ronchonaire 17 janvier 2008 11:01

En tant qu’économiste, permettez-moi de répondre à cette intéressante question.

Il y a en fait deux problèmes bien distincts :

  • "l’inculture économique" que dénonce Michel Rocard ; sur ce point (comme sur beaucoup d’autres), il n’a pas totalement tord. Quoiqu’en disent certains, l’économie est une science, certes inexacte, mais une science quand même. De plus, contrairement à une idée reçue, l’économie n’est pas une discipline littéraire : tout bon économiste doit d’abord être une brute en maths et en stats s’il veut réussir. Nous contruisons des théories, des modèles mathématiques, que nous confrontons aux données du monde réel, puis nous en déduisons des mécanismes, voire des "lois". Or, la plupart des gens, y compris dans les plus hautes sphères intellectuelles, sont totalement ignorants en la matière. Je suis personnellement effrayé par le nombre d’ânneries que je peux entendre ou lire à longueur de temps, y compris sur ce site d’ailleurs.
  • la soi-disant "politisation" de l’enseignement de l’économie en France et son supposé eloignement des réalités de l’entreprise. L’un comme l’autre me semblent faux. A vrai dire, si biais il y a, j’aurais tendance à penser qu’il est plutôt dans l’autre sens que celui mentionné dans votre article : la grande majorité des économistes sont plutôt des libéraux et ont tendance à prêcher les vertus de la libre-concurrence (par déformation professionnelle puisque nos modèles nous disent que c’est ce qui marche le mieux). J’irais même plus loin : Marx n’est plus au programme des cours d’économie depuis déjà bien longtemps (alors que sa critique du capitalisme pourrait être intéressante pour mieux le comprendre).

Le vrai problème à mon sens vient du fait que les enseignements de qualité en économie ne commencent qu’à la fac, et sont donc limités à ceux qui choisissent cette filière. Les cours de lycée, y compris pour les bacs ES, sont simplement catastrophiques ; non seulement ils ne permettent pas d’acquérir les bases élémentaires mais en plus ils sont complètement trompeurs sur la réalité de la discipline et sur ce qui attend les lycéens qui choisiront de poursuivre dans cette filière après le bac.

Faut-il brûler les manuels d’économie ? Sans doute, mais pour garantir une meilleure pédagogie de l’économie, pas pour les raisons de "biais politique" évoqué dans l’article. A ce titre, nous sommes, nous économistes, tout aussi responsables de la situation actuelle que ne l’est l’éducation nationale car nous n’arrivons pas à vulgariser notre discipline et avons un peu trop tendance à prendre les non-économistes pour des idiots. A nous également de faire des efforts pour mieux communiquer sur la réalité de notre métier.


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