njama njama 11 novembre 2019 13:46

Islamophobie : la fabrique d’un nouveau concept. État des lieux de la recherche
Houda Asal, Dans Sociologie 2014/1 (Vol. 5), pages 13 à 29, Mis en ligne sur Cairn.info le 02/05/2014

[.........] Conclusion
Les questions posées par la définition de l’islamophobie montrent comment les sciences sociales se (ré)approprient un sujet polémique dans le débat public. Dans la recherche anglophone, la plupart des études sur l’islamophobie se citent mutuellement pour faire le point sur les débats de définition, avant d’ajouter une pierre à l’édifice. Cet effort donne à voir la fabrique d’un nouveau concept, et révèle la prudence, les tâtonnements mais aussi un certain engouement des sciences sociales face à l’islamophobie. Dans un premier temps, cet état des lieux visait à faire entendre en France les échos d’un débat scientifique qui nous semble le préalable à toute recherche ultérieure sur le sujet. Les publications sur l’islamophobie continuent à englober des réalités extrêmement variées, ce qui peut parfois poser un problème de cohérence. Cependant, nombre d’auteurs assument que le terme ne soit pas strictement défini et considèrent que les différentes perspectives de recherche donnent un aperçu large de ce qu’est l’islamophobie. Nous avons choisi de participer à cet effort de conceptualisation, en analysant les usages et définitions de l’islamophobie dans la recherche scientifique et par d’autres producteurs de discours. Comme tous les concepts, l’islamophobie mérite d’être critiquée, analysée, contestée, mais il est désormais difficile d’ignorer qu’elle s’est largement imposée dans les discours publics, y compris en France [30]. Dans le sillage des travaux sur la socio-histoire des concepts, ces réflexions vont au-delà de la simple entreprise de sémantique. Aborder la question musulmane en enquêtant sur le terme islamophobie, vise à montrer que l’usage des mots, « produits et diffusés par différents acteurs sociaux, contribue à la “production de la réalité sociale” » (Dufoix, 2011, p. 27). Or, l’hésitation à nommer reflète la difficulté à appréhender la spécificité d’un phénomène de racisme qui vise les populations musulmanes, sur la base de leur appartenance religieuse. Peut-être est-il temps d’ouvrir, parallèlement à un débat sur l’usage du terme, un champ d’investigation sur l’islamophobie en France.

https://doi.org/10.3917/socio.051.0013


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