Stupeur Stupeur 28 janvier 2021 15:02

Merci Nicole smiley

 

Des châteaux de pierre...

et des châteaux de papier :

 
« K., à son arrivée au village, ne parvient pas à voir le Château : « La colline du Château restait invisible, le brouillard et l’obscurité l’entouraient, il n’y avait pas même une lueur qui indiquât la présence du grand Château. K. s’arrêta longuement sur le pont de bois qui mène de la route au village, et resta les yeux levés vers ce qui semblait être le vide » »
 (...)

« K. n’est pas architecte, comme Dédale, il est simplement « géomètre » ou « arpenteur ». Son métier, Landvermesser, consiste à « mesurer le pays ». Ainsi que le remarque Edouard Gaède, « mesurer, c’est d’une certaine manière , écrire ; écrire, c’est toujours - du moins pour nous - mesurer : mesurer le pays en termes de soi-même, mesurer le monde à l’aune de l’homme, « mesure de toutes choses » ». Le Château décrit un univers de papier, de paperasses, de lettres périmées et sans valeur, de dossiers inutiles. Quelques épisodes burlesques signalent l’inquiétude de Kafka quant à la validité de toute cette activité écrivassière : celui du bureau de Sordini, où l’on entend, à de courts intervalles, le fracas des liasses empilées qui s’effondrent (95), ou celui de la distribution des dossiers, au petit matin, dans le désordre, la confusion, l’arbitraire, au milieu des réactions de fonctionnaires qui se comportent plutôt en collégiens (chapitre 24). Le roman mène incontestablement une réflexion sur l’écriture, sa vanité, et le devoir de s’y adonner. K., de même que Kafka, connaît « le tourment de l’artiste exilé de son oeuvre au moment où celle-ci s’affirme et se referme », le tourment de l’ inaccomplissement, de l’inachèvement. »

 Taillade Nicole. L’œuvre littéraire et le labyrinthe (Le Château de F. Kafka, L’Aleph de J.L. Borges, L’Emploi du temps de M.Butor). In : Littératures 31, automne 1994. pp. 129-156

 


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