zerdi (---.---.154.208) 14 avril 2007 15:16

Par ce que ... Quand trop de sécheresse brûle les cœurs, Quand la faim tord trop d’entrailles, Quand on rentre trop de larmes, Quand on bâillonne trop de rêves, Et comme quand on ajoute bois sur bois sur le bûcher, Enfin, il suffit du bout de bois d’un esclave pour faire dans le ciel de Dieu Et dans le cœur des hommes Le plus énorme incendie.

« Mouloud Feraoun »

Un mouton dans la baignoire, Azouz Begag, Fayard, 2007

Zoé Castillex mercredi 11 avril 2007

Azouz Begag est un écrivain, un vrai. Son livre est un témoignage irremplacable des arcanes de l’Etat. Pas une charge au vitriol contre Sarkozy, pas une bessonnerie de droite. Un livre, un vrai.

On nous avait annoncé le brûlot au vitriol contre Sarkozy. Les médias, avides de jeux du cirque, rêvaient d’une sorte de Besson de droite. Les sarkozystes, toujours prompts à dégainer, avaient demandé, et obtenu, sa tête. Ils seront tous déçus. Mais les amoureux de littérature vont adorer ce mouton dans la baignoire.

Car le livre d’Azouz Begag est d’abord un superbe livre. Le ministre de l’égalité des chances (et pas de l’intégration, on vous dit !) s’est souvenu qu’il était écrivain. C’est d’une langue inventive, créative, malicieuse, frondeuse, taquine, modeste et souvent émouvante qu’il nous conte ses mésaventures dans la cage des politiques.

C’est tout le mandat de Villepin qui nous est raconté, vu par une sorte de Monsieur Hulot (l’autre) des Aurès qui aurait pu assister au conseil des ministres, un gône ultrasensible, hyper fier de faire entrer avec lui tous ses ancêtres sous les ors de la République, heureux de faire entrer la banlieue au sommet de l’Etat, observateur attentif (il est sociologue, aussi, le bougre) des agissements des uns et des autres. Tenaillé, aussi, par la frousse, réveillé toutes les nuits, habité par cette « pierre » qui s’ébroue dans son estomac.

On se dit qu’il en faut, de l’estomac, pour survivre dans ce monde là, où la victoire, pour être définitive, passe immanquablement par l’anéantissement politique, médiatique et psychologique de l’adversaire. Il faut être bien sûr de soi, ou poète, pour en sortir intact.

La gauche en prend pour son grade, aussi. Combien de députés Noirs ou Arabes dans ses rangs ? Pourquoi cette conviction d’être les dépositaires légitimes des votes populaires et de ceux des banlieues ?

Du coup, devant tant de verve et tant de malice, on en vient à se demander comment un tel homme a pu être un ministre aussi peu existant. Et on trouve dans ce livre des informations plus profondes encore qu’il n’y paraît. Et tout d’abord sur le fait qu’Azouz Begag, ministre sans portefeuille (sans administration ni budget) estime, lui, avoir bien œuvré... et qu’on est tenté de lui accorder ce crédit.

On se rend compte aussi de combien le pouvoir est codé, combien il est difficile à qui vient de la société civile de saisir les règles des relations entre ministres, des relations avec le parlement, de la communication avec la presse (pas d’annonce importante le vendredi, enfin !).

On voit aussi la violence des rapports entre ces hommes. On voit le poids des disciminations, comme cet huissiers du Sénat, un jour de questions au gouvernement, qui ne veut pas laisser rentrer cet Arabe qui se prétend ministre et qui, voyant un garde du corps qui l’accompagne, au lieu d’entrevoir son erreur s’écrie : « Et vous êtes armés, en plus ! ». Une mélasse de préjugés dont il faut s’extraire au quotidien. Les gages à donner aux collègues pour prouver qu’on n’est pas ministre des Arabes.

Et puis, bien sûr, quand même, la fatwa sarkozyste. Les injures envers ce « villepiniste » qui a osé dire que l’on ne pouvait pas traiter les jeunes de banlieue de « racailles » quand on était ministre de la République. Et qui s’est attiré de ce fait la haine inextinguible de Sarkozy.

Extrait : « Tu es un connard ! Un déloyal ! Un salaud ! Je vais te casser la gueule ! Tu te fous de mon nom... [1] Azouz Sarkozy ! Je vais te montrer, moi, Azouz Sarkozy... Tu te fous de mon physique, aussi, je vais te casser la gueule, salaud ! Connard ! » Il y a cela, bien sûr, et la confirmation de la paranoïa, de la violence et de la colère permanente du ministre de l’intérieur. Mais il serait regrettable de réduire ce livre à cela. il y a trop de petites gens, d’ancêtres algériens à qui on envoie, en vain, des SMS, peut-être pas si vains que cela. D’amour de la France, d’amour de Lyon, d’amour de l’humanité...

Parce que l’essentiel est quand même que : « De jeunes Africains quittent leur misère pour aller se perdre dans les mains des faux passeurs qui les arnaquent dans les sables du Sahara, dans le détroit de Gibraltar, dans les courants de la Méditerranée, à Lampedusa. Les passages vers l’Europe regorgent de cadavres d’êtres humains en quête d’humanité ».

Merci Azouz


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