorable qu’à condition que la Constitution proclame :

  1. Le Droit à l’indépendance et à l’égalité juridique des peuples associés, droit qui équivaut à la liberté pour ces peuples de se doter d’institutions de leur choix et d’exercer dans l’étendue de leurs Etats et au niveau de leur ensemble, leur pouvoir d’autodétermination et d’autogestion ;
  2. Le Droit de divorce sans lequel le mariage franco-africain pourra être considéré, dans le temps comme une construction arbitraire imposée aux générations montantes ;
  3. La Solidarité agissante des peuples et des Etats associés afin d’accélérer et d’harmoniser leur évolution.

Dans l’intérêt bien compris des peuples d’Outre-Mer et de la France, nous osons penser, Monsieur le Président, que votre Gouvernement saura proposer au Référendum un projet de Constitution tenant compte, non pas des conceptions juridiques basées sur un régime impopulaire, mais seulement des exigences exprimées par des peuples mûrs, tous solidairement et fermement décidés de se construire un Destin de liberté, de Dignité et de Solidarité fraternelle pour la Communauté Multinationale que sera l’Association de nos Etats, pour l’Unité et l’Emancipation de l’Afrique :

Vive la Guinée !
Vive la France !


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