Le marché va être celui par qui le malheur arrive. Paolo Savona, le ministre des Affaires européennes, vient de prédire que la situation deviendra intenable pour le gouvernement italien, qui devra revoir la copie de son budget, lorsque le spread atteindra 400 points. Hier, il culminait à 320 pts avant de redescendre à 300.
Il s’agit bien entendu du spread qui mesure l’écart entre les taux obligataires allemands et italiens à 10 ans. Son poids s’annonce d’effet plus radical que l’examen budgétaire de la Commission, qui pourra se décharger devant ce verdict. Quelques déclarations bien senties dramatisant la situation pourront y contribuer, à moins que les investisseurs n’arbitrent autrement, de peur d’encore plus redoutables conséquences européennes, et refusent d’entrer dans ce jeu.
Le spread atteignant 400 pts, le coût cumulé du financement du déficit et du roulement de la dette – le financement de l’achat de titres pour remplacer ceux qui arrivent à maturité et doivent être remboursés – rendra inévitable le remaniement du budget, sauf à faire défaut. Ce niveau atteint, un cercle vicieux irrésistible aurait toutes les chances de s’enclencher, le spread continuant à grimper si rien de décisif n’était fait.
La bonne question que l’on se pose au sein du gouvernement, c’est comment contenir l’accroissement du spread. La France regarde tout cela très attentivement, elle aussi. Les banques italiennes sont déjà mises à contribution par leurs achats de la dette obligataire du pays et leurs liquidités sont restreintes en raison de leur détention de prêts non performants, les NPL. Compter sur l’intervention directe de la BCE est faire preuve d’un grand optimisme. C’est pourquoi Matteo Salvini, sortant de ses prérogatives de ministre de l’Intérieur, s’est intéressé ouvertement à l’épargne des italiens et aux moyens fiscaux de l’orienter vers des achats obligataires.
D’ici la fin de l’année, le gouvernement va devoir émettre de 37 à 40 milliards d’euros de titres de la dette dans le contexte des dégradations de la note de Standard & Poor’s et de Moody’s qui sont attendues dans les semaines à venir. Et, pour donner un ordre de grandeur des besoins de refinancement de la dette à moyen et long terme, 245 milliards d’euros devront être trouvés l’année prochaine. Alors que dans le même temps, la BCE réduira son programme d’achats de titres obligataires. Faire référence au poids de la dette italienne, ce n’est pas une figure de style !
L’Italie n’est pas la Grèce. C’est un très gros morceau et un poids lourd économique très sérieux, quoique l’on puisse penser. Penser régler la question en traitant ses dirigeants actuels de « populistes » est inopérant. Le fond est ailleurs. Il nous concerne aussi. France, Allemagne, Espagne, Portugal, sur fon de politique migratoire criminelle et imbécile qui vient très sérieusement aggraver et compliquer une situation qui l’est déjà. Je dirais que les frontières de l’imbécillité sont élastiques jusqu’à un certain point : leur rupture ou le point éclair, comme les mélanges explosifs...
Continuons.
Spéculer sur un assouplissement de la politique allemande est de moins en moins réaliste. Sous le triple impact des menaces de Donald Trump de taxations des voitures européennes – qui ne sont pas abandonnées – de la sortie de l’Union sans accord du Royaume-Uni, et de la mise en cause à grande échelle du diesel dans le pays, l’industrie allemande de l’automobile ne va plus être en mesure d’apporter son importante contribution aux exportations et à la croissance. Une raideur gouvernementale accrue s’imposera tout au contraire, ruinant les attentes des gouvernements espagnols et portugais qui vivotent et ne parviennent pas à remonter la pente, à relancer l’investissement qu’ils ont sabré, et à réévaluer les retraites et les salaires qu’ils ont diminués pour cause de plans de sauvetage.
Je vous raconterai la suite très bientôt.
Cordialement,
Renaud Bouchard
Source : F. Leclerc https://décodages.com/2018/10/10/le-scenario-italien-commence-a-prendre-tournure/#more-104784
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