Christian Labrune Christian Labrune 27 juin 2018 16:07
@Taverne,

La réponse que vous me faites est tout à fait hors sujet. Le Descartes des Méditations se place sur un terrain qui est celui de la métaphysique. Son projet commence par l’exercice de la tabula rasa : rien n’existe, je ne sais rien. Je ne sais pas s’il existe un monde, je ne sais pas si j’existe, et il faut que je me débrouille avec ce doute absolument radical, hyperbolique.

Vous observerez qu’il y a six méditations comme il y a six jours, dans la Génèse, pour que Dieu ait le temps de créer le monde, et l’auteur insiste lourdement : il ne faut pas en lire plus d’une par jour ! Après la dernière des Méditations, je suppose que Descartes, lui aussi, comme dieu, se sera reposé ! Dans la Génèse, au début, il n’y a rien, seul existe l’esprit de Dieu. Dans les Méditations, la première chose existante sera non pas Dieu, mais l’ego de la cogitation. Dieu n’apparaît que plus tard. Quelle ironie !

Et voilà que vous n’hésitez pas à essayer d’éclairer, si j’ose dire, les propositions logiques fort subtiles de la métaphysique par des considérations tirées de l’expérience la plus triviale : l’éthologie ou le comportement des petits enfants !!! Vous voilà tombé dans ce que les sciences humaines peuvent produire de plus « naïf ». Entendez bien que je ne mets aucune intention péjorative dans cet adjectif, c’est celui dont se sert Husserl dans ses Recherches logiques pour caractériser les sciences de la nature, lesquelles ne se soucient jamais de l’ontologie ou du rapport des mots avec les choses qu’ils désignent. J’entends par là que le spécialiste du comportement des aigles ou des souris ne se pose jamais la question de leur être. Il prend ces choses comme elles lui arrivent, véhiculées par le langage ordinaire de ses semblables pour qui un chat est un chat.

Rien à voir avec la méditation d’un Roquentin sur la plage de Bouville, dans La Nausée, qui s’interroge, lui sur l’être des mouettes qu’il voit voler au-dessus de la mer, ou sur l’être du marronnier dont les racines s’enfoncent dans la terre sous son banc dans le jardin public. Quand il arrive à la conclusion, au terme d’une atroce illumination, que tout cela est « pétri d’existence », c’est-à-dire de contingence, et cela jusqu’à donner la nausée, vous concevrez aisément que ce type d’approche du « réel » n’a aucune espèce de rapport avec le discours ordinaire des spécialistes des mouettes ou des marronniers.

Personne ne vous interdit évidemment de rester dans le monde naïf et faussement évident qui est celui de notre réalité quotidienne et qui constitue l’arrière-plan de toute le réalisme littéraire. Après tout, le métaphysicien lui-même, quand il prend son petit déjeuner, s’interroge rarement sur l’être des tartines, du beurre et de la confiture, tout cela est bien normal et bien légitime, mais pourquoi vous référer à la métaphysique de Descartes et essayer de la faire coïncider avec les platitudes triviales du sens commun ? C’est un peu comme si vous versiez de la nitroglycérine dans votre café au lait !

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