pemile pemile 23 mars 2020 17:32

"Ce traitement aurait un effet spectaculaire sur la charge virale – le nombre de copies du virus dans un fluide –, permettant de diminuer le risque d’aggravation de la maladie. En France, le Professeur Raoult de l’IHU de Marseille, l’un des plus imminents infectiologues au monde, n’a de cesse de défendre ce médicament et de justifier de son effectivité dans le traitement du Covid-19."

Mais que vaut son étude ?

Une synthèse pas trop mal de son « étude » et des nombreux biais.

 

  • L’étude est réalisée en open-label, c’est-à-dire sans procédure d’aveuglement (le patient et le médecin savent qui est dans quel groupe, ce qui expose à des biais majeurs) et sans randomisation (ce qui veut dire que les potentiels facteurs de confusion ne sont probablement pas exclus).
  • Les objectifs de l’étude sont beaucoup plus modérés que les interventions du Professeur Raoult dans les médias. On peut alors y lire « nous évaluons le rôle de l’hydroxychloroquine sur les charges virales respiratoires », le but étant de les abaisser. Pourtant, un article paru dans le journal Nature concernant l’étude de maladies respiratoires telles que celles induites par le SARS-CoV-1 ou le MERS-CoV concluait, en 2016, que les formes les plus graves étaient associées à une baisse de la virémie. Cela pousse à redoubler de prudence lorsqu’on entend le Professeur Raoult s’exclamer sur YouTube « si vous n’avez plus le virus, vous êtes sauvé », alors même que, nous le verrons plus bas, l’état clinique des patients n’est pas décrit dans son essai.
  • L’équipe s’était fixée comme objectif secondaire de suivre l’évolution de paramètres comme l’apyrexie, la normalisation de la fréquence respiratoire, la durée moyenne d’hospitalisation et la mortalité. Ces données fantômes sont totalement absentes du papier.
  • Les patients ont été traités soit par de de l’hydroxychloroquine seule, soit par un antibiotique (l’azithromycine) avec de l’hydroxychloroquine, soit ils n’ont pas été traités (groupe témoin). Pas de traitement contre placebo, donc. D’emblée, on sait que tout ce qu’on pourra tirer de cette expérience, c’est une comparaison entre deux traitements et un non-traitement, pas entre un traitement et un simulacre, ce qui est pourtant essentiel pour connaître l’effet propre de ce qu’on pense être un « médicament ». De plus, le groupe témoin ne se trouvait pas sur le même site que le groupe traité.
  • L’échantillon est petit avec 26 patients initialement (seulement 20 à la fin de l’étude), ce qui est trop faible pour obtenir des résultats robustes contrairement à ce qu’affirme le Professeur Raoult. Les lois des probabilités ne changent pas, même en temps de pandémie.
  • On ne connaît ni l’état clinique ni la charge virale initiale des patients. L’état clinique reste aussi inconnu à la fin de l’étude. De plus, les tests de charge virale donnent des résultats variables selon les jours (un coup positif, un coup négatif puis de nouveau positif). On peut donc légitimement remettre en question la fiabilité actuelle de ces tests. 
  • Le suivi devait durer 14 jours, mais les résultats présentés ne vont que jusqu’au 6e jour, ce qui n’est clairement pas normal.
  • Certains critères d’exclusion (comme ne pas intégrer d’enfants de moins de 12 ans) ne sont pas respectés. 
  • Certains patients ont été considérés comme « perdus de vue ». Cela arrive habituellement, mais ici ce sont les auteurs qui ont fait le choix de les exclure. On découvre alors que tous ces patients faisaient partie du groupe chloroquine. Trois ont été transférés en réanimation, un est décédé, un patient n’était, finalement, peut-être pas malade, et un patient a souhaité interrompre son traitement en raison de la survenue d’effets secondaires. On s’étonne que les trois patients en réanimation n’aient pas été suivis.
  • Son papier ne respecte pas les bases éthiques d’une publication scientifique. L’étude est publiée dans un journal où l’éditeur en chef travaille sous les ordres du Professeur Raoult, dans le même institut. Aussi, précisons que le document a été reçu le 16 mars, accepté le 17 mars et publiée le 20 mars.

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