Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 29 novembre 2021 09:23

Comment recoller les morceaux, sortir du délitement de la société, déjouer les défiances qui s’installent et prospèrent sur nos frustrations  ?

La confiance a à voir avec les attentes de comportement que l’on projette sur les autres. La seule manière de rétablir la confiance est donc que chacun soit à la hauteur des attentes placées en lui  : les gouvernants, les juges, les journalistes, les banquiers… Il n’y a donc pas de recette générale, sinon un principe  : il faut être attentif aux attentes des uns aux autres. Ne pas le faire alimente un sentiment de dépossession. Et il est difficile d’avoir confiance dans un système qui nous dépossède.

C’est ainsi que des initiatives naissent en faveur de la démocratie participative, par exemple. À lire votre ouvrage malheureusement, on voit que le numérique nous dépossède dans le même temps. Il nous rend plus indépendants, mais moins autonomes  : on met le GPS et on perd du même coup nos facultés d’orientation.

Oui, c’est pour cela que nous sommes embarqués dans une situation très compliquée. On aime s’en remettre à notre GPS, tant c’est pratique, mais on perd en facultés et en expérience  : on ne doit plus regarder les paysages, lire les panneaux, encore moins demander son chemin à quelqu’un. On perd donc surtout, et c’est essentiel, en confrontation, en frottement avec le monde. Le numérique nous dispense de relations avec les autres. On assiste à une extraordinaire accélération qui voit la relation à la technique remplacer la relation naturelle avec ce qui nous entoure. Notre dépendance au numérique nous rend de moins en moins acteurs, et de plus en plus les pièces d’une immense machine. Le bouleversement anthropologique qui en découle est abyssal.

Nous sommes moins appelés à nous faire confiance les uns aux autres, nous n’en avons plus besoin  ?

Le système numérique ne compte en effet plus sur la confiance, mais sur la sécurité. Il cherche juste à nous sécuriser dans notre désir dont il automatise le résultat. Comme je l’écris dans mon livre, on assiste en ce sens à une baisse tendancielle du taux de confiance.

Nous serions donc de moins en moins des sujets acteurs de notre environnement  ?

Je dirais plutôt que le numérique ne s’adresse pas à nous comme à des sujets libres, responsables, autonomes, capables de jugement et de réflexion. Il s’adresse à nous comme des êtres libidinaux qui veulent cliquer le plus rapidement possible pour obtenir le maximum de satisfactions avec un maximum d’efficacités. Aujourd’hui, qui voudrait renoncer au confort (et aux vrais services) qu’il nous procure  ? Il nous tient et, par là, étend son empire.

Ne sommes-nous pas encore capables de libertés face à lui  ?

Le problème majeur, c’est que cet immense système de satisfaction émousse, affaiblit toutes les forces qui pourraient s’y opposer. Mais le numérique ne peut évidemment remplacer toutes les relations au monde. Il reste des îlots irréductibles  : des expériences de confiance, de face-à-face, d’amour, de communication, mais aussi du corps vivant, du corps dansant… Ce sont autant d’expériences qui gardent la trace qu’un autre monde est possible. Il revient à la philosophie – la seule science qui puisse appréhender l’expérience humaine comme un tout – de les mettre en valeur, pour préserver ces pépites où se réfugie l’esprit authentiquement humain.


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