Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 31 mai 2018 07:00

@Gollum

Non désolé, j’y insiste, le sens originel de passion est bien celui de subir, cad, ce que l’on a pas choisi, ce qui n’est pas volontaire. La souffrance fait partie de ces choses que l’on subit et si la signification de passion s’y est trouvée réduite c’est simplement à cause de la Passion du Christ.
Voici, par exemple, ce que l’on peut lire dans le dictionnaire du CNTRL :
 
"B. − Vx. [P. oppos. à action volontaire] 1. HIST. PHILOS., PHYSIOL. a) ,,Chez Aristote, celle des dix catégories (gr. pathos) qui désigne l’accident consistant à subir une action`` (Morf. Philos. 1980). Un corps en repos ne nous fournit aucune idée d’une puissance active capable de produire du mouvement ; et quand le corps lui-même est en mouvement, ce mouvement est dans le corps une passion plutôt qu’une action (Cousin, Hist. philos. mod., t.3, 1847, p.161)« 
 
Comme je vous le disais, chez les Anciens et même les Modernes, les passions c’est ce qu’on subit, ce qui n’est pas volontaire, c’est donc en particulier les émotions et tous les affects, notamment ceux relevant du sentiment amoureux. Qu’ils fassent souffrir parfois (ou souvent) est ici parfaitement anecdotique et non nécessaire à cette catégorisation.
 
Maintenant la passion au sens actuel, entendue comme une chose à laquelle on s’adonne, peut et doite être comprise comme une chose que l’on subit (c’est un passion au sens ancien) mais à laquelle on consent, à laquelle on dit oui, à laquelle on s’abandonne.
 
Cela peut, bien sûr, confiner à l’addiction qui peut, en effet, amener au »pathologique« notion spécialisée ayant la même origine que passion, à savoir, encore une fois, l’idée de quelque chose que l’on subit, qui nous affecte et qui peut, éventuellement, faire souffrir mais ce n’est pas nécessaire. C’est pourquoi les médecins demandent à leurs patients s’ils souffrent. Car ce n’est pas vrai à tous les coups. Les patients ne sont pas ceux qui souffrent mais ceux »qui-ne-sont-pas-agents« . L’agent ici c’est le médecin et c’est bien pour cela que l’on parle de »prise en charge« .
 
Bref, encore une fois, le sens actuel de passion, qui inclut un oui à ce qui nous envahit, que nous subissons mais que nous décidons d’accepter, à quoi nous acceptons de nous abandonner.
L’idée que ce oui nous coupe de tout le reste et serait donc un non est un pur sophisme.
 
Le Christ disait bien que celui qui veut le suivre doit renoncer à tout, sa famille, ses amis, lui-même. Il n’en reste pas moins que ce »oui au Christ« est un oui plein et entier, un total abandon. Ce n’est pas un non sauf si celui qui en juge ainsi se situe du mauvais côté de la force et, pensant en termes égoistes, se sent rejeté.

Bref, j’y insiste, le oui à la passion qui nous emporte est une soumission et un renoncement à soi, ce que le beau mot d’enthousiasme résume très bien puisqu’il signifie que c’est le divin qui nous visite.
Ce que nous faisons avec passion est a priori bon côté de la force. Ceci dit, un peu de raison n’est pas forcément mauvais pour calmer les ardeurs et ne pas verser dans le pathologique.
 
De manière générale, le oui, qui est soumission à ce qui est, est du bon côté de la force. Ceci n’exclue pas, bien sûr, la rébellion contre l’ordre établi s’il est malsain. Dire non au mal, c’est d’abord consentir à payer le prix du oui à la vérité, le prix de la cruxifiction par le troupeau de ceux qui, manipulés par »les puissances de ce monde« , ne »savent pas ce qu’ils font".

Pour finir, un dernier point de polémique que je propose de reporter à plus tard : les émotions ne sont pas l’âme.


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