Taverne Taverne 1er novembre 2021 11:11

« Antigone a raison, mais Créon n’a pas tort. » (Albert Camus, lors d’une conférence donnée à Athènes en 1955). Je dis que les deux ont tort d’avoir trop raison et ils ont tous deux payé le prix fort pour s’être opposés comme des fanatiques.

Je partage donc avec l’auteur le principe de l’échange entre les gens.

Je trouve affligeant et désespérant de voir sur ce site comme ailleurs débatteurs se traiter de collabos et de d’autres termes désobligeants. L’échange exige un minimum de respect.

La première des règles est : « Ce qui gouverne ton imagination ne doit pas guider ta raison. »

Pour rester dans le rationnel, il ne faut pas céder à la peur panique. Hélas, des deux côtés, on en voit qui cèdent. Le clan de l’actuel Créon et des docteurs « en-sapiencés » (néologisme) affirme que l’irrationnel n’est que du côté des opposants au vaccin ou au passe sanitaire. Or, le pouvoir et les médias sont autant que les autres gouvernés par l’irrationnel. Simplement leur discours est plus construit et plus convaincant pour les masses.

La deuxième des règles est : « Préfère toujours l’autonomie à la liberté seule »

Obéir à l’autonomie au leu de suivre souvent sans savoir consciemment pourquoi, son sentiment de liberté. Le coryphée s’adresse à Antigone en ces termes : (…) « Seule entre les mortels, c’est de toi-même, et vivante, que tu descends dans les Enfers ». « De toi-même » signifie « en obéissant à tes propres lois » (« autonomos »). Quand on agit en autonomie, on s’interroge sur les principes auxquels on obéit. Paradoxalement, l’autonomie consiste avant tout à obéir, mais à obéir aux règles que l’on a acceptées et aux règles que l’on s’est fixées. Antigone se pose la question « Quel est donc le principe auquel je prétends avoir obéi  ? » (épisode 4, scène 2) et elle y répond.

La quatrième règle est : « Ne te crois pas le seul à avoir raison ! »

Ici, nous revenons à l’idée de Camus qui est que personne n’a raison tout seul, pas même Antigone puisque « Créon n’a pas tort ».

Cette règle est énoncée dans Antigone de Sophocle par Hémon, fils de Créon amoureux d’Antigone, qui écoute la voix du peuple et la relaie. Cette règle est contenue dans la tirade d’Hémon à son père : « Ne te mets donc pas dans l’esprit qu’il n’y a que tes seules paroles qui soient sages. En effet, quiconque s’imagine que lui seul est sage, et que nul ne le vaut par l’âme et par la langue, est le plus souvent vide quand on l’examine. Il n’est point honteux à un homme, quelque sage qu’il soit, de beaucoup apprendre et de ne point résister outre mesure. »

En résumé, cette quatrième règle dit que nul ne doit se croire sage tout seul et il doit écouter les autres pour apprendre d’eux.

La cinquième règle est : « Préserve-toi de tout excès ! »

Que cet excès se traduise en obéissance trop servile ou en résistance trop obstinée, il est ferment possible de désastre.

Le chœur de la pièce Antigone dit « il n’est pas d’existence humaine où le moindre excès ne pénètre sans qu’elle connaisse un désastre. » Cela vient en résonance de ce que dit Hémon « ne point résister outre mesure ». Dépasser la mesure est le plus sûr chemin de se tromper voire de se mettre en danger.

On se trompe plus souvent qu’on ne le pense mais la règle doit être l’obéissance dans l’autonomie. Pouvoir et liberté s’opposent en deux camps binaires mais l’être humain n’est pas fait pour supporter une lutte incessante entre ces deux principes. Il doit vivre en société selon les lois de la cité sans s’opposer dans la violence.

S’il est des points sur lesquels il ne faut jamais céder, l’action et les mots sont toujours préférables à la violence et à l’aveuglement.


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