Laconique Laconique 10 août 2019 13:22

@Gollum

Vous vous rendez compte, Gollum, que vous êtes en train de défendre l’art chrétien d’édification ? Je n’aurais jamais cru ça de vous. On dirait que vous me contredisez pour le plaisir de contredire. La prochaine fois je vais écrire un article contre la papauté, et vous viendrez dire que c’est une institution merveilleuse. A vous lire, on vous imagine passer vos prochaines vacances au Vatican, du Bach dans les oreilles, en train d’admirer les chefs-d’œuvre de Michel-Ange et Raphaël, et venir après écrire quel art merveilleux cela représente. Ma foi, tant mieux, tant mieux…

 

Dostoïevski c’est de la littérature et pas du cinéma. L’article porte sur le cinéma. Que vous le vouliez ou non, le cinéma opère une transmutation du propos, il intègre tout dans sa grammaire propre, dans ses contraintes techniques (images animées, sons). Il manipule la seule dimension qu’il est apte à saisir : l’apparence extérieure. « L’image est du domaine de la réalité. Elle ne peut absolument pas transmettre quoi que ce soit de l’ordre de la vérité. Elle ne saisit jamais qu’une apparence, qu’un comportement extérieur », Jacques Ellul, La Parole humiliée. Je crois qu’il y a eu des adaptations russes des œuvres de Dostoïevski au cinéma. Elles ne sont pas restées dans l’histoire. Et on imagine aisément ce que cela donnerait : tous les traits seraient grossis pour faire passer le propos, on verrait Fiodor Karamazov la bave aux lèvres, Ivan ténébreux et mutique, Raskolnikov égaré comme un zombi, etc. Toute la substance du propos aurait non seulement disparu, mais serait radicalement altérée. Parce que c’est le seul langage que le cinéma maîtrise : l’émotion, l’extérieur, le frappant, etc. A titre de curiosité je me suis renseigné sur les films chrétiens mentionnés par l’intervenant ci-dessous : War Room, Facing the giant, Dieu n’est pas mort, etc. Je ne veux manquer de respect à personne, mais c’est édifiant. C’est toute la vision du monde hollywoodienne, et cela ne peut pas être autrement : la famille, les liens familiaux, les drames, surmonter les obstacles pour réussir dans ce monde, etc. C’est-à-dire, proprement, le contraire du message évangélique : « Qui ne quitte pas sa femme, ses enfants pour me suivre n’est pas digne de moi », etc. Il y a eu un film sur saint Paul récemment, et que voit-on : saint Paul prisonnier, saint Paul déterminé comme Rambo, saint Paul ému au bord de l’extase, des rayons de lumière dans la cellule, etc., c’est-à-dire précisément ce que l’image peut saisir, et saisit toujours, quel que soit le sujet. Et tout le contraire de la doctrine de Paul, qui est une doctrine de l’être, de la liberté, et non du subi, du circonstanciel.

 

Je prends ce problème du cinéma très ai sérieux, parce que j’aime beaucoup le cinéma. Ce n’est pas anodin, c’est de la substance même des choses qu’il s’agit. Jacques Ellul a consacré un ouvrage sur le statut de l’image dans le monde moderne, La Parole humiliée. J’ai consacré un article à ce sujet, je vous invite à aller voir, ne serait-ce que pour les citations d’Ellul que je mets dessous. Eh bien le Dieu biblique est un Dieu qui se révèle par la parole. Si on le change en image, on ne tombe pas forcément dans l’idolâtrie (quoique), mais en tout cas on subvertit radicalement le message, par la force des choses. On fait rentrer l’Indicible, le Vivant, dans notre mode d’appréhension, pour le posséder, le conserver, le manipuler à notre guise. Ellul explique tout cela en détail. Je suis même surpris que quelqu’un de versé dans les doctrines spirituelles comme vous ne soit pas plus au fait des données du problème. Encore une fois, j’ai l’impression que vous contredisez pour le plaisir de contredire.


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