Philippe VERGNES 19 mars 2018 15:37

@ Bonjour Alinéa,


Exercice ardu... et courageux s’il en est par les temps qui courent que de livrer un témoignage d’une relation avec un « pervers narcissique » tant ce concept a été bafoué ces dernières années, mais est-ce une raison suffisante pour abdiquer face à la récupération honteuse des théories de P.-C. Racamier telle que l’on peut la constater aujourd’hui dans la plupart des médias « mainstreams » ?

Je vous fais part de mon avis sur certains points que vous soulevez dans cet article, mais il y aurait tant à dire que je n’en sélectionne que quelques-uns.

« Ce que j’en ai lu depuis m’a toujours paru émanation d’un cerveau gauche déconnecté du réel et je n’arrive pas à comprendre la motivation des « chercheurs ». »

Tout dépend quels chercheurs... une intervenante m’a dit un jour qu’à côté de Racamier, tous les auteurs qui parlent de la perversion narcissique ne sont que des romans de foire. Sans tomber dans un tel excès de jugement, je dois concéder qu’elle n’était pas loin de la vérité. Nul autre que lui n’a atteint un si haut niveau de description sur ce sujet. En même temps me direz-vous, c’est normal, c’est lui qui en est le découvreur et le principal « développeur » de la théorie.

Les autres chercheurs qui se sont greffés sur lui ont considérablement transgressé sa théorie. Et ce principalement en raison du point que vous soulevez : la plupart des recherches sur le sujet ont été des émanations de cerveau gauche - mental rationnel et serviteur fidèle chez Einstein - bien ancré dans notre société d’aujourd’hui.

Seul Racamier a su sortir des carcans des limitations de ce mental rationnel pour y associer celui du cerveau droit - mental intuitif ou don sacré chez Einstein.

« Je n’arrive pas à comprendre non plus comment on peut baser ses études sur des « pervers » en HP, vu que la plupart d’entre eux n’ont aucune remise en question, qu’ils circulent dans une société dans laquelle ils se trouvent bien, avec une multitude de gens qui les trouvent formidables. »

Si vous pouviez me citer ces études, cela m’aiderait. D’ordinaire, le biais de recherche sur cette problématique est que le p.n. est analysé au travers du regard qu’en portent ses victimes.

« En introduction, je voudrais dire que les mots utilisés pour ce genre de relation, ne me conviennent pas du tout. »

C’est un aspect du problème à ne pas négliger. Moi, c’est un mot pour remplacer celui de « pervers » qu’il me faudrait trouver, car ce dernier n’est plus utilisé que comme simple injure et sa valeur clinique, pourtant si précieuse, s’est totalement diluée dans les méandres de l’injure populaire auquel on a recourt désormais en qualifiant quelqu’un de « pervers ». J’en ai de nombreux, mais les théories dons ils émanent sont totalement inconnues et ne sont pas prêtes a être présentées et acceptées par les « victimes » de ses individus. Du coup, ils n’auraient pas plus d’effet que si l’on pissait dans un violon.

« Le « pervers » ne cherche pas une proie, il la rencontre inopinément ; cette proie est une personne qui, par son regard sur lui, par la réponse qu’elle donne au jeu qu’il veut mener, le déstabilise et le menace, et dont il se défend. »

Attention à ne pas faire une généralité d’un cas personnel, je vous copie/colle ce qu’en dit Racamier dans son texte de présentation de la perversion narcissique de 1985 (édité en 1987), vous en ferez ce que vous voudrez, mais si cela peut vous donner matière à réflexion : 

"En quoi enfin consiste la conduite narcissiquement perverse ? Elle sera toujours une prédation morale. Une attaque du moi de l’autre au profit du narcissisme du sujet. Une disqualification active (plus ou moins habile et subtile) du moi de l’autre et de son narcissisme légitime. Tout le monde connait les techniques de la disqualification ; ce sont des techniques relationnelles (elles n’ont rien de physique ni de corporel), comme l’imposition de dilemmes insolubles ; ou, plus complexes, comme les contraintes paradoxales, ou, plus simplement, comme le désaveu actif de la valeur et de la pertinence de la pensée et de la perception d’autrui. (Qu’on se réfère à ce sujet aux travaux d’Anzieu et de moi-même). Encore faut-il que l’autre, proie ou pigeon, soit pris par surprise (repensons ici à l’importance de la rapidité du prédateur) ; encore faut-il aussi qu’il soit de gré ou de force tenu en état de dépendance.« (C’est Racamier qui souligne.)

Ainsi, cette description correspond en tout point aux dizaines (plus d’une centaine) de témoignages que j’ai pu recueillir au sein d’associations d’aide aux victimes et sur mon blog. N’oublions pas que chaque situation est différente, même si certains stéréotypes comportementaux peuvent en être dégagés.

Les conduites narcissiquement perverses ne sont pas l’apanage des seuls pervers narcissiques. D’autres profils que lui (bien qu’il puisse exister des passages entre les différentes entités »catégorielles« selon un processus que j’évoque souvent dans mes articles) peuvent être encore plus dangereux. C’est le cas du pervers paranoïaque qui présente beaucoup de points communs et quelques subtiles différences avec le pervers narcissique bien qu’il puisse y avoir passage de l’une à l’autre de ces deux pathologies (et parfois même des allers et retours, car un véritable paranoïaque cache toujours sa paranaoïa sous des allures de pervers narcissiques. Cette paranoïa n’apparaît alors qu’en cas de »crise".

Quoi qu’il en soit, de votre témoignage, je comprends maintenant ce qui m’avait gêné dans la lecture de votre premier article sur le harcèlement pour lequel je n’étais pas intervenu : votre pervers narcissique est un grave pervers paranoïaque. A côté d’eux, les pervers narcissiques sont des enfants de cœur !

Pour le lien entre HPI et pervers, selon mes propres recherches, je pense avoir été l’un des premiers à dénoncer ce lien dans les médias (très certainement pas le premier à le faire, car l’idée s’est ensuite propagée comme une traîné de poudre, il faut dire que cet article a été l’un des plus partagée du journal qu’il l’a publié). Dans cet article, j’y parlais surtout de l’intelligence du cœur (le don sacré), mais les contraintes de l’édition (800 mots imposés) ont nécessité plusieurs coupures pour ne garder que ce qui l’intéressait la journaliste en lien avec son dossier. Ce lien reste à creuser. Il y en a encore beaucoup à en dire. Vraiment beaucoup !

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