Michel Monette 13 novembre 2007 18:55

Il n’y a rien comme citer la source. Voici la réponse de Relman à la question suivante d’un sénateur canadien : « Docteur Relman, si vous en aviez la possibilité, élimineriez-vous tous les fournisseurs privés à but lucratif ou pensez- vous qu’il serait acceptable d’en conserver un certain nombre ? »

"Vous faites valoir avec raison que, du point de vue de la rentabilité financière, bon nombre d’éléments des systèmes de soins de santé canadien et américain sont à but lucratif, c’est-à-dire qu’ils doivent générer des bénéfices que l’on définit comme l’excédent des revenus sur les dépenses. Autrement, ces systèmes devraient compter uniquement sur les recettes fiscales ou les dons de bienfaisance. Les bénéfices sont nécessaires. Ce n’est pas l’aspect de la rentabilité financière qui me préoccupe ; je pense plutôt au fait que ces établissements appartiennent à des intérêts privés en plus d’être à but lucratif. Si un professionnel gagne sa vie en fournissant des services à des patients et s’il doit nécessairement enregistrer un excédent net ou un bénéfice, pour continuer d’exister, je trouve cette situation beaucoup moins préoccupante que si les services professionnels ou les établissements sont la propriété d’une corporation anonyme qui est en liaison avec Wall Street et ses analystes financiers et qui ne vise finalement que les bénéfices et le cours de l’action. C’est là que le bât blesse. Je ne pense pas que le problème tienne au fait que les établissements soient à but lucratif ou non ; à mon avis, il concerne plutôt le fait qu’ils appartiennent à des investisseurs privés.

Vous m’avez demandé si je serais en faveur de l’élimination de tous les établissements et de toutes les entreprises de soins de santé à but lucratif. Ma réponse est oui, à long terme. Je suis une personne qui a besoin de preuves. Durant toute ma carrière, je n’ai cessé de demander : Quelles sont les preuves ? Où sont les données ? Quels sont les faits ? Où sont les faits ? Les faits, les voici : personne n’a jamais pu démontrer au moyen de comparaisons justes et précises que les établissements à but lucratif sont synonymes d’une plus grande efficacité ou d’une meilleure qualité, et on n’a certainement jamais donné la preuve qu’ils servaient mieux les intérêts du public. Jamais. En ce qui me concerne, les seuls avantages des établissements à but lucratif par rapport à ceux qui sont sans but lucratif tiennent à l’injection de capitaux, et ces capitaux leur sont fournis par des investisseurs. Ils apportent les capitaux qui font défaut au système sans but lucratif ou qu’il ne veut pas avancer.

Cependant, pour pouvoir justifier cette injection de capitaux, ces investisseurs doivent extraire du système non seulement les coûts de l’amortissement, mais aussi des bénéfices. Sinon, ils ne pourraient pas investir. Pourquoi fourniraient-ils du capital si, en contrepartie, ils ne pouvaient pas retirer davantage du système que ce qu’ils y ont investi ?

Au début, une collectivité ou un hôpital qui a désespérément besoin d’argent sera heureux de voir arriver les investisseurs. Une association d’hôpital a les moyens de construire un nouvel hôpital, alors que la collectivité ne peut se le permettre. Mais, à la longue, c’est la collectivité qui paiera la note parce que la corporation n’est pas une organisation de bienfaisance. Sa raison d’être est de faire des profits, et elle en fera sur le dos de la collectivité. En dernier ressort, elle retirera davantage de la collectivité que ce qu’elle a investi. Elle n’a pas le choix, elle doit parvenir à obtenir plus que sa mise initiale pour réaliser des bénéfices.

Votre autre question portait sur Kaiser. Kaiser est fantastique et c’est l’un des modèles que nous devrions imiter. N’oubliez pas que Kaiser est une organisation sans but lucratif ; elle n’a pas d’investisseurs.

Je pense que le système idéal combinerait un système d’assurance public unifié avec des fournisseurs privés sans but lucratif, qui seraient tenus de rendre des comptes, devraient suivre un budget, seraient évalués en fonction de leur efficacité, et ainsi de suite. À mon sens, les soins de santé devraient être organisés autour d’un système qui mélangerait le secteur public et le secteur privé ; le financement devrait provenir du secteur public et la prestation devrait être assurée par le secteur privé. Je ne veux pas que les médecins travaillent pour le gouvernement, à moins qu’ils aient choisi de joindre les rangs des VA ou de l’armée ou encore les services de santé publique. Je pense que le système de prestation des soins de santé devrait être entre les mains du secteur privé, mais que le secteur privé devrait rendre compte de son rendement par l’entremise de budgets et de contrôles qualité. Kaiser donne un exemple fantastique de ce mode de fonctionnement."

Délibérations du comité sénatorial permanent des Affaires sociales, des sciences et de la technologie

OTTAWA, le jeudi 21 février 2002

Je vous concède que « légers profits » ne veut rien dire. J’aurais dû utiliser les mots exacts de Relman : « excédent des revenus sur les dépenses ».


Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe