velosolex velosolex 9 septembre 2018 00:06

Cette chanson, « Le sud » elle était en tête du hit parade, comme on disait, à l’époque.Je l’avais aimé dés la première écoute ! Je fréquentais toujours le même café, en 74,sur les docks de Saint-Nazaire !. Je revois le juke box comme si c’était hier. Il suffisait de glisser une pièce, et la machine se mettait en branle, allant chercher le disque de vinyle parmi cent autres.

« C’est un pays qui ressemble à la Louisiane, à l’Italie !…. »

 C’était toujours « le sud », ce printemps là que je choisissais, coincé entre un morceau de Stone et Eric Charden, et un autre de Serge Lama. Je ne m’en lassais pas. Je savais par cœur à l’avance tout ce qu’il allait dire, et c’était comme si tout le texte existait déjà en puissance dans ces premières notes élastiques et ensoleillées.

 Est-ce que je me faisais des idées ? Mais tout le monde semblait touché par la grâce de ce morceau. Ce type avait visé juste ! Les femmes arrêtaient de tirer sur leur cigarette et regardaient fixement les volutes de fumée monter vers le plafond, tentant de camoufler leurs émotions. Et c’était comme si la bulle du mensonge et de la dissimulation éclatait. J’avais envie de parler avec eux de ces choses fragiles, liés au bonheur, à la vie qui passe et aux rêves inaboutis, mais bien sûr, je me taisais, comme les autres.

J’en voulais juste un peu à la vie de m’avoir pas fait la grâce d’être un artiste, de savoir souffler dans une trompette ou d’écrire ce genre de morceau. On n’a pas tous la même chance sur cette terre, non ? Il y avait des prolos et des musiciens, et puis aussi des crèves la faim.

Dieu merci je n’étais pas dans la dernière catégorie. Mais est-ce que j’étais plus heureux pour ça ?Qu’est ce que cette foutue chanson provoquait en moi, je l’ignore ? Mais je devais me cacher pour ne pas montrer mes yeux brouillés par une larme ou deux, que je refoulais, ou que je faisais passer pour un effet d’un rhume, en reniflant, et en me mouchant bruyamment.

« Bon dieu, foutu temps ! » Je faisais.

Et oui, le ciel bas et lourd pesait comme un couvercle, comme disait Leo Férré, qui tenait le secret de Baudelaire. Du coup, j’avais acheté le bouquin des fleurs du mal, en livre de poche. Pour voir !Quand je sortais du bar, en remontant mon col, avec cette pluie fine qui brouillait le paysage, j’étais furieux contre moi-même de me faire avoir de la sorte. Je tentais de me persuader que ma vie avait un sens dans ce que je faisais, et que cette chanson n’était qu’une chanson, rien d’autre !

 Mais les chats, les chiens, les tortues et les poissons rouges du sud continuaient à m’escorter un moment, alors que je regardais les eaux de l’estuaire briller sous la lune et sous les lumières du port. Nantes au loin, ramenait les vers de Barbara, et de la grange aux loups. Cette ville était bonne pour le spleen, mais je l’aimais plus que tout. j’y avais mes repères

C’était bien vrai ; Un jour il y aurait la guerre. On le savait bien mais on ne savait pas quoi faire. Et alors ! C’était un secret de polichinelle. Pas de quoi s’émouvoir comme une minette !

« La vie c’était pas de la tarte ! »

J’avais déjà assisté au pot de départ en retraite de plusieurs collèges. Si jeune de mes 20 ans sentant encore la peinture fraîche, que le nombre de leurs années accomplies me semblait d’une énormité semblable à ce million d’années, dont parlait la chanson !

 Ca me rendait malade d’imaginer que je serais un jour à leur place, m’extasiant en sortant un vélo tout neuf, acheté à Manufrance. « En espérant que tu profite longtemps de ta retraite, vieux ! »

Bon dieu ! Est-ce qu’il faudrait attendre si longtemps pour atteindre le sud ?

A moins bien sûr qu’il n’y ait la guerre !


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