Octave Lebel Octave Lebel 18 juillet 2020 19:39

Merci pour cette très belle iconographie et ses photos de grande qualité où se côtoient des formes d’art sublimes et de véritables escroqueries artistiques, morales et politiques.

Morales au sens où certains de ces fabricants n’ont même pas le courage de dire à quoi ils jouent et détournent l’art de la provocation dont la véritable vocation est de dénoncer l’art officiel, celui aussi de l’extrême exposition médiatique et de la complaisance qui conduit dans une exubérance narcissique à l’enfermement et la stérilisation de la création. L’art des commanditaires en recherche de notoriété, celui qui intéresse la spéculation financière et le marché de l’art alimenté par certains galeristes et marchands d’art, celui des bienfaiteurs sanctifiés par les médias qui assurent leur promotion à l’aide d’aides fiscales prélevées sur l’argent de notre travail et de nos impôts, celui quelquefois de la commande publique et des politiques qui faute de briller par leurs contributions à la société espèrent ici bénéficier d’un peu de lumière. Et nous éblouir un peu ? Sans oublier de dire, que cet aréopage bigarré applique les mêmes recettes aux œuvres patrimoniales et à celles qui le deviendront peut-être tout en rejetant dans l’ombre de véritables pépites.

 A ne pas confondre avec ceux comme Marcel Duchamp et son urinoir qui lançait entre autres une alerte pour dénoncer ce système naissant qu’il tournait en dérision, qui a fait bien d’autres choses et n’a pas fait fortune. Comme toujours, cette audace a été détournée, singée jusqu’à la surenchère faute de véritable talent et créativité à proposer et je pense aussi avec une certaine jubilation de berner la fatuité et la cupidité des catégories cités précédemment. Avec également un sens des affaires bien réel. Des amateurs de canulars n’ont pas raté l’occasion. En 1910 l’âne Lolo, encouragé par l’écrivain Roland Dorgelès, peignit (avec sa queue) un « Coucher de soleil sur l’Adriatique » qui fut présenté au Salon des Indépendants à Paris. On croit entendre le rire de Rabelais. A leur décharge, les critiques d’art furent prudents ce jour-là.

L’art depuis toujours fascine et dérange aussi. Il parle de nos sensibilités propres, les goûts et les couleurs comme on dit et aussi de son époque et survit également à travers le temps ou quelquefois renaît de l’oubli. Il parle au-delà de nos contingences et de nos croyances qui passent et évoluent. Le grand Rembrandt fut critiqué en son temps d’avoir peint l’écorché d’un bœuf observé dans un abattoir puis tancé par de grands bourgeois se plaignant de ne pas se voir assez majestueux dans « La Ronde de nuit » qui nous coupe encore le souffle aujourd’hui. Michel Ange, peignant le plafond de la Chapelle Sixtine se fit taper sur les doigts par le pape. Trop de belles chairs épanouies. Un temps, il y eut des toiles pour masquer ce qui troublait tant les censeurs.

Heureusement l’art comme la vie qui l’inspire ne se laisse pas durablement embrigader. Il ne marche pas au pas ni sous un drapeau. Le psychologue Abraham Maslow (Vers une psychologie de l’être 1968) a pu dire sans provocation parce qu’il le pensait profondément qu’il avait quelquefois trouvé plus d’art dans la soupe d’une cuisinière inspirée que dans des « œuvres » accrochées aux cimaises de galeries spécialisées. Il n’y a bien entendu pas d’art accompli possible sans désir, travail et apprentissage persévérant. L’art est partout, éphémère ou durable. Il nous interpelle, nous apaise, nous inquiète, nous bouscule, nous apporte de la sérénité, nous fait peur, nous pousse à la méditation, nous parle de nous et des autres et de ce que nous ignorons chez les deux avec un langage qui dépasse celui de l’agencement des mots de nos langues. Tel est fasciné par l’énergie des tableaux de Kandinsky comme par la beauté plastique et la lumière des tableaux de la Renaissance et reste dubitatif sur l’ultra noir chez Soulages. J’en suis. Tout en appréciant d’en parler avec un ami qui perçoit lui la luminosité de l’ultra noir et apprécie comme un enfant avec moi les tableaux de la famille Breughel, de cet allumé de Johann Bosch, du magicien William Turner,du japonais Hokusai si près de la nature et de la vie des hommes, la force expressive d’un masque africain...

Les artistes nous font participer à l’acte de création, c’est leur magie, nous qui ne sommes pas de véritables créateurs en chatouillant la petite fibre que nous avons tous comme nous avons tous une vésicule biliaire comme nous l’a rappelé A Maslow. Faut-il préserver l’art et la création ? Bien sûr que oui, et il y a beaucoup à faire et à défendre. Mais ne nous y trompons-pas, il se préserve aussi tout seul, il est partout. Il suffit de sortir de chez soi pour le rencontrer. 

 


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