anny paule 27 avril 2008 14:57

 

Quel sort pour l’éducation publique ?


 

Tout d’abord, quelques précisions d’importance :

Un décret du 5 mars 2003 (JO n° 55 du 6. 03. 03, Décret n° 2003-181) stipule (art. 1°) que les mots : « ministre d’Etat, ministre de l’éducation nationale de la jeunesse et des sports » sont désormais remplacés par les mots : « ministre chargé de l’éducation ».

Ce même décret précise que « la direction des lycées et collèges » est remplacée par : « direction compétente pour les programmes de l’enseignement professionnel et technologique ». (art.3)

De telles nuances sont capitales : le ministère de l’éducation nationale n’est plus un ministère d’Etat ; il n’existe plus de direction des lycées et collèges, mais seulement une direction ayant compétence sur les programmes.

Dans cette même période, sont passées les lois de décentralisation du ministère Raffarin, lois touchant de plein fouet les personnels TOS, les conseillers d’orientation, les médecins et infirmières scolaires… De nouvelles lois et de nouveaux programmes sont sortis depuis… qui ne font qu’aggraver la situation : notamment l’exigence de la polyvalence des professeurs du secondaire, la suppression des CAPES et agrégations de lettres classiques pour 2009…


 

Ensuite, quelques constats :

Depuis 2003, la suppression des postes d’enseignement n’a cessé de s’accélérer, nombre de départs en retraite n’ont pas donné lieu à des remplacements, le nombre de contractuels précaires et employés à la tâche s’est multiplié… l’institution scolaire dans son ensemble a été mise à mal (et elle n’avait pas besoin de cela) par toutes ces mesures drastiques.


 

D’où, un certain nombre de questions :

Le personnel enseignant, à terme, ne serait-il pas touché, lui aussi par d’autre réformes dévastatrices, aussi bien que par une nouvelle vague décentralisatrice ? Quelle volonté soigneusement masquée de privatisation du système nous attend-elle à terme ? Quel type d’éducation sera-t-il distribué dans nos établissements publics d’enseignement ?


 

Quelques publications de l’OCDE, de l’OMC, des AGCS, de l’ERT… permettent de comprendre que le mécanisme de privatisation s’installe insidieusement.

Ce propos peut être étayé par quelques citations :

Moyoto Kamiya, OCDE, in Courrier de L’UNESCO, décembre 2000 : « Une vaste réforme du secteur public d’éducation est en cours, orientée vers et par le marché ».

Accords de l’OMC qui prévoient « la privatisation de 160 secteurs ou services , pour une libéralisation totale », et parmi ces secteurs, « l’éducation (…) avec la santé, le dernier bastion à prendre » (Moyoto Kamiya, OCDE, in Courrier de l’UNESCO, décembre 2000)

Logique libérale  : « privatiser les bénéfices et socialiser les pertes », « les pouvoirs publics n’auront plus qu’à assurer l’accès à l’apprentissage de ceux qui ne constitueront jamais un marché rentable, et dont l’exclusion de la société en général s’accentueront à mesure que d’autres vont continuer à progresser ». (Adult learning and technology, un OCDE countries, 1996)

Banque mondiale au service des multinationales : « Investir prioritairement dans l’éducation de base » et « livrer les secteurs secondaires et universitaires aux industriels de l’éducation ». « Encourager le recours au privé » et « consentir des prêts pour les pays disposés à adopter, pour l’enseignement supérieur, un cadre législatif et réglementaire (…) où le secteur privé interviendra davantage au niveau de l’enseignement et du financement ». N’intervenir que si les pays ont su « réformer les systèmes éducatifs directement dirigés par des administrations centrales ou d’Etat (…) lesquelles laissent peu de marges de manœuvre ». (Banque mondiale, Priorités et stratégies pour l’éducation, 1995)

Conférence de Lisbonne, les 17 et 18 mars 2000 : Invitation des ministres de l’éducation des différents pays européens à « se mobiliser pour entrer de plain pied dans la nouvelle économie ».

Conférence du Lobby Gate, septembre 1998 : « L’éducation est l’un des marchés à la croissance la plus rapide. La formation privée et l’industrie de la formation des adultes devraient connaître un taux de croissance à deux chiffres tout au long de la prochaine décennie ». Dès lors, « l’éducation publique devient un concurrent qu’il convient de ramener à la portion congrue ».

Groupe de travail de l’OMC, dirigé par le président de BP Amoco, ex directeur du GATT, Peter Sutherland : « La responsabilité de la formation doit être en définitive assumée par l’industrie  ». « L’éducation doit être considérée comme un service rendu au monde économique ».


 

De la décision gouvernementale de faire du ministère de l’éducation un simple ministère, et non plus une « affaire d’Etat », en passant par les lois de décentralisation, par les suppressions de postes d’enseignement, par la polyvalence des enseignants, par l’emploi de précaires sur des contrats courts, par l’irruption des entreprises à deux niveaux de notre système (secondaire et universitaire), puis par les textes produits au niveau international, nous devons craindre le pire.

Songeons à toutes les lois scélérates qui nous ont été imposées depuis, tant sous J.P. Raffarin que sous D. Villepin, que sous F. Fillon…

Pensons à ce que nous voulons pour nos enfants ou petits enfants :

Une « éducation publique » concurrente de systèmes privés, et ramenée « à la portion congrue » ? Une « éducation considérée comme un service rendu au monde économique » ? Une Ecole soumise à la loi du marché, avec des élèves pensés en termes de « capital humain » ?

Ou une éducation tout court, généreuse, humaniste, visant à former des citoyens critiques, éclairés et dûment formés ?...

Il me vient à l’esprit une citation de Maurice Halbwachs qui préfaçait ainsi l’ouvrage d’Emile Durkheim, L’évolution pédagogique en France (réédition de 1990) : « L’éducation est le moyen le plus efficace dont dispose une société pour former ses membres à son image. »

Si nous revenons sur ce qui vient d’être rapidement exprimé, (et qui mériterait analyses et développements), nous avons une idée de l’homme futur qui est concocté dans les antichambres patronales et ministérielles… un produit prêt à être vendable au moins offrant des patrons, un produit pensé en terme de marchandise ou de « capital humain » dont il importera de tirer des bénéfices ou de jeter… mais, certainement pas un véritable « honnête homme », au sens noble du terme…

Le choix nous appartient à tous : ce choix, c’est le choix de la société que nous voulons faire advenir.


 


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