velosolex velosolex 8 novembre 2019 16:35

@Old Dan
Voilà que j’ai trouvé un texte d’Alexandre Vialatte, précisément sur « Le palmier en bretagne » issu de ses mémoires apocryphes, trouvé derrière le calvaire de Locronan

On ne sait comment le palmier est arrivé en Bretagne. Pas plus que l’Auvergnat ou le Breton à Paris. Peut être par le train tout simplement.. Peut être était ce un mythe, une légende des siècles chère au vieil Hugo ?. Était ce la peine de faire le voyage, et de préparer un thermos et un casse croûte au bleu d’auvergne ?
Heureusement j’ai des archives, de la documentation. Mais je n’ai rien trouvé dans le mémoires de Jules César, ni dans les dix dernières éditions de l’almanach Vermot, après avoir épluché le journal des familles. 
Personna non grata ! J’ai téléphoné au commissariat de Fougères. L’adjudant qui avait une voix rocailleuse m’a renvoyé au chef de gare. 
J’ai regardé les tableaux d’artistes locaux afin de voir quelques palmiers se dresser sur les boulevards. Rien ! Que des chapeaux ronds, et des menhirs et des dolmen bas du front. Les cartes postales ici n’ont pas l’imagination des bretons. On ne voit que la mer, les rochers, les pécheurs à pied. Le typique s’impose partout dans les rues, tout autant que les triptyques sculptés dans les chapelles. C’est là que j’ai vu une représentation de Jésus, entre deux palmiers. Verts. Et très hauts. 
La Judée est un finistere sud de la terre sainte. Et à Pleyben on a hissé Marie sur le calvaire comme sur le mont Golgotha avec son ventre rond. 
Parfois on voit des petits mendiants et des femmes en coiffe faisant semblant de regarder ailleurs, avec une poésie de Botherel, le poète du cru, pour agrémenter, et donner de la hauteur à l’âme, mais pas de palmiers. 
 On préfère faire des photos de famille à proximité d’un calvaire, d’une chapelle, ou près de la roche tremblante, dans la forêt d’Huelgoat, avec des farfadets vous passant entre les jambes. Les Bretons cassent leurs noisettes ainsi, en s’arquant sur leurs jambes, et l’aide d’un pierre de cent tonnes. 
Gauguin s’est refusé à peindre les palmiers de Pont Aven. Il préférait les bergères, les jolies filles aux cheveux d’or et aux seins lourds. Ou peindre un christ couleur moutarde de Dijon. Il s’est trop laissé aller aux galettes et à boire du cidre. Le regret d’avoir raté les palmiers de Matisse le taraudera toute sa vie. Plus tard il les approchera à Arles furtivement, avant de s’en faire une débauche aux Marquises, transformant les filles à la peau satinée en Bretonnes et en princesses sans dentelles, livrées à la mer et aux divinités locales. 
Enfin j’ai trouvé un palmier.
Il se cachait au fond d’un parc botanique, à Dinan, profitant de l’abri d’un kiosque à musique où deux braillards, armés de cornemuse, égayaient les enfants farauds en costume marin.
C’est un mystère de voir ces grandes gigues, balancer leur feuillage, dans ce pays de vent, où l’on tient son chapeau.
Le dur, le roc, tout ce qui résiste à la pression tient lieu de fierté dans ce pays têtu, s’en faisant une fierté. Cette souplesse n’est elle pas comme une provocation, un manque de religion ? Voilà ce que dit du palmier parait il monseigneur l’évêque du coin….
Sans doute juge t’il que ce grand roseau, trop long pour qu’on en fasse un balai de ferme, est une sorte d’hérésie amenée par le diable ou quelque parisienne étrange, telle Sarah Bernard à Belle ile….On murmure sous le manteau, que ses palmes serviraient aux danseuses des folies bergères, roulant des hanches comme Joséphine Baker, dans la ville lumière qu’on a jamais vue .. C’est le lot du Breton d’avoir un imaginaire débridé autant que la mer aux équinoxes, avant d’aller à confesse, alors que l’honnête homme ne fait que regarder, et agiter sa badine, en regardant les palmiers du parc, et les canards dans le plan d’’eau.
Il faudra du temps pour que le palmier soit apprécié par le bas Breton. Et que Lucien Botherel, le rouge gorge du pays, perde de sa valeur et de son chant, pour figurer enfin à sa place sur les cartes postales.
Et c’est ainsi qu’Allah est grand !


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