Stupeur Stupeur 29 mai 2020 10:10

K., incarnation de tous les parias
par Marc Crépon
 
« Günther Anders souligne que les récits de Kafka se distinguent par ce qu’il appelle leur « vue aliénante », laquelle consiste à rendre les objets et les êtres étrangers à eux-mêmes, à les déformer à l’excès donc pour faire apparaître telle quelle l’aliénation qui caractérise le monde contemporain. Leur pouvoir, écrit-il, tient tout entier dans leur évocation de ces choses, de ces événements et des ces comportements qui sont d’autant plus horribles et stupéfiants que nous ne savons plus nous en étonner et nous indigner.
(...)
De K., elle [Hannah Arendt] fait un héros qui « ne lutte que pour des choses qui semblent octroyées à l’homme dès sa naissance », à savoir « ce minimum requis pour l’existence humaine », qu’il espère voir reconnu comme un droit - et non comme la grâce d’un pouvoir souverain, maître d’un droit d’asile arbitraire qui vaut comme droit de vie ou de mort. Alors que tant d’hommes et de femmes, de par le monde, se voient privés de ce droit, elle fait du héros de Kafka la figure emblématique des parias de notre temps, « le seul, écrit-elle, qui ait encore l’idée de ce qu’est une simple vie humaine dans le monde ». »

 
Le Magazine Littéraire
janvier 2014 | Dossier « Kafka coupable d’écrire »


Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe