Christian Labrune Christian Labrune 17 novembre 2018 11:48

"la paternité m’a changé totalement.

« 

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à l’auteur,

Très drôle, ce morceau d’une phrase que vous citez. Autrefois, on faisait des enfants parce qu’on ne pouvait pas s’en empêcher, parce que les »funestes secrets« touchant à la contraception, dont ont parlé quelques démographes, ne se sont répandus qu’à l’époque classique. Quand on se retrouvait avec des moutards sur les bras, et souvent sans les avoir désirés, on assumait, et le plus souvent ça se passait tant bien que mal, dans les limites tragiques de l’humaine condition.

En général, on faisait des enfants à un âge où l’on avait l’illusion d’avoir l’éternité devant soi ; on ne pensait évidemment pas qu’on allait donner naissance à de pauvres bougres qui seraient demain (un siècle, qu’est-ce que c’est !) des vieillards dont on serait directement responsable de la mort. Mais dans l’exaltation un peu idiote de la jeunesse, on n’y avait pas même pensé et cela restait donc excusable. Madame de Sévigné vieillissante, en proie aux rhumatismes, écrit à sa fille Madame de Grignan qu’elle aurait bien préféré »mourir entre les bras de sa nourrice« . On pourrait lui faire remarquer que c’est à sa fille qu’elle écrit ça, laquelle serait bien fondée à penser pareillement dans quelques années : » je suis embarquée dans la vie sans mon consentement ; il faut que j’en sorte, cela m’assomme".

Mais Madame de Sévigné n’a jamais « voulu » la naissance de sa fille, encore moins sa mort ; il y des choses qui se font, au plumard, sans qu’on y pense.

Depuis la possibilité d’une contraception devenue très efficace, ceux qui n’y ont pas recours peuvent être tenus pour responsables de la mort de leurs enfants. Ils ont voulu leur vie, et « sans [leur] consentement ». Il leur ont donc fait cadeau d’un beau fruit, sans pouvoir ignorer qu’il était déjà rongé par les vers de l’intérieur.

Que la paternité ait « changé totalement » cet olibrius, on s’en fout complètement. Si on fabrique des enfants, c’est-à-dire de futurs cadavres pour se soigner parce qu’on ne va pas bien, il vaudrait mieux recourir à la médecine et à la psychiatrie. Voire se suicider : un suicide est moins grave qu’un meurtre.

Ce que je dis vaut pour les hétérosexuels mais devient encore plus préoccupant lorsqu’il s’agit des homosexuels. Pour les défendre lorsqu’ils ne se souciaient pas encore d’être « comme tout le monde », on aurait pu dire : au moins, et même sans contraception, ils ne tueront personne. Mais voilà que cet avantage moral qui compensait la désapprobation dont ils étaient victimes, ils viennent de le perdre

de la manière la plus idiote.

On trouvera la lettre de Madame de Sévigné que j’évoquais à cette page :

https://fr.wikisource.org/wiki/Lettres_choisies_(S%C3%A9vign%C3%A9),_%C3%A9d._1846/Lettre_93


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